On a tenté de classer du plus attendu au plus barré les modes de vieillissements sortant de l’ordinaire. Voici notre top 10 !
10 – Le vieillissement en altitude
On commence doucement ce classement avec le vieillissement en altitude, c’est-à-dire à plus de 2000 mètres. C’est notamment le cas des deux marques guatémaltèques les plus connues au monde : Botran et Zacapa.
Leurs chais de vieillissement se trouvent en effet à
2 300 mètres d’altitude dans « La maison au-dessus des nuages» sur les hautes terres de Quetzaltenango. La fraîcheur des montagnes permet de ralentir le vieillissement des rhums, de continuer pendant des décennies parfois (via le sistema solera) à maturer sans que la part des anges ne soit trop prédatrice.
Le vieillissement en altitude apporte de la richesse, de la délicatesse et du concentré au nectar. On est cependant loin du côté foufou de certaines cuvées qui vous seront présentées plus loin!
La cuvée : Zacapa – Gran Reserva Solera
Zacapa est un des rhums de miel de canne les plus connus au monde, et le Solera 23, son navire amiral. Le vieillissement se fait selon le sistema solera, qui permet d’assembler une grande variété de fûts (ex-fûts de bourbon, de cognac, de whiskey américain, de sherry…), de chauffes, de degrés et de comptes d’âge. Attention, le chiffre indiqué sur la bouteille n’est pas l’âge du rhum selon les standards européens (qui suivent la règle de la goutte la plus jeune), mais l’âge du rhum le plus vieux de l’assemblage.
Très gourmand, avec une forte impression de suavité, voire de sucrosité, on est sur des arômes de chocolat, de café, de tabac. On trouve aussi quelques notes fumées, voire oxydatives, apportées par les fûts de whiskey carbonisés et de sherry.
70 cl – 40 % – autour de 65 €
Disponible chez Rhum Attitude
9 – Les vieillissements dans des fûts de bois originaux
Il n’y a pas que le chêne dans la vie! Si l’immense majorité des rhums sont vieillis dans des fûts de chêne français ou américain (et c’est même souvent une obligation au niveau de l’appellation), certains font des écarts. Il peut s’agir de finish, ou de vieillissements intégraux.
Au rayon finish, un des bois les plus populaires est le chêne japonais ou mizunara. On pense notamment au Neisson ESB Mizunara Bio Foundations, Barcelo Mizunara Cask, Barbancourt Cane Blossom 2023 Fût de Mizunara… Le chêne japonais apporte ici une rondeur supplémentaire au rhum, mais a aussi tendance à beaucoup marquer. À utiliser avec précaution.
L’acacia est lui aussi prisé pour des finish : La Mauny Acacia par exemple. Mais on voit aussi des vieillissements ou des finish en fûts de châtaigniers, de merisiers, de cerisiers…
La cuvée : Marsolle – N° 06 Merisier – Rhum Ambré Pur Jus
Rencontrée au dernier Mondial du Rhum, la famille Marsolle commercialise une gamme très intéressante de rhums vieillis dans des fûts en bois originaux. Notamment un élevé sous-bois intégralement élevé 12 mois en fût d’acacia, et un autre en fût de merisier.
C’est à chaque fois le même rhum agricole de Guadeloupe, mais le profil diffère à chaque fois. On avoue fondre pour le vieillissement en merisier et ses notes de cerises et de cranberries. Gourmand à souhait.
70 cl – 46 % – 54 €
Disponible chez Rhum Attitude
8 – L’élevage en amphores
L’élevage en amphore s’est développé comme une traînée de poudre depuis quatre ou cinq ans. Ces gros contenants en terre cuite, parfois en porcelaine ou en grès, apportent en effet de la texture, un touché de bouche crémeux, et aussi des notes un peu terreuses au rhum (le plus souvent blanc) qui s’y trouve.
La première fois qu’on en a entendu parler, c’est il y a quelques années avec la version maturée 6 mois de la Part des Anges (Réunion), qui, après avoir sorti un trois ans, va faire de même avec un 5 ans (une bombe !). L’icône Chantal Comte s’y est également mise, tout comme Dominique Honoré au sein de ses chais Saint-Eloi.
Bref une nouvelle catégorie à part est vraiment en train de naître et c’est tant mieux, parce que c’est vraiment intéressant.
La cuvée : Chantal Comte – L’Arbre du Voyageur – Distillerie Labourdonnais – Île Maurice
Hommage à la « première des embouteilleuses indépendantes » du rhum avec l’Arbre du Voyageur, un blanc de l’Île-Maurice (distillerie Labourdonnais) qui a pour particularité d’avoir reposé en amphore de terre cuite et a donc bénéficié d’une réduction lente et d’une micro-oxygénation.
