Juan Alfredo Pacas est le vice-président de la Distillerie Cihuatán qui produit le premier rhum 100% salvadorien et dont le nom vient d’une civilisation méso-américaine disparue. En tant que filiale de la Sucrerie La Cabaña, la distillerie contrôle toutes les étapes de sa production, depuis les semences de la canne à sucre jusqu’à la mise en bouteille, en passant par le vieillissement dans les barriques de bourbon importées du Kentucky et disposées en Solera.
Avec un enthousiasme et une passion contagieuse, Juan Alfredo nous explique les origines du projet, son impact sur la communauté et son désir que le rhum Cihuatán soit le meilleur ambassadeur de son pays dans le monde.
Rumporter : Quelle est l’histoire de la raffinerie de sucre La Cabaña depuis sa création?
Juan Alfredo Pacas : La Raffinerie La Cabaña a commencé comme un petit moulin dans les années 20, tout petit et artisanal. A cette époque, il y avait beaucoup de petits moulins dans le pays qui broyaient seulement la canne des alentours car le transport de la canne était très compliqué. Petit à petit, La Cabaña a grandi jusqu’à devenir une des raffineries de sucre les plus importantes du Salvador.
Dans les années 80, elle a été nationalisée et jusqu’en 1996 elle a appartenu au gouvernement. C’est à cette époque qu’ils mirent en place la distillerie avec l’idée de produire de l’éthanol pour avoir une source alternative de carburant. Cependant, la distillerie de La Cabaña ne fonctionna qu’un temps puis fut abandonnée. En 1996, le gouvernement du Salvador choisit de reprivatiser les sucreries nationalisées. Cela s’est fait au travers d’une vente aux enchères ayant pour but que plusieurs personnes puissent acheter des actions. Ils établirent des quotas pour les producteurs de canne à sucre, les employés de la sucrerie et les investisseurs privés. Ceci nous a donné l’opportunité d’avoir une entreprise très diversifiée du point de vue des propriétaires, puisque nous avons plus de 400 actionnaires.
En ce moment, la La Cabaña est l’une des six sucreries qui existent au Salvador, mais nous sommes la plus diversifiée car nous ne produisons pas seulement du sucre, mais aussi de la mélasse, des différentes sortes d’alcool, du rhum et de l’énergie électrique. C’est une initiative très intéressante car la raffinerie génère de l’électricité pour être auto-suffisante mais en plus cela génère une énergie supplémentaire que nous injectons dans le réseau national du Salvador, fournissant au pays une énergie renouvelable qui est produite à partir de la bagasse. Ainsi nous réduisons la dépendance du pays envers d’autres énergies qui ne sont pas renouvelables.
R : Pourquoi les autres sucreries n’ont-elles pas diversifié leur production?
JAP : Il y en a d’autres qui produisent aussi de l’énergie électrique mais nous sommes les seuls à avoir une distillerie. De fait, nous sommes propriétaires de l’unique distillerie du Salvador.
R : Dans ce cas, le distillat que vous produisez le vendez-vous à d’autres pays ou à d’autres marques?
JAP : Nous fournissons le marché local, nous produisons un distillat très neutre, presque comme une vodka de canne que nous vendons à différents embouteilleurs dans le pays. Ils le commercialisent sous d’autres marques locales dont nous ne sommes pas propriétaires, seulement fournisseurs. Avec celui-ci ils créent une sorte de boisson qu’ils vendent comme une aguardiente blanche, sans vieillissement.
D’autre part, nous distillons une aguardiente seulement pour le rhum Cihuatán. Nous avons construit une colonne spéciale dans notre distillerie qui nous permet de distiller notre rhum à 75%. Nous le faisons ainsi parce que nous voulions que le rhum Cihuatán fasse honneur à son origine, la canne à sucre. En le distillant à 75% nous obtenons beaucoup de saveurs qui viennent de la canne à sucre, de la mélasse, et cela se reflète dans notre produit fini. Ce rhum à 75% nous le produisons exclusivement pour le rhum Cihuatán et nous le vendons à personne d’autre.
R : Avant de produire le rhum Cihuatán, les miels et mélasses issues de la production de sucre dans la raffinerie étaient vendus à d’autres marques de rhum?
JAP : Oui, ils étaient vendus sur le marché international, en fait encore beaucoup de mélasse est exportée. Nous n’utilisons pas encore toute la mélasse que nous générons pour produire de l’alcool dans notre distillerie.
R : Bien sûr, parce que l’échelle de production doit être très grande. Savez-vous quelle quantité de sucre est produite au Salvador?
