Beachbum Berry, Potions of the Caribbean

Jeffrey « Beachbum » Berry signe ici son 6 ème livre. Nous avions passé en revue « Beachbum Berry Remixed » il y a quelques mois, recueil de recettes agrémenté d’histoires et conseils Tiki. Le maître du Tiki revient avec un ouvrage plus littéraire mais ponctué de recettes ayant marqué leur époque. Dix-huit ans séparent Potions of the Caribbean du Grog Log (1998), Beachbum signe-t-il ici sa pièce maîtresse ?

A gauche, Ernest et Mary Hemingway à La Florida, Circa 1955 © Potions of the Caribbean, Jeffrey Berry

NB : Que le livre soit écrit en américain, on peut le comprendre, mais qu’il soit traduit en italien ne peut que rendre jaloux les français que nous sommes. Accrochez-vous, nous ne sommes pas dans un recueil de recettes cocktail, la maîtrise de la langue de Shakespeare sera nécessaire plus que souhaitée.

Dur labeur…

Je reconnais avoir eu du mal à me mettre dans le bouquin… je mets ça sur le compte de mon manque d’intérêt pour l’anthropologie “lointaine”… La faute sûrement à une époque dont la plupart d’entre nous ne connait rien… et pour cause, y avait pas de rhum ! Les cinquante premières pages nous ramènent donc plus de 500 ans en arrière avec des techniques de distillation qui n’existaient pas sur les continents concernés. Boissons sans alcool ou à la « bière » de l’époque se côtoient avec des ingrédients introuvables si ce n’est peut-être dans le quartier asiatique un soir de pleine lune…

© Potions of the Caribbean, Jeffrey Berry

Accélération & extase

On se surprend donc, quelques pages plus loin, à dévorer des chapitres entiers, l’impression de ne faire qu’un avec l’ouvrage et les personnages cités.
Le Beachbum est à l’aise dans tous les styles, raconter des belles histoires, déterrer des secrets bien gardés, faire rire… Ce n’est pas donné à tous les auteurs et vous pouvez croire votre serviteur qui s’en est collé des livres cocktail.


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L’enchaînement des chapitres paraît tout trouvé. Il est principalement chronologique, l’histoire est bien faite.
Chaque recette historique est amenée avec suspens. Le lecteur se doute progressivement au fil de la lecture de l’arrivée d’une recette qui a marqué l’univers des spiritueux, l’univers du cocktail et l’histoire du monde-rien que ça !-. Jeff Berry ne nous laisse donc pas sur notre faim… La plupart vous transporte instantanément dans les endroits célèbres où les clients -ou clients en devenir- faisaient la queue pendant des heures pour pouvoir se délecter de ces boissons alcoolisées.
Plus que d’être “alcoolo-centré” (le choix du terme est probablement peu judicieux), le livre nous emporte dans une délicieuse histoire mêlant faits historiques et incidence éthylique…

Boire un coup entre potes

© Potions of the Caribbean, Jeffrey Berry

Potions of the Caribbean nous donne l’impression de suivre les tribulations d’une bande de vieux potes qu’on aurait aimé fréquenter. Leurs parcours aux quatre coins du globe donnent envie d’évasion, de voyage, de découverte. Beachbum Berry réussit à nous rendre attachés à ces êtres vivants qui ont marqué leur temps, rythmé la vie de bon nombre de joyeux buveurs, qu’ils soient –(devenus) célèbres ou non.
L’œuvre d’Hemingway aurait-elle été la même sans les Daïquiri du discret mais extrêmement talentueux Constante Ribalaïgua Vert ? Joseph Schialom aurait-il marqué autant le développement du cocktail s’il ne s’était pas fait chasser du Caire manu militari ?
Ce livre est donc un must have pour quiconque maitrise un peu l’anglais. Le langage utilisé reste efficace et clair, bien plus simple à comprendre que dans les ouvrages de ce cher David Wondrich (Punch, Imbibe !), professeur de littérature anglaise le jour, historien du cocktail la nuit.


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Restez, il y a à voir !

Jeffrey « Beachbum » Berry, nous procure les images avec le texte, des vieilles illustrations, publicités, menus de bars à cocktails et hôtels, cartes postales d’un temps révolu. L’illustration du livre est sublime et toujours bien amenée.
Souvent Beachbum intervient en qualité d’expert tiki et maître de l’équilibre pour donner son avis gustatif sur les cocktails… Il s’affaire à analyser le succès d’un cocktail par exemple en fonction des habitudes et modes de consommation de l’époque. Un avis salutaire pour resituer le contexte de l’époque et mieux s’imprégner encore de l’atmosphère festive et exotique qui règne sur l’ouvrage.
Beachbum Berry, bien qu’il prétende le contraire -lui-même se qualifie très souvent de « lazy » « fainéant » en français » est très soucieux du détail. Cela se voit dans la qualité de l’ouvrage, mais aussi dans sa volonté de fournir au lecteur des informations à jour. C’est ainsi qu’il reprend dans ce livre des recettes mentionnées précédemment mais dont des éléments nouveaux ont été déterrés depuis -période Tiki notamment-.

Bilan des courses

Un livre à lire et à relire, des histoires et anecdotes qui s’imbriquent comme les pièces d’un puzzle. Le lecteur développe un sentiment de complicité avec l’auteur et les personnages. On ressent l’impression de lire un contenu rare qui vaut de l’or, un peu comme si les réponses aux questions sur l’univers se trouvaient dans cet ouvrage.
Golden Glove Cocktail par Constante Ribalaïgua Vert.

© Potions of the Caribbean, Jeffrey Berry

– 6 cl de rhum jamaicain ambré (Appleton VX devrait faire l’affaire)
– 1,5 cl de jus de citron vert pressé main
– 1 cuillère à café de cointreau
– 1 cuillère à café de sucre blanc en poudre
– 300 gr de glaçons (pesez la glace)
Pensez à dissoudre le sucre dans le restant des ingrédients puis placez le tout dans un mixeur électrique, laissez l’appareil en marche pendant 20 secondes. Servez le cocktail dans un verre à martini. Placez-y un morceau de peau d’orange en guise de décoration.
Constante Ribalaïgua Vert, tout comme Ernest Hemingway, était un passionné de boxe anglaise. La recette date d’avant 1935.
Ce Golden Glove est une version musclée du Daïquiri en version 2 du même créateur qui faisait appel à des notes d’orange -et un rhum bien plus léger puisque cubain-.

 

Sol Y Sombra Cocktail par Joe Schialom en 1957 au Caribe Hilton

© Potions of the Caribbean, Jeffrey Berry

– 4,5 cl de rhum Porto Ricain paille -ou légèrement agé, genre 3 ans-
– 2 cl de rhum vieux jamaicain -partez sur un appleton 12 ans ou si vous voulez un peu plus de punch, Smith & Cross-
– 1,5 cl de liqueur d’abricot -the Bitter Truth en fait une bonne-
– 6 cl de jus d’ananas maison
– 1,5 cl de jus de citron vert
– 2 traits d’angostura bitter
Shakez les ingrédients avec de la glace puis servez sans filtrer dans un petit ananas dont vous aurez retiré la chair (pour en faire le jus pardi !).

 


Colada Cocktails

www.colada.fr

 

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