USA : des class actions réactivent la bataille du sucre, des arômes et des additifs dans le rhum

Bumbu et Don Papa sont sous le coup de plaintes aux USA pour tromperie envers les consommateurs. Ces derniers, via leurs avocats, leur reprochent de se présenter comme de vrais rhums, alors qu’ils contiendraient notamment trop de sucre et d’arômes et d’additifs alimentaires. Focus, et point sur la situation en France.

Class Action

Deux class actions (plaintes en justice collective de consommateurs se sentant floués) déposées aux États-Unis ont récemment relancé le débat enflammé sur ce qu’est réellement (ou en tout cas juridiquement) un rhum.

La première marque dans le viseur des consommateurs américains, n’est autre que Bumbu (Panama). Lamarr Golston a déposé un recours collectif contre Bumbu Rum Co. LLC dans l’État de New York, car elle annoncerait faussement que ses boissons distillées à base de canne à sucre sont du « rhum artisanal original », alors qu’elles seraient en fait plus proches d’autres boissons alcoolisées selon la réglementation américaine.

Golston affirme que les produits Bumbu Rum contiennent des ingrédients supplémentaires, y compris des matières aromatisantes (arômes ajoutés à la vanille et à la banane), qui « modifient la classe et le type des produits », et que le rhum n’est pas la caractéristique prédominante.

Bumbu

Pour lui, il s’agit d’une fraude et il demande donc des dommages et intérêts. Aura-t-il gain de cause ? « Il s’agit d’un litige sur l’information et la tromperie du consommateur, Bumbu se présente comme un rhum premium alors qu’il ne s’agirait d’après les plaignants que d’un cordial ou d’une liqueur dans leur définition légale aux US », nous explique la juriste spécialisée dans le droit des spiritueux Jennifer Frair-Roskis. La question qu’il faut se poser pour comprendre le conflit, c’est : est-ce que le consommateur aurait bien acheté Bumbu s’il n’y avait pas eu la mention rhum sur les bouteilles ? »

Don Papa aussi dans le viseur

La plainte visant Don Papa (Philippines) est assez similaire à celle prenant pour cible Bumbu. Là encore, selon les plaignants, alors que l’étiquette suggère qu’il s’agit d’un rhum vieilli en fûts de chêne sur les contreforts du mont Kanlaon… mais qui aurait en fait connu l’ajout d’ingrédients tels que la glycérine, la vanilline, et du sucre ajouté, qui ne permettent pas de l’appeler rhum.

La plainte suggère également que la couleur foncée du produit ne provient pas du vieillissement en fûts de chêne, mais de la couleur apportée par l’ajout de caramel. Une autre mention figurant sur la bouteille est dans le viseur des consommateurs : le rhum a été vieilli jusqu’à 7 ans.

Don Papa

La plainte allègue que ce n’est pas vrai et que le Don Papa est un mélange de rhums plus jeunes et plus âgés, et le plus ancien a sept ans. Dans les deux cas, il faudra attendre la décision judiciaire pour avoir le fin mot de l’histoire.

La définition du rhum en Europe

De telles plaintes sont-elles possibles en Europe et en France ? En théorie oui, puisqu’il est possible depuis 2014 en France de lancer des « actions de groupe ». Dans les faits ces dernières sont cependant assez rares.

De plus, les plaignants devraient apporter la preuve que les rhums incriminés ne respectent pas la législation européenne. Et pour cela il faudrait produire des analyses. En France, c’est la DGCCRF qui a pour mission d’enquêter sur ce genre de fraude.

En 2008, le rhum avait été défini dans le règlement européen comme tel : c’est une boisson spiritueuse produite exclusivement par la distillation du produit obtenu par la fermentation alcoolique des mélasses ou des sirops produits lors de la fabrication du sucre de canne ou la fermentation alcoolique du jus de la canne à sucre lui-même, distillée à moins de 96 % vol., de telle sorte que le distillat présente, d’une manière perceptible, les caractéristiques organoleptiques spécifiques du rhum.

Le titre alcoométrique volumique minimal du rhum est de 37,5 %. Il n’y a aucune adjonction d’alcool, dilué ou non. Le rhum n’est pas aromatisé. Le rhum ne peut être additionné que de caramel afin d’en adapter la couleur. « Sauf qu’à l’époque, l’édulcoration n’avait pas été prise en compte, de ce fait des producteurs des DROM, par exemple, s’étaient élevés contre des taux de sucre qu’ils trouvaient abusifs chez certains rhums importés, alors qu’eux s’astreignaient aux contraintes de leur cahier des charges , en IGP et en AOP », rappelle Jennifer Frair-Roskis.

Mais le règlement 2019/787 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 est venu limiter la présence d’édulcorants dans le rhum. » Ainsi, selon lui, le rhum peut être édulcoré pour compléter le goût. Toutefois, le produit final ne peut contenir plus de 20 grammes par litre de produits édulcorants, exprimés en sucre inverti. « Donc depuis son entrée en vigueur en 2021, tous produits portant la mention rhum et étant vendue sur le territoire européen, se doivent de respecter cette règle, sous peine de se voir ventiler dans une des 44 catégories de boissons spiritueuses reconnues par l’Europe : boisson spiritueuse, , ou liqueur au rhum par exemple », conclut Jennifer Frair-Roskis.

Pour rappel, d’ici 4 mois, au 8 décembre 2023, une nouvelle réglementation européenne oblige tous les vins et spiritueux commercialisés dans l’UE à fournir une déclaration nutritionnelle et une liste complète des ingrédients. Mais nous reviendrons dans le prochain numéro.


Le label Pure rhum

Mis en place par des marques (Duppy share, Copalli, Zaka Rhum, Six Saints, Rum & Cane, Ron Roble, Nusa Caña Rum), de rhum et un distributeur, ce label vise à garantir aux consommateurs que les des rhums conformes à la nouvelle réglementation européenne de 2021, dont le goût provient véritablement de l’élaboration, de la distillation, et du vieillissement. Ce grâce à 5 engagements :
1 / Les rhums labellisés font l’objet d’une analyse par un laboratoire indépendant.
2 / Les rhums contenant des additifs (sucre, vanilline, glycérol, et syringaldéhyde) sont exclus du label.
3 / Le taux de sucre ajouté est mesuré et aucun ne dépasse 12 g/l.
4 / Les rhums labellisés s’engagent à communiquer l’âge minimum et non l’âge maximum des rhums.
5/ Les résultats sont publics.

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