Des arômes de canne fraîche, bien sûr, mais aussi de fruits tropicaux et une dimension minérale probablement apportée par l’amphore.
70 cl – 49 % – 68 €
Disponible chez Rhum Attitude
7 – Le vieillissement en mer
Ah la mer et les embruns, ça forge le caractère et ça vivifie, les hommes, les femmes, mais aussi le rhum ! Remettant au goût du jour une tradition séculaire qui consiste à faire voyager par bateau (à voile s’il vous plaît) des fûts de rhums entre les Antilles et la France Métropolitaine, plusieurs embouteilleurs indépendants nous ont sorti au fil du temps de belles quilles.
Le principe est de mettre en cale des fûts de rhum, afin que le liquide et le bois soient en interaction de façon dynamique sous les effets de la houle. Résultat : une meilleure intégration alcoolique, des cuvées plus ou moins agressives, et un «vieillissement» plus rapide. À ce petit jeu, les Frères de la Côte font figure de pionniers, mais les Armateurs de rhum ou Vagabond Spirit le pratiquent aussi.
Les cuvées : Les Frères de la Côte
À tous seigneurs, tout honneur, mettons ici en avant le travail des Frères de la Côte qui, depuis plusieurs années, fait venir du rhum par bateau à voile à bord du Tres Hombres. On y trouve beaucoup de cuvées de Marie-Galante, notamment Bielle mais aussi Père Labat, mais aussi Martinique (La Favorite), Guadeloupe, de République Dominicaine, de la Barbade… Pour en savoir plus, sur cette aventure, voici une belle interview de son fondateur.
6 – Le vieillissement en péniche
Pour ce vieillissement «de l’extrême», on ne va pas fendre l’océan ou descendre dans un gouffre… mais se poser sur une péniche barbotant sur la Seine (la barge 166), à Issy-les- Moulineaux dans les Hauts-de-Seine. La Maison Ferrand a en effet installé un « chai flottant » sur une péniche Freycinet de 1948 conçue pour accueillir jusqu’à 1500 fûts de 30 litres de cognac Ferrand et de rhums Planteray (entre autres).
Les fûts peuvent être achetés par des particuliers ou des entreprises grâce au programme «Private Barrel». Les clients peuvent choisir le rhum ou le cognac qui s’y logera, ainsi que le type de chauffe du fût, et le temps de maturation (entre 6 mois et 2 ans), avec les conseils de l’équipe de Maison Ferrand, bien sûr.
Une fois arrivé à son summum gustatif, le spiritueux est mis en bouteilles (50 cl, étiquette à votre nom), qui sont livrées chez vous. Le lieu propose également diverses activités (dégustations, privatisations…).
Le chai est installé sous le niveau de la Seine (l’humidité y est donc importante), et est doucement bercé par le courant. Les effets de ce vieillissement dynamique étant analysés par l’équipe recherche et développement de Ferrand.
La cuvée : Demandez à la Barge 166 !
Difficile de conseiller une cuvée en particulier puisque l’ADN du projet est qu’il est personnalisable. La très pointue équipe d’Excellence Rhum a sélectionné plusieurs fûts et les commercialise.
Barge 166 – 166, quai de Stalingrad – 92130 Issy-Les- Moulineaux – France
5 – Le terroir des forêts
Arrivé dans le top 5, on commence à trouver des vieillissements franchement originaux. Jugez plutôt ! La première fois qu’on avait entendu parler de comparer des rhums identiques selon les forêts dont provenaient leurs fûts de vieillissement, c’était avec François Longueteau.
Depuis, la distillerie guadeloupéenne semble avoir remisé son projet, et c’est finalement la marque martiniquaise HSE et son directeur commercial Cyrille Lawson, toujours dans les starting blocks lorsqu’il s’agit d’innovation, qui ont sorti leur propre collection les Forêts.
Les cuvées : HSE – Les Forêts – Brut de fût
A première vue il s’agit de rhums bêtement vieillis dans des fûts de rhum français… sauf que non, ou plutôt pas seulement. Il s’agit en fait de l’aboutissement d’une collaboration de près de quinze ans entre HSE et son tonnelier Quintessence. Un rhum extra vieux brut (2015) de fût en AOC Martinique qui a vieilli pour partie (30 mois) dans des fûts de 200 litres en grains fin provenant de deux forêts françaises différentes.
