Longtemps résumés à la guerre des rones légers pour cocktails des marques Bacardí et Havana Club, les rhums cubains ne cessent de se diversifier ces cinq dernières années et à s’imposer sur la scène des rhums de dégustation ou même épicés… Et le brouillard qui entourait l’île commence à se lever au grand plaisir des amateurs et des amatrices.
Cuba est sans doute le premier pays, la première image, qui vient à l’esprit d’une grande partie des habitants de la planète Terre lorsqu’on parle de rhum. C’est que deux des marques figurant dans le top 5 des plus vendues dans le monde, Bacardí et Havana Club, y sont nées.
Chacun a aussi en tête les cartes postales visuelles de mojitos, de Cuba libre ou de daiquiris servis dans les bars de La Havane et de Santiago de Cuba dans des rues colorées bordées de voitures américaines d’après-guerre.
Parler de Cuba et du rhum c’est aussi évoquer de puissantes figures comme Ernest Hemingway, Al Capone, ou des périodes particulièrement marquantes comme la prohibition ou la révolution cubaine.
Pourtant, lorsqu’on creuse un peu, on se rend compte que le grand public, et même souvent les experts, connaissent mal la réalité du rhum cubain contemporain et historique, ses différentes zones de production, ses différentes marques, ses terroirs et ses spécificités. La faute sans doute aux expropriations et aux nationalisations décidées par le pouvoir castriste à la fin des années 1950, et au blocus américain qui s’ensuivit.
Pedro Diago donne ses lettres de noblesse au rhum cubain
Mais n’allons pas trop vite et commençons par le commencement. L’histoire du rhum à Cuba débute avec celle du sucre dans les Caraïbes, c’est-à-dire avec l’introduction de la canne à sucre par Christophe Colomb en 1493. L’île est en effet revendiquée par la couronne espagnole, qui y expédie des colons, massacre les autochtones, et y fait venir de force des esclaves venus d’Afrique noire, via le mortel commerce triangulaire.
Probablement que l’île commence dans les décennies qui suivent à faire du protorhum appelé « aguardiente ». Il était sûrement assez rustique comparé à nos standards actuels ! Cette situation perdure jusqu’au début du 19e siècle où deux événements vont venir changer la face du rhum cubain.
D’abord, la fin de l’interdiction de distillation dans les colonies de la couronne espagnole (qui est allée jusqu’à la destruction systématique des alambics) puis l’indépendance d’Haïti (anciennement la colonie française de Saint-Domingue) qui était jusqu’alors le principal producteur de sucre sur la planète.
L’effondrement de la production et le blocus commercial imposé à la nouvelle République d’Haïti, première colonie noire indépendante, permettent à d’autres îles de prendre le relais, et de planter massivement de la canne à sucre.
On pense notamment à ses voisins que ce sont la Jamaïque et à Cuba. L’autre facteur déterminant sera la volonté d’un homme, Pedro Diago, de faire du rhum cubain, un breuvage qualitatif à l’image de ce qui se fait déjà dans l’aire anglaise, en Jamaïque et à la Barbade, ou dans les Antilles françaises.
Pedro Diago aura le premier l’idée de faire venir sur l’île des alambics ‘modernes’, permettant de produire des rhums (ou plutôt des rones) plus fins. Il fut aussi le premier à avoir l’idée de conserver des « aguardientes » dans des jarres enterrées pour affiner le produit, et plus tard des fûts de vieillissement en provenance d’Espagne.
En 1848, on compte trois distilleries modernes et d’innombrables petites échoppes qui produisent leurs aguardientes. C’est à cette époque qu’on prend l’habitude de distinguer le ron de ces eaux-de-vie plus grossières et la modernisation est favorisée par la couronne espagnole qui entend améliorer encore la production. La métropole devenant alors la première destination de ces rones cubains.
Et Facundo Bacardí réinvente le rhum cubain
Mais c’est avec un autre homme providentiel que le rhum de Cuba va véritablement prendre son essor et gagner encore en typicité. Cet homme se nomme Facundo Bacardi. Cet émigré espagnol, ayant fait ses armes dans le vin en Catalogne, crée la distillerie Bacardí en 1862 à Santiago de Cuba.