La Guerre d’Indépendance américaine fut l’occasion pour la France de dresser un bilan de son commerce colonial. Depuis un siècle maintenant, les colonies étaient théoriquement au service exclusif de la Métropole. Des assouplissements eurent lieu progressivement et ceux-ci furent multipliés à l’occasion du soutien aux insurgés américains. Ces ajustements oscillèrent entre deux contraintes : la première était la nécessité pour l’Etat, de financer la guerre et donc de s’appuyer sur ses colonies, la seconde de ménager les intérêts des colons d’une part et des négociants métropolitains d’autre part. A l’issue de la Guerre, l’État constate que l’Exclusive coloniale n’est plus qu’une règle théorique. Le 30 août 1784, la situation est clarifiée via la réaffirmation du principe de l’Exclusive avec des dérogations comme l’ouverture aux étrangers de ports coloniaux. C’est la naissance du régime de « l’Exclusive mitigée ».
La mise à jour des règles de « l’Exclusive coloniale » provoque des réactions chez les négociants métropolitains. La plus emblématique est celle de la Chambre de Commerce de la Rochelle. Dans un de ses mémoires, il est écrit : « Les calculs les plus exacts portent à plus de 20 millions le montant des introductions étrangères dans nos colonies, à 6 millions celui des exportations en sirops et tafias, d’où il résulte une balance de 14 millions payée par l’extraction des autres productions coloniales et l’on ne sait ici de quoi l’on doit le plus s’étonner, ou de cette fraude immense qui mine sourdement le commerce, ou de voir le gouvernement chercher à animer l’émulation en lui présentant quelque exploitation nouvelle, tandis qu’il laisse subsister des abus dont la réforme serait seule le commerce d’un État ».
La Chambre de Commerce propose que chaque navire français se rendant aux Iles ait obligation de transporter à leur retour 1/25ème de leur cargaison en tafia ou sirops, en échange d’une subvention de l’État. Elle estime que les 8500 tonneaux potentiellement enlevés permettraient de réduire la nécessité pour les planteurs de faire appel aux navires étrangers.
Parallèlement le produit « tafia » commence à intéresser la métropole en tant que produit à part entière, et non plus comme simple sous-produit du sucre. Depuis plusieurs années, l’écart entre les exportations de mélasse et de tafia se creuse car les étrangers préfèrent distiller eux-mêmes leur rhum plutôt que d’acheter du tafia français jugé mauvais.
RUMPORTER
Édition avril 2019
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