[Rhum de demain] Paranubes, ou comment pur jus issu d’un pueblo mexicain, s’est fait une place au soleil

Comment un rhum produit dans un village perdu au fin fond de la Sierra Matazeca (sud du Mexique), s’est-il frayé un chemin jusqu’aux étals des cavistes français ? Voici une véritable saga, qui fait se croiser un surfeur américain, une infirmière mexicaine, un producteur d’aguardiente du même pays, et… une intervention divine ! Au final cela donne Paranubes, un rhum de pur jus de canne qui n’a pas fini de faire parler de lui.

Paranubes

Et si le Mexique était l’avenir du rhum ?

Surtout connu pour sa téquila et son mezcal, l’État d’Amérique du Nord est pourtant un des premiers pays producteurs de canne à sucre (4e derrière le Brésil, l’Inde, et la Chine). Dont une part de plus en plus importante sert à produire du rhum, la plupart du temps à partir de pur jus de canne (El Destilado, Dreadhead, El Ron Prohibido…), mais aussi de mélasse (Pixan).

Et un nouveau venu est en train de se faire une place au soleil sur la scène du rhum mexicain, mais aussi aux USA, et en France. Il s’agit de Paranubes, un spiritueux originaire la Sierra Mazateca, au nord de l’Etat de Oaxaca, qui lui-même se situe au sud du Mexique. Mais comment ce jus provenant d’un petit village de quelques dizaines d’habitants en est-il venu à concurrencer les rhums agricoles sur le marché français ?

Le voyage de Judah

Comme souvent, cette histoire commence par une histoire d’amour. Celle de Judah Kuper, un fana de surf et de snowboard qui courait le monde pour assouvir sa passion de la glisse, et de Valentina, une infirmière itinérante.

Les deux protagonistes se plaisent, et bientôt se marient. Judah fait alors la connaissance de sa belle-famille, qui produit du Mezcal non loin de la capitale de l’Etat de Oaxaca, mais qui peine à en vivre. Judah décide alors de les aider en créant la marque Mezcal Vago et de l’orienter vers l’export.

L’opération est un succès notamment aux USA, et très vite, la famille Garcia, son pueblo et plus largement toute la communauté alentour (le modèle est répliqué sur trois villages), en engrangent les fruits. Vago s’engage en effet à verser une rémunération juste aux producteurs. En 2018, Mezcal Vago est revendu au distributeur américain Samson & Surrey, mais Judah Kuper continue d’y travailler.

Paranubes

La rencontre avec José-Luis

En 2015, Judah prend en stop un homme, dont l’histoire ne retiendra pas le nom, qui voyage avec un baril d’aguardiente de caña. Il en goutte le jus et se dit qu’il tient peut-être là son nouveau projet, faire du rhum mexicain. Il met donc le cap sur le nord, et les montagnes de l’Etat de Oaxaca. Là le climat se fait peu à peu plus humide, et les Agaves laissent la place à des cannes à sucre.

Il rend alors visite à plusieurs dizaines de producteurs d’aguardiente, mais n’en trouve aucun qui élabore une eau de vie de qualité suffisante, ou qui soit digne de confiance à 100%. Proche de renoncer, il finit par pénétrer dans la vallée de Rio Tuerto (à 7 heures de route de Oaxaca de Jimenez) où se trouve un petit village perdu, dont la plupart des habitants, des indigènes ne parlent pas espagnol, mais le mazatec, une langue amérindienne.

Au même moment à Rio Tuerto, José-Luis Carrrera est proche de renoncer à sa production d’aguardiente qui peine à nourrir sa famille. La veille, il est allé prier sur un antique site Mazatec pour que les dieux lui envoient un signe. Le lendemain il fait la connaissance d’un américain affublé d’un nom biblique, qui après avoir goûté son eau-de-vie, lui propose de la distribuer à l’international…

Le destin, sûrement. 8 ans plus tard, 20 hectares de canne à sucre sont consacrés à la production de Paranubes. Grâce aux revenus tirés de la vente de son rhum, José-Luis peut non seulement faire vivre sa famille, mais aussi une vingtaine de personnes de son pueblo.