La forêt de Montpensier (sols argilo-limoneux) au nord de Clermont- Ferrand en Auvergne, et la forêt de Chantilly (caractéristiques sableuses et calcaires) au Nord de Paris. L’idée étant de montrer quel était l’impact pas seulement du bois, mais de la forêt et de son terroir. Alors que d’habitude c’est le sol et le climat où poussent les cannes à sucre qui sont mises en avant, ici ce sont le sol et le climat de la forêt d’où provient l’arbre qui a servi à façonner les fûts qui sont étudiés. Deux autres éditions (avec des forêts différentes) sont prévues.
Montpensier : 70 cl – 51,8 % – entre 120 et 130 € Chantilly : 70 cl 51,1 % – entre 120 et 130 €
Disponible chez Boutique Rhum
4 – Le vieillissement sous-marin
Cela fait des décennies que des bouteilles de vin et de champagne sont vieillies sous l’eau. Puis ce fut au tour du whisky, et enfin du rhum. Autant pour le vin (effervescent ou non), cela coulait si l’on peut dire de source puisqu’il continue de vieillir en bouteille. Les va-et-vient de la marée (vieillissement dynamique), la pression et les éventuels échanges avec la mer via le bouchon, tout concourt à rendre l’expérience passionnante.
Autant pour les spiritueux, ça ne va pas de soi. Et pourtant l’expérience a été réalisée, en l’occurrence à 15 mètres de profondeur en dans la baie de Saint-Malo, en Bretagne. À la manette, les Armateurs de rhum. «Il n’y a aucun intérêt à avoir de beaux coquillages sur une bouteille s’il n’y a pas d’impact aromatique du vieillissement sous-marin, raconte Mathurin Heude, le fondateur. Donc on a fait appel à des scientifiques et des sommeliers pour recréer un écosystème dans la bouteille en ensemençant le rhum avec de la matière organique qui permet un écosystème de vieillissement. »
La cuvée : Armateurs de rhum : Immersion 2024 – Rhum immergé
« L’an dernier on était sur des rhums guadeloupéens, et cette année sur des rhums agricoles martiniquais, explique Mathurin Eude. On a le projet de travailler des rhums de mélasse et des multi distillations alambic et colonne…»
Le deuxième batch (vieux pur jus Antilles qui a vieilli 3 fois : vieillissement tropical + vieillissement dans notre chai océanique à Saint-Malo pendant 6 mois dans un fût de vin + vieillissement dynamique en baie de Saint-Malo, sous l’eau) est déjà sold out.
On a pu tout de même goûter la version restée à quai et la version immergée. Aromatiquement, la différence ne saute pas aux narines ou au palais, mais la version immergée présente tout de même davantage de gras, est plus enrobante des notes torréfiées, une gourmandise fruitée sans perte de fraîcheur. Les deux sont très bonnes.
2 bouteilles de 50 cl – 40 % – édition 2024 épuisée
3 – Le vieillissement sous-terrain
On continue notre plongée dans l’univers des vieillissements extrêmes. Quelques illuminés (Ricci, Vagabond Spirits pour ne pas les nommer), se sont mis en tête de faire vieillir du rhum en fûts dans des gouffres! L’idée ? Voir comment l’atmosphère fraîche, à température stable, avec un taux d’humidité élevé, allait altérer et, si possible, bonifier l’eau-de-vie!
La cuvée : Famille Ricci, coffret « The Ageing Experience »
La Famille Ricci a plus d’un tour dans son sac. Notamment ce vieillissement sous-terrain, plus particulièrement dans la grotte Baume obscure à 70 m de profondeur. 3 barriques de 50 L (assemblage Bielle-Montebello en blanc, brut de colonne) y ont séjourné pendant 16 mois, tandis que trois barriques contenant le même rhum ont patienté dans les chais à la surface.
Le degré initial d’alcool était de 78,6 %, le rhum mis dans la grotte est ressorti à 67,1 % degrés quand celui du chai est sorti à 76,1 %. Voici ce que Morgan Ricci nous racontait en 2023 au moment de la sortie du coffret qui permet de comparer le blanc initial, le rhum vieilli dans le chai et celui dans la grotte : «En texture de rhum de la grotte est plus souple avec un alcool beaucoup mieux intégré. En aromatique les notes de vanille, de boisé et d’épice venant de la barrique sont plus prononcés dans le rhum vieilli en grotte, le vieillissement a donc été plus intense en climat souterrain qu’en climat classique. Enfin le rhum sous grotte a plus gagné en complexité, car il a des notes supplémentaires un peu argileuses que le rhum a absorbé de l’environnement souterrain. Le résultat est qu’on s’aperçoit que la différence des deux vieillissements est notable avec des aromatiques, une structure et une texture bien différente ».
