Le Grog de La Pérouse

Esquisse de la vie quotidienne sur l’Astrolabe et La Boussole 1785-1788

Il fait un froid glacial et les virus courent les rues, c’est donc la période rêvée pour lire bien au chaud, une histoire de marins… et de grog !

Grog de La Pérouse

La Pérouse fait partie de la constellation des marins français qui illuminent nos esprits lorsqu’on évoque la mer, au même titre que Jean Bart, Surcouf, Cartier ou plus récemment dans l’histoire Tabarly, Cousteau, Kersauson, Autissier, Arthaud, Peyron. Il faisait partie de la race des explorateurs, des aventuriers, des combattants.

Une destinée

Jean-François de La Pérouse, devenu Lapérouse, naît en 1741 dans la ville d’Albi. Très jeune, il s’engage dans la marine et participe à la Guerre de Sept ans (1756-1763). La paix revenue, il effectue plusieurs voyages à Saint-Domingue puis dans l’Océan Indien, zone qui l’intéresse particulièrement.

La Pérouse monte en grade. Il réside plusieurs années à l’Île Maurice où il rencontre sa future femme. Par ailleurs, il est fasciné par les voyages de James Cook réalisés entre 1768 et 1779. Les nouvelles cartes maritimes établies par Cook apportent des connaissances géographiques inestimables aux Européens.

La Guerre d’indépendance des Etats-Unis ramène La Pérouse en Amérique où il réalise des exploits, notamment dans la Baie d’Hudson. A 39 ans, il devient capitaine de vaisseau. Après le traité de Paris de 1783, Louis XVI souhaite rattraper le retard accumulé face aux Anglais.

Il faut compléter les cartes de James Cook, ouvrir de nouvelles routes maritimes et augmenter l’état des connaissances. En 1785, le Comte de La Pérouse, au nom du roi, embarque sur le navire La Boussole et avec le vaisseau l’Astrolabe commandé par Fleuriot de Langle, lève l’ancre pour un tour du monde.

Se ravitailler

Le voyage le mènera à Madère, à la Trinité (au large du Brésil), au Chili, à l’Île de Pâques, aux Îles de Sandwich (rebaptisées plus tard Hawaï), en Alaska, puis vers l’Asie, la Russie, et s’orientera vers les îles du Pacifique d’où le Comte ne reviendra pas.

Son journal de bord nous est parvenu grâce à plusieurs envois qu’il a réalisés à différentes étapes de son parcours. Il nous donne notamment des détails lors de son séjour aux Îles Sandwich, sur le commerce et la vie de ses marins.

Lapérouse écrit : « Les Indiens des villages de cette partie de l’île s’empressèrent de venir à bord dans leurs pirogues, apportant, pour commercer avec nous, quelques cochons, des patates, des bananes, des racines de pieds-de-veau (…) avec des étoffes et quelques autres curiosités faisant partie de leur costume. À côté de ces denrées, les marins, lorsqu’ils accostaient, cherchaient également de l’eau et du bois ».

Le matériau qui avait un « prix inestimable » pour les Indiens, selon La Pérouse, était le fer. Les objets en fer, que ce soit sous forme de bijoux, d’armes ou d’objets de construction comme des clous, servaient de monnaie d’échange aux marins.

Prendre soin des marins

Les provisions faîtes aux Îles Sandwichs devaient assurer trois semaines de consommation. Les cochons furent rapidement abattus et salés pour conversation « suivant la méthode du capitaine Cook » précisa La Pérouse.

En remontant vers le nord, le froid sévissait durement, « le brouillard ou la pluie avait pénétré toutes les bardes des matelots ; nous n’avions jamais eu un rayon de soleil pour les sécher » écrit-il.

La Pérouse avait acquis la conviction que le froid augmentait les risques de contracter le scorbut. Pour lutter contre l’humidité, il fit installer des braises sous le gaillard où dormaient les équipages et fit distribuer à ses hommes, des bottes et des gilets jusqu’alors remisés.

Et puis le Grog entra en jeu. Lapérouse nous apprend qu’il faisait partie de la ration du déjeuner. Il était composé « d’une partie d’eau-de-vie et deux parties d’eau ». Le chirurgien du navire, M. de Clonard, suggéra à son capitaine de mêler au grog « une légère infusion de quinquina, qui, sans altérer sensiblement le goût de cette boisson, pouvait produire des effets très salutaires. »

La Pérouse souhaita que ce mélange soit réalisé secrètement afin de ne pas susciter l’opposition des marins. Mais lors de la distribution, aucun d’entre eux ne releva le changement.

Cette petite anecdote propose ainsi une variante au grog connu depuis 1740 auquel on ajoutera par la suite un jus de citron vert. Ici, c’est le quinquina, petit arbuste originaire de l’équateur connu pour ses propriétés fortifiantes, qui est mis à contribution.