Paranubes

Une méthode de production unique

Dans ces montagnes de la Sierra Mazateca (entre 1000 et 2000 mètres) perpétuellement voilées par des nuages, à la fois humides et chaudes, poussent donc quatre variétés de canne à sucre, Caña Criolla, Caña Dura, Caña Dulce et Caña Morada/Negra. (José-Luis ignore leur dénomination technique), la première étant majoritairement utilisée car son rendement est meilleur et sa saveur plus riche.

Elles sont cultivées sans intrants chimiques, récoltées deux fois par an, coupées à la main, transportées à dos de cheveaux puis broyées le jour même. Le jus de canne (aucune imbibition n’est pratiquée) est ensuite mis à fermenter selon une méthode ‘roulante’ très originale. Le jus de canne est versé dans deux cuves de bois de pin, qui sont reliées à un alambic.

On y ajoute des levures indigènes obtenues par macération de l’écorce d’un arbre local, le Mezquite. On obtient alors un vin de canne qui titre entre 5 et 7%. Tous les deux jours, se distille la moitié d’une des deux cuves de fermentation alimentant un alambic. Cette cuve sera remplie le jour même par du jus frais.

Le jour suivant, même processus s’opère avec la seconde cuve… et ainsi de suite. La fermentation dure donc entre deux jours… et 4 mois. Car c’est au bout de ce laps de temps que les cuves sont complètement vidées et nettoyées, avant que le processus ne reprenne. Sachant que Paranubes dispose de deux systèmes comprenant deux cuves et un alambic, donc quatre cuves et deux alambics au total.

Les alambics, chauffés à la bagasse, sont composés d’un boiler de 550 litres et d’une colonne rectificatrice avec 6 plateaux (le tout en cuivre). Cinq coupes différentes sont pratiquées, et de l’eau-de-vie titrant 85%, 65%, 55%, 45% et du vin de distillat à 6% environ sont recueillis dans des bidons de verre de 18 litres, appelés « garafones ». Chaque jour, 90 litres sont ainsi produits. Une fois José-Louis Carrera a accumulé 2000 litres, ils sont assemblés dans des cuves et laissés à reposer 2 à 3 mois.

Paranubes

Une route originale

Ce qui donne un rhum d’assemblage, le Paranubes Blanco, qui titre 54%.
Cette référence permanente vient d’être rejointe par un rhum âgé de 18 mois, qui a reposé dans des fûts neufs de chênes blancs américains : le Paranubes Anejo.

Ces deux références seront au fil du temps complétées par des cuvées en série limitées, notamment des cuvées mono variétales consacrées à chaque type de canne à sucre cultivées à Rio Tuerto. La première à sortir étant la Cana Morana (54,4%). Au printemps 2023, une nouvelle référence sera disponible en France, Añejo Ex-Tequila, qui a 18 mois dans des fûts de chêne américain dans lesquels de la Tequila a précédemment vieilli.

Les cuvées âgées devraient elles aussi se multiplier car José-Luis et Judah font actuellement rénover un bâtiment qui servira de chai de vieillissement. Au final, les rhums Paranubes se présentent comme une bonne alternative pour les amoureux de rhums de pur jus de canne. Moins ‘classiques’ que les rhums agricoles français, et moins “barrés” que certains pur jus un peu trop sur les esters, nulle doute qu’ils vont tracer leur route originale dans les années à venir.

Paranubes


La gamme Paranubes :

paranubes blanco

Paranubes Blanco (70cl – 54%) – 53€ TTC
Au nez de belles notes de bocal à olives et d’herbe fraîchement coupée. En bouche, un côté terreux avec une finale sur la canne à sucre. Un belle longueur en bouche sur les épices et le sucre roux, moins asséchante que les rhums agricoles.

Disponible chez Rhum Attitude 

Paranubes ANejo

Paranubes – Anejo 18 mois (70cl – 53.8%) 75,90€ TTC
On retrouve au nez les notes terreuses et de bocal à olive de Paranubes Blanco, mais accentuées. En bouche, la vanille et le cacao se taillent la part du lion. Pour les amateurs et les amatrices de rhums avec des notes caractéristiques du fût neuf.

Disponible chez Rhum Attitude 

paranubes cana morada

Paranubes – Cana Morada (70cl – 54,4%)- édition limitée. 55,90€ TTC
Voici un rhum sur la canne à sucre, avec aussi des notes de fruits exotiques mûrs, et un côté cuir, presque animal. En bouche, la finale est clairement sur le sucre roux. Très addictif.

Disponible chez Rhum Attitude