Coffret composé de trois bouteilles en 37,5 cl – Le blanc initial embouteillé à 78,6 % – L’ESB vieillit 16 mois dans le chai embouteillé à 76,1 % L’ESB vieillit 16 mois dans la grotte embouteillé à 67,1 % PVC : 132 €
2 – Les vieillissements de Vagabond Spirits
Tout comme Guillaume Ferroni, cet embouteilleur indépendant du sud de la France a droit à sa notule spéciale. En effet sa marque s’est notamment fait un nom grâce à des expérimentations autour du vieillissement : sur le pont d’un bateau, sous la mer, sous la terre, en amphores, dans les caves d’un château…
Commençons par le rhum vieilli navigué (donc en bateau à voiles) qui, au lieu de voyager en cale, occupe une place sur le pont, où il est donc assailli par les conditions climatiques (soleil, vent, pluies) et les embruns. Plutôt extrême ce «High Sea », « Mon rhum a perdu 20-25 % de parts de anges ! » reconnaît Nicolas Petit, fondateur de Vagabond Spirits. Notre savant fou du rhum s’est aussi essayé au vieillissement dans les entrailles de la Terre.. «Les fûts sont restés à 70 mètres de profondeur à une température de 7° stable à l’année, avec un taux d’humidité de 95 %. Résultat, quasiment pas de part, anges, 4 % qui a compensé le volume perdu, raconte-t-il. Au départ c’était un TDL vieilli en ex-fûts de bourbon qui était assez puissant avec ses 65 %, et à l’arrivée, le produit était plus doux, rond, gras. En fait c’était une réduction lente et constante».
Enfin, le vieillissement sous-marin, mais cette fois-ci, au lieu des bouteilles, c’était le fût lui-même qui était immergé ! « Donc il y a un vrai échange entre la mer et le rhum dans le fût», confie Nicolas Petit qui s’est aussi, essayé à l’amphore, en terre cuite, car cela permet une micro-oxygénation constante.
La cuvée : Vagabond Spirits, château de Bonaguil.
Cette cuvée, on ne l’a pas encore goûtée, car elle n’était pas encore tout à fait née lorsqu’on a écrit ces lignes. Mais le principe nous a beaucoup séduits. «J’ai fait vieillir trois fûts. Deux fûts de 64 litres (un merisier et un acacia) accueillant du rhum de la Réunion de 5 ans ex-cognac, et un fut de 32 litres (chêne français hyper toasté) avec un rhum de la Réunion blanc, explique Nicolas Petit. Dans les profondeurs d’une grotte qui se trouve sous le château de Bonaguil dans le Tarn. Il y fait 15-20° à l’année et 90 % d’humidité toute l’année. »
La cuvée sera donc un blend des trois et une grande partie des bénéfices seront reversés au château pour qu’il continue de perdurer à travers les siècles. Et à accueillir du rhum donc.
1 – Les vieillissements de Guillaume Ferroni
Guillaume Ferroni ne pouvait pas ne pas avoir sa propre notice dans ce classement des vieillissements les plus foufous. Et en plus il le remporte haut la main, grâce une cuvée en particulier… mais n’allons pas trop vite en besogne.
Le mage provençal, installé au château des Creissauds près d’Aubagne s’est en effet fait une spécialité des innovations en termes de vieillissement. On peut notamment citer son excellente gamme de rhums blancs redistillés et vieillis en dame-jeanne, ces gros contenants en verre bombés à la base et au goulot étroit.
Une technique de maturation qui vient de l’est de la France pour les eaux-de-vie de fruits, appliquée ici à une dizaine de références en pur jus ou en mélasse. Guillaume Ferroni a aussi été un des premiers à faire maturer des rhums dans des ex-fûts de bière… mais là où il nous a coupé le sifflet, c’est quand il nous a confié avoir fait vieillir un fût de rhum de 20 litres dans le coffre de sa voiture pendant deux ans, inventant au passage le «vieillissement dynamique terrestre »… on en saura sans doute plus dans un avenir proche, mais juste pour le principe, on décerne à Guillaume la palme d’or du vieillissement le plus barré.
La cuvée : Ferroni La Dame Jeanne 9 Jamaïque
On ne sait pas grand-chose de ce «rhum Tesla», donc on a voulu mettre en avant le travail de Guillaume sur les amphores. On avoue avoir une tendresse particulière pour la série Dame Jeanne et en particulier pour la N° 9, un rhum blanc de mélasse distillé en pot still et venant de Jamaïque. C’est la preuve par 9 que les rhums de mélasse jeunes peuvent être de grands rhums de dégustation, complexes et équilibrés. On est sur les solvants/saumure, les fruits très mûrs, l’olive…
50 cl – 57 % – 40 €
Disponible chez Rhum Attitude ou Boutique Rhum