Covid-19 : Interview d’Olivier Couacaud, PDG de la rhumerie Chamarel

Interview réalisée le 10/04/2020

Rumporter : Pouvez-vous nous faire un point à date de l’évolution de la maladie à Maurice ?

Olivier Couacaud : L’île Maurice est en « couvre-feu sanitaire » depuis le Vendredi 20 Mars, peu après avoir détecté les premiers cas. A ce jour, nous pensons que le gouvernement a pris les mesures nécessaires pour protéger la population. Il semblerait que la propagation du virus ait été contenue mais nous avons malheureusement constaté les premiers décès, comme tous les pays touchés par le virus. Néanmoins, toute l’économie est à l’arrêt et cela risque d’avoir un effet domino très important dans les mois à venir. 

Par exemple, toute l’industrie cannière est en retard … Que ce soit au niveau des cultures, mais aussi et surtout au niveau des usines. Les maintenances sont au point mort et elles doivent à tout prix redémarrer fin juin. Etant donné qu’il ne reste plus que 3 usines à Maurice, il faut obligatoirement pouvoir récolter toutes les cannes, et ce pendant la période juin à décembre. La canne sert à produire du sucre, du Rhum, mais aussi de l’électricité !

R : Pouvez-vous nous raconter concrètement comment vous vous êtes organisés sur le site de production. Quels métiers sont en télétravail, au chômage partiel ou nécessitent une présence physique ?

OC : Depuis le confinement, La Rhumerie de Chamarel est complètement fermée. Les équipes administratives & commerciales sont en télétravail et sur site, nous assurons uniquement les postes de sécurité.

Chamarel
Rhumerie de Chamarel en 2014. © Anne Gisselbrecht

R : Récemment en France, le gouvernement via plusieurs décrets ministériels a facilité le don d’alcool surfin (90% minimum) aux pharmaciens et autre opérateurs habilités à produire du gel hydroalcoolique ? Est-ce que l’île Maurice souffre du même manque en gel hydroalcoolique, est ce que vous avez pu mettre quelque chose en place ?

OC : Oui bien entendu le constat est le même sur Maurice. Les grosses distilleries, capables de produire du surfin se sont mobilisées pour répondre à l’appel du gouvernement. Concernant Chamarel, nos stocks sont malheureusement épuisés pour cette année et notre distillerie est complètement démontée pour la maintenance. Nous nous préparons à la prochaine récolte à partir de fin juin et bien entendu, nous répondrons présent avec plaisir.

R : Savez-vous quelles conséquences, la crise impliquera sur votre propre production de rhum ?

OC : Il est très difficile pour nous de prévoir les conséquences à ce stade car nous n’avons aucune visibilité sur l’évolution de la crise sanitaire, puis de la crise économique.

Nous allons ainsi devoir jongler avec plusieurs problématiques en même temps, à savoir :

    • la rémunération de nos équipes ; car nous voulons éviter au maximum de licencier,
    • les investissements et l’entretien des outils de production pour rester compétitif et ne pas prendre encore plus de retard ; par exemple, allons-nous continuer notre programme de vieillissement cette année ou sera-t-il mis en attente ?
    • le remboursement de nos créances ; les fournisseurs, les banques.
    • la rémunération des actionnaires ; les retraités.

Nous espérons toutefois réaliser la « récolte normale » et de ce fait, augmenter nos stocks si les ventes ne sont pas au rendez-vous. C’est un investissement qui nous permettra de rester compétitif quand la reprise sera là. De plus, comme nous sommes notre propre planteur à Chamarel, si nous ne faisons pas de production, nous perdrons aussi les cultures de canne à sucre.

R : Avez-vous déjà perçu un impact de la crise sur les ventes ?

OC : Oui à court terme… Le marché touristique a commencé à baisser depuis fin février et nous sommes à l’arrêt complet depuis le 20 mars, donc nous n’avons quasiment plus de ventes. Seulement les sites en ligne continuent de fonctionner, mais ce n’est pas la priorité des consommateurs.  Nos prévisions sont également à la baisse jusqu’à fin décembre 2020, mais pour le moment nous n’avons pas de visibilité sur la crise sanitaire, puis la crise économique.

 


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