France Ô propose un documentaire jeudi 3 octobre à 20h55 sur le rhum en Martinique et donne la parole aux martiniquais.
Synopsis :
L’histoire du rhum en Martinique a commencé il y a plus de 300 ans, au temps de l’esclavage. Au fil des décennies, le rhum est devenu une grande affaire économique, avec des processus techniques de plus en plus complexes et un marché qui explose.
Mais le rhum est d’abord une histoire simple de gens, de peuple, de culture, une histoire de pratiques et de traditions. Parce que le rhum est parent avec chaque Martiniquais, un parent parfois éloigné, parfois trop familier… mais toujours présent.
Extraits :
Rencontre avec des Martiniquais qui nous racontent leur rhum à eux.
Le rhum en Martinique se vit au fil de la journée, à travers des moments qui sont devenus traditionnels : le dékolaj du matin est sans nul doute le moment-rhum qui continue à perdurer. Bio-Péyi-Nou, alias Peguy, en sait un rayon et en rappelle l’origine. Pour cet agriculteur du Nord, le rhum blanc, c’est l’affaire du peuple. Le vieux, c’est plus distingué, peut-être parce qu’il est plus cher.
Gina, elle, le transforme à son image. Son rhum à elle n’est jamais brut mais arrangé. Comme beaucoup de femmes martiniquaises, elle a ses recettes pour fabriquer des liqueurs avec des épices et des feuilles de son jardin. Elle n’a pas oublié le temps où le rhum était un médicament qu’on administrait de 1000 manières possibles aux adultes comme aux enfants. Elle n’a pas non plus oublié ses années-France où le rhum était offert aux Blancs comme emblème de son île. Aujourd’hui encore, comme en témoignent deux étudiants, le rhum est ce que l’on offre aux étrangers pour montrer sa propre valeur. Mais, revers de la médaille, il assigne l’Antillais à la case fêtard. « Comme si on était bon qu’à faire la fête ».
Pour Mégostar, jobbeur à Basse-Pointe et guitariste à ses heures devenues perdues, le rhum est avant-tout un business ultra rentable tenu par les békés, ce qui les maintient dans leur position historique de dominant. Il parle de nègres esclaves du rhum et complices de leur propre esclavage. Son rhum à lui est amer.
Contrairement à Sylviane pour qui le rhum est avant tout synonyme de légèreté de la vie. Sylviane tenait une rhumerie à Paris. Il y a 6 ans, elle a décidé de venir s’installer dans son île prénatale pour monter un atelier de masques. Le rhum n’est plus son travail, mais reste essentiel dans sa vie. Elle le connaît comme personne et décrit le goût du rhum vieux avec la poésie des oiseaux de nuit. Les participantes de son atelier pensent, elles aussi, que rhum égale convivialité et que, par égard à la mémoire de ceux qui ont souffert sous la canne, il faut le consommer sans faire les voraces. Avec respect.
Pour certains, le rhum n’est pas que le compagnon de la fête… c’est aussi l’ennemi intime, celui qui se nourrit de notre solitude, de nos échecs, d’une vie qui file bas. C’est le cas de Siko au Saint-Esprit qui a besoin de son rhum pour ne pas trop flancher. Guy, coupeur de cannes, a compris depuis longtemps que le rhum pouvait effectivement devenir un ennemi. De fait, son rhum, ce n’est plus pour lui qu’il l’achète, mais pour ses coqs de combat. Il a trop expérimenté les soirées à s’alcooliser sans foi et les lendemains à l’envers, pour continuer à boire du rhum.
Quoiqu’il en soit, quoiqu’il soit advenu de chacun, le rhum irrigue la terre et les mémoires. Il raconte des histoires, dessine un territoire, le modifie. En moins, de 50 ans, on est passé de 173 distilleries à 8, dont seulement 3 qui appartiennent à des familles martiniquaises. Avec cette incroyable réduction, c’est aussi des façons de faire le rhum qui ont disparu, des traditions, des légendes, des noms, des sensations de rhum qui se sont évaporées. Joël a gardé l’odeur du rhum d’avant en narines. Une odeur brute, presque brutale. Quand il la convoque, lui qui vit comme beaucoup de retraités un peu ici un peu là-bas, revoit immédiatement sa grand-mère s’en allant chercher son rhum directement à l’usine avec son jerrican et entend les Anciens se plaignant que le rhum soit baptisé, c’est-à-dire coupé avec de l’eau… Comme une madeleine de Proust, le rhum rappelle les souvenirs et fait naître la nostalgie d’un pays.
La bande-annonce :
« Mon rhum à moi »
Documentaire écrit et réalisé par Véronique Kanor – Produit par Benoît Tschieret – Une production Les Films en Vrac
Jeudi 3 octobre 2019 à 20.55
Durée : 52 minutes
sur France Ô