Covid-19 : Interview de Michael Didi Moscoso – Haïti

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Lave men nou kont kowona viris !!! (ndlr le rhum Bakara est un produit de négoce)

Rumporter : Avec seulement 41 cas déclarés au 23 avril, Haïti semble relativement épargnée par la maladie. Pouvez-vous nous faire un point à date de l’évolution de la maladie chez vous?

Michael Didi Moscoso : En effet, c’est plus que bizarre. Nous nous attendions dès le début a un désastre immédiat. Il est clair, il ne faut pas se leurrer même en étant politiquement correct, qu’aucun pays pauvre et démuni n’est capable d’appliquer le principe du confinement et les règles d’hygiène sociale (distance de sécurité, accès à l’eau, le savon, les cache-nez, ou les hand sanitizers). Haïti devrait déjà avoir dépassé le taux de fatalité du séisme du 12 janvier 2010 et pour ne pas dire l’avoir multiplié par cinquante ou même cent.

Je voudrais me prêter au jeu d’une supposition médicale, en assumant que ce que je vais dire est peut-être une bêtise qui sera tournée en ridicule par les lecteurs de la communauté médicale et/ou scientifique.

Il y a quelque chose qui cloche chez nous avec cette pandémie. Il n’est pas normal que nous n’ayons pas encore aux moins un million de cas et un fort taux de mortalité au vue des conditions de vie et la promiscuité qui règnent chez nous. Moi, et bien d’autres, partageons l’idée que, depuis l’après Duvalier (1986), nous vivons un niveau d’insalubrité indécent au milieu de détritus, de microbes et d’immondices partout dans le pays et particulièrement dans les zones urbaines que nous fréquentons tous les jours.

En fait, je pense que nos corps et systèmes immunitaires se sont habitués a toutes sortes de germes, microbes et autres virus. Je pense à 99.9%, que 90% ou plus de nous tous en Haiti, ont été en contact direct avec le Covid-19 mais notre système sourit et dit « Covid, poursuis ton chemin, citoyen. Vas voire ailleurs camarade”

Il y a aussi la théorie de la génération des vaccinés, mais là je n’en sais rien.

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R : Pouvez-vous nous raconter concrètement comment vous vous êtes organisés sur le site de production. Avez-vous eu besoin de procéder au télétravail, au chômage partiel ou autres mesures courantes en Europe ?

MDM : Non pas du tout, rien de ce genre. Cependant les gens sont bien au fait de la pandémie grâce aux média, réseaux sociaux, ainsi qu’au le travail de communication du gouvernement. Les gens prennent beaucoup de précautions. Le patronat aussi, dans toutes les entreprises, facilite le mouvement en appliquant des mesures sécuritaires pour les clients et les salariés. Par exemple, vous ne pouvez pas entrer dans certains magasins ou autres entreprises sans cache-nez, sans vous désinfecter les mains (courtoisie de l’entreprise) auprès de l’agent de sécurité ou l’hôtesse d’accueil. On vous invite même à désinfecter vos chaussures sur une moquette imbibée de chlore ou autre solution désinfectante

Cependant j’ai bien peur que ça ne soit pas suffisant car le gros de la population en centre-ville, marchés et autres zones défavorisées, n’est pas en mesure de respecter ces principes sanitaires et sécuritaires.

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Un marché haïtien typique. Difficile d’y faire respecter la distance sociale.

R : Récemment en France, le gouvernement via plusieurs décrets ministériels a facilité le don d’alcool de bouche aux pharmaciens et autre opérateurs habilité à produire du gel hydroalcoolique ? Les « rhumiers » de Martinique, de Guadeloupe ,de Guyane ou de la Réunion se sont organisés pour donner de l’alcool aux administrations locales. Est-ce que Haïti souffre du même manque degel hydroalcoolique ? Est-ce que vous avez pu mettre quelque chose en place?

MDM : Là je ne comprends pas trop. Il est évident que manque il y aura. Par contre, je suis un peu perdu. Plein de gens et entités ont voulu se mettre à la production de gel hydroalcoolique, mais la plupart ont échoué car ils n’arrivent pas à trouver les capuchons type atomiseur. Cependant partout où je vais, des flacons de gel hydroalcoolique importés sont disponibles. De mon côté, ayant toujours produit de l’alcool organique (‘Non Certifié’), je n’ai eu qu’a accélérer ma production, me concentrer uniquement à ce type de production. En effet, la demande a explosé et je continue à produire de l’alcool à 95% pour ceux qui produisent du gel (version sans capuchon vaporisateur) et du 70% pour tout le monde.

Mon petit discours marketing est que “l’heure est à l’urgence et pas à la mode ni au ‘fashion’ (notre façon de parler ici)”. C’est l‘alcool à 70% tout simplement qui fait le travail. Alors n’étant pas dans la cosmétologie ou dans le pharmaceutique, je me contente de continuer à produire de l’alcool que je propose en flacons de 10oz, 16oz et en gallon.

R : Savez-vous quelles conséquences, la crise impliquera sur votre propre production de rhum ?

MDM: Pour être honnête je n’en produit plus depuis quelques temps, à cause de la situation politique du pays notamment en 2019. En revanche, je pense que cette crise n’a et n’aura aucun effet sur les ventes d’alcool. Mon honnête opinion est que même en temps de guerre ou même si la fin du monde arrivait, l’alcool serait la dernière commodité à être consommée et ce même avant les médicaments et la nourriture.

R : Avez-vous déjà perçu un impact de la crise sur les ventes ?

MDM : Je ne suis pas en mesure de répondre car je n’ai pas de données récentes. Mis a part les resto, bars, night clubs, etc, c’est tout à fait sûr que les fabriquant accuseront une baisse temporaire des ventes. Par contre cette baisse sera limitée.

 


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