Thierry Benitah, Dirigeant de la Maison Du Whisky (LMDW)

Pour les 10 ans de votre magazine favori 20 personnalités décryptent les 10 dernières années, et donnent des pistes de réflexion pour les 10 prochaines…

Thierry Benitah

Comment le marché du rhum a-t-il évolué au cours des dix dernières années ?

Nous avons assisté à une prémiumisation de la catégorie, même si entre-nous je serai bien en peine de dire ce qu’est un rhum premium. Disons donc que ce sont les rhums vendus 80 € et plus. Via nos partenariats avec Velier, avec les rhums rares de Plantation, des marques de négoce… on était déjà positionnés sur ce segment, et nous continuons. On peut aussi parler de la premiumisation du rhum agricole.

Le meilleur exemple c’est Neisson, qu’on a beaucoup poussé à donner davantage de place à ses rhums vieux. Neisson est une marque importante pour nous. On aime Grégory, son personnage assez intense, libre. C’est grâce à son «Esprit» que j’ai appris à aimer le rhum agricole. Je citerai aussi RhumRhum et Bielle (que nous avons eu un temps en portefeuille), et plus récemment Isautier qui fait aussi un peu d’agricole, ou Papa Rouyo.

Sinon parmi les tendances de ces dernières années, il y la Jamaïque et ses esters, qui sont un peu comme la tourbe des whiskys écossais. Il y a un engouement très fort de la part des cavistes.

Ça me rappelle le phénomène qu’on avait remarqué sur le whisky il y a 25 ans. Les gens viennent à l’ouverture de la boutique pour être sûrs d’avoir leur bouteille. Cette passion s’est transposée du whisky au rhum. On peut aussi citer les arrangés, mais chez LMDW on y est venus assez tard. On venait de l’univers du single malt, de produits qu’on buvait purs…

C’est aussi pourquoi, même si on a vu venir la vogue des Diplomatico et Don Papa, on est passés à côté. On a failli travailler pour Diplomático à l’époque, mais ça ne s’est pas fait, et finalement, il a eu le succès qu’on lui connaît. Par contre, au même moment, on a opté pour les rhums gourmands de Plantation. Et on est montés en gamme avec eux. Et de l’autre côté, on avait une marque très négoce (Velier), avec ses single casks, ses clairins, la Jamaïque… C’est Luca Gargano qui nous a convaincus que ça serait la grande tendance de demain.

Comment va-t-il évoluer ces 10 prochaines années ?

Je n’ai pas de boule de cristal, mais j’ai l’impression que de plus en plus de distilleries vont ouvrir dans des zones où il en existe déjà : Martinique, Jamaïque… Mais aussi dans des zones où il y en a peu comme l’Afrique, l’Asie… Après nous sommes à l’affût de nouveautés, et ce qui emporte la décision, c’est toujours la dégustation.

Si ça nous plaît, on fera tout pour travailler avec la distillerie. Je crois aussi en l’avenir des rhums en pot still. La plupart des nouvelles distilleries qui se lancent s’équipent d’alambics plutôt que de colonnes. Et je crois beaucoup aux rhums blancs agricoles. Personnellement je trouve que ce sont des rhums de dégustation fabuleux, que je préfère presque aux rhums vieux.

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