JAP : Je n’ai pas les données exactes pour le Salvador, mais La Cabaña produit approximativement 120 000 tonnes de sucre par an, ce qui pourrait correspondre à 15-20% de la production du pays. Nous sommes la troisième raffinerie du Salvador.
R : Quelle est la quantité de canne distillée que vous produisez par an?
JAP : Actuellement nous produisons 1,5 millions de litres par an pour fournir le marché local avec le distillat neutre. Avec le rhum Cihuatán, nous prévoyons pour 2016 une production d’approximativement 75 000 bouteilles incluant les deux références.
R : Avant que la distillerie ne soit construite, quand la raffinerie était nationalisée, il y en avait-il une autre dans le pays?
JAP : Il y en a eu une il y a plusieurs années mais elle a fermé. Actuellement nous sommes les seuls qui distillent dans le pays.
R : Dans quels pays se vend déjà le rhum de Cihuatán?
JAP : Je suis très fier de t’annoncer qu’en mai nous avons réalisé notre première exportation en Europe et en quelques mois nous avons réussi à distribuer dans plusieurs pays. Nous sommes en France, en Belgique, en Allemagne, au Luxembourg, au Danemark, en Italie, en République Tchèque, en Hollande et en Lituanie. Nous avons trouvé des distributeurs dans chaque pays qui partagent nos valeurs et surtout, qui croient en notre marque, et qui sont prêts à travailler pour qu’elle soit vraiment reconnue.
R : Avez-vous rencontré un meilleur accueil en Europe que dans les autres pays ou est-ce une décision stratégique?
JAP : Oui, cela a été une décision stratégique. Nous prévoyons à court terme d’entrer sur le marché américain. Nous sommes entrepreneurs et sommes en train de réaliser quelque chose qui n’avait jamais été fait dans notre pays et chaque jour nous apprenons quelque chose de nouveau. La distribution a fait partie de ce processus d’apprentissage. Aujourd’hui, nous sommes sur le point d’envoyer un deuxième container en Europe et cela nous donne beaucoup de satisfaction de voir l’accueil que notre rhum rencontre là-bas.
R : Etant un pays producteur de sucre, cela parait logique de penser qu’à un moment donné vous alliez commencer à produire du rhum mais comment l’idée est-elle venue?
JAP : Comme je te le disais, dans la raffinerie nous avions déjà une distillerie qui était pratiquement abandonnée. Cela faisait déjà partie de notre infrastructure, le comité de direction de La Cabaña en voyant l’avantage que cela représentait, a commencé à se demander pourquoi au Salvador personne ne produisait de rhum, alors que c’est un produit qui est supposé être un symbole national dans tous les pays producteurs de canne à sucre. Ce fut ainsi qu’est venu l’idée de commencer à produire un rhum qui devienne l’ambassadeur du Salvador dans le monde. Ils se sont rendus compte que nous avions tout pour le réaliser.
Cependant, ils l’ont vu en même temps comme une grande responsabilité car si produisez un rhum censé représenter votre pays, il ne peut pas être médiocre, il doit être vraiment excellent. Et ils ont compris que ce dont ils avaient besoin pour faire un rhum vraiment bon c’était du temps et de la patience. Il n’y avait rien qu’ils puissent faire pour l’accélérer.
J’aime beaucoup cette histoire. Ces personnes ont décidé de faire quelque chose qui ne s’était jamais fait dans notre pays, quelque chose dans lequel nous n’avions pas d’expérience, ils savaient seulement ce qu’ils voulaient faire et que cela allait être un succès. Alors ils se sont mis à distiller, à faire vieillir du rhum en 2004 sachant qu’ils auraient ce produit dans les barriques pendant des années avant de pouvoir commencer à le commercialiser. Et avant de connaitre les résultats de ce premier vieillissement, ils se sont risqués à mettre plus de rhum dans les barriques pour l’amener à maturité. Pour moi ce fut une décision très courageuse, savoir qu’ils avaient un but et être prêt à se tromper en le prenant comme une part du processus d’apprentissage. Si en 2004 ils ne s’étaient pas risqués à faire ça, le Ron Cihuatán d’aujourd’hui n’existerait pas.
Parmi les premiers essais, plusieurs ont été un échec, durant la première année différents types de barriques avec différents types de distillats ont été testés. Certains ont servi pour le rhum Cihuatán et d’autres nous ont plus servi comme leçon. Comme ça nous l’avons et nous l’utilisons comme un exemple des différents profils qui existent. Je crois que tout fait partie du processus d’apprentissage.
R : En plus, d’après ce que j’ai compris, le projet a été géré en secret pour que personne ne sache ce que vous étiez en train de faire.
