Le Bio est-il l’avenir du rhum ? Evandro Paulo Da Silva, responsable du domaine agricole de Bologne

Pourquoi avoir pris la décision de basculer une partie des parcelles en bio ? La distillerie Bologne, est depuis de nombreuses années, engagée dans un processus éco-responsable.

En effet, depuis 2010, l’usine produit des énergies renouvelables en valorisant tous ses déchets de fabrication, s’inscrivant dans un cycle éco-vertueux. En 2017, la distillerie a commencé les démarches de conversion à l’agriculture biologique. L’objectif : allier les meilleures pratiques environnementales, un haut degré de biodiversité et la préservation des ressources naturelles.


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Comment la conversion s’est-elle déroulée ?

Pour obtenir la certification bio, il nous a été demandé de travailler une variété de canne, différente des nôtres. Cela permettait entre autres de s’assurer que les échantillons envoyés et les contrôles réalisés ne provenaient que des parcelles sélectionnées.

La variété de canne choisie est surnommée canne jaune par certains, l’appellation officielle de cette canne étant la B80689. Il nous a fallu appréhender cette nouvelle variété de cannes. Notre domaine étant déjà habitué à des récoltes parcellaires, nous avions une avance sur l’organisation à part entière de la coupe des parcelles en conversion.

Est-ce que les rendements ont beaucoup baissé ?

La première année, les rendements étaient mitigés, mais depuis c’est tout le contraire, le rendement est plus important que les parcelles conventionnelles. Nous sommes à environ 15 tonnes supplémentaires à l’hectare par rapport aux conventionnelles.

Dans notre volet R&D, nous avons aussi expérimenté des méthodes agriculturales nous étant propres, comme l’utilisation des plantes de service et également la sélection de micro-organismes bénéfiques, afin de favoriser la vie du sol et ensuite la décomposition de la matière organique.

Les effets n’ont pas été visibles de suite, mais plus concluant la 2ème et 3ème année. Ajoutons à cela, la position des parcelles bénéficiant d’un climat particulièrement avantageux, ainsi que l’attention portée à ces parcelles qui auront cinq passages en moyenne par an en entretien manuel, contre un à deux passages sur les parcelles conventionnels,

Combien d’hectares ont basculé en bio ?

Sur la première récolte de Bio sortie en 2020, la parcelle Grande Savane de 7 hectares était la seule. Depuis, d’autres parcelles du domaine sont en cours de conversions.

Quelles sont les principales difficultés que vous avez rencontrées ?

Le challenge était de s’assurer de la bonne pousse de nos cultures, en gérant au mieux les principaux ennemis, les adventices dans les inter-rangs et certains nuisibles comme, par exemple, le Borer (Diatraea saccharalis), une petite chenille qui ouvre des galeries dans la canne à sucre en réduisant ainsi sa production finale.

Dans ce cas, nous utilisons notamment des techniques de contrôle biologique, avec l’objectif d’attirer ce que nous appelons les ennemis naturels de ce ravageur, afin d’avoir un contrôle satisfactoire sans notamment l’utilisation des produits phytosanitaires.

Quelles sont les solutions ?

Des investissements ont été faits pour l’entretien périodique en achat de machines adaptés : 90 000 pour un microtracteur, un girobroyeur, rotovator et un rotobèche. De plus, l’entretien des parcelles et le travail manuel réalisé par nos équipes est d’environ sont plus importantes. Les engrais bios utilisés sont aussi plus chers.

Pour obtenir le label bio, ce fût un vrai travail d’équipe, en interne mais pas seulement, car nous avons fait appel au Centre Technique de la Canne et du Sucre, et même au lycée Agricole de Guadeloupe, pour les recherches de solutions adaptées à la Guadeloupe, pour la canne, comme pour d’autres types de cultures.

Quel est l’accueil du public ?

L’accueil du public a été très positif. Avoir rendu accessible en termes de prix, la première bouteille sortie, a permis de désacraliser la démarche d’agriculture biologique, d’en faire une affaire pour tous. Jusque là, les rhums agricoles labellisés Bio d’autres régions ne se vendaient que chez les cavistes et à plus de 60 la bouteille.

Sur la 1ère sortie, le stock a été vendu en 1 mois en Guadeloupe, et le succès était dans la même dynamique en hexagone. La sortie de la cuvée Grande Savane, médaillée au Spirits Selection by Concours Mondial de Bruxelles, a pu faire le bonheur des palais plus avertis.

Dans le futur, y aura t il d’autres rhums bio chez Bologne ?

En effet, nous sortirons prochainement une nouvelle cuvée bio.

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