JAP : Oui, nous voulions avoir du temps pour travailler dessus jusqu’à que le rhum soit vraiment bon et nous ne voulions pas alerter toute l’industrie de ce que nous étions en train de faire. En 2012, nous nous sommes rendus compte que ces rhums que nous avions commencé à faire vieillir en 2004 donnaient des signes de bonne maturation et du profil que nous cherchions pour notre ambassadeur. A ce moment dans la raffinerie ils ont pris la décision de fonder une filiale car ils se sont rendus compte que la production de rhum nécessitait une approche très différente à celle de la production de sucre. Ils ont alors créé la Distillerie Cihuatán et c’est à ce moment que j’ai commencé à participer au projet. J’ai adoré car ils nous ont dit: Messieurs, ici nous avons ces rhums qui ont vieilli pendant des années, nous savons qu’ils ont un grand potentiel mais nous ne savons pas quel chemin prendre, alors dites nous ce que nous allons faire.
Ils nous ont donné une feuille blanche pour construire le plan commercial de la Distillerie Cihuatán. Nous nous sommes mis à faire des calculs, différentes prévisions, nous avons trouvé des alternatives qui n’étaient pas rentables, d’autres si. Il y a eut des moments dans lesquels nous pensions que le projet ne pourrait pas être réalisable et cela nous déprimait car nous croyions réellement que notre rhum pouvait être un succès dans le monde mais que nous n’allions pas être capables de le faire.
Quand nous sommes arrivés au modèle commercial actuel, nous avons vu que si, nous pouvions être rentables, que c’était un projet à long terme sans rendement immédiat mais qu’il pouvait être attractif et nous avons décidé de le réaliser. Nous avons commencé à deux dans la Distillerie en étant multitâches et petit à petit il y a eu plus d’employés. Nous sommes toujours une petite équipe, une dizaine de personnes, cela permet que tout le monde soit impliqué dans toutes les étapes du projet : la production du rhum, le design de la marque, tout. Cela nous donne un très grand sentiment d’appartenance.
A la fin de l’année 2014 nous avons embouteillé nos premières bouteiles. Nous avions créé une usine pilote qui répondait à toutes les normes d’hygiène mais qui était très petite et nous apprenions comment utiliser la machine. Une après-midi nous nous sommes réunis à quatre, le directeur commercial, la directrice de production, le comptable et moi pour la mise en bouteilles. Nous avons mis 6 heures pour remplir 50 bouteilles. Mais c’est quelque chose que nous n’allons jamais oublier car nous apprenions vraiment comment s’utilisait la machine et c’était la première fois que nous avons vu une bouteille de rhum Cihuatán. C’était incroyable.
R : Avez-vous reçu de l’aide pour développer le rhum et le plan commercial?
JAP : Depuis le début nous avons reconnu que nous n’avions aucune expérience dans ce type d’activité et que nous nous sommes entourés d’experts, je me risquerai à dire que ce sont parmi les meilleurs du monde dans le secteur du rhum. Dans chaque département dans lesquels nous avons eu besoin de conseils, depuis la partie production jusqu’au développement de la marque nous avons travaillé avec des conseillers experts.
R : Comment est votre usine de production?
JAP : La machinerie est pour le moment semi-automatique, c’est encore un processus relativement manuel, et j’adore ça parce qu’une partie de la vision de la Distillerie était de générer des emplois pour les femmes de la communauté. Vous imaginez que dans les raffineries de sucre, la majeure partie des emplois sont difficiles et ce sont généralement des hommes qui y travaillent. Depuis le début, nous avons vu la distillerie comme une opportunité pour employer des femmes pour le bien de la communauté. Le fait d’avoir conçu notre usine pour qu’elle soit relativement manuelle nous aide à remplir cette mission. De plus, la majeure partie de la machinerie a été conçue et fabriquée au Salvador.
R : D’où vient le nom Cihuatán?
JAP : Quand nous avons commencé le projet, nous avons visité le site archéologique de Cihuatán qui se trouve à quelques minutes de notre distillerie et nous avons commencé à nous renseigner sur le site. Il s’avère que Cihuatán est une civilisation qui a surgi au Salvador quand l’empire Maya était en train de s’effondrer et c’est l’une des plus importantes de notre pays. Là-bas vivaient des personnes de différentes cultures. Quand nous y sommes allés le fait que seul 5% du site ait été déterré et que le reste soit encore sous terre m’a interpellé. Cela me parait spectaculaire d’imaginer la quantité d’histoire et le savoir qu’il y a sous cette terre. Une des choses que nous voulons faire en tant que Distillerie Cihuatán est d’aider le site archéologique pour qu’ils puissent continuer à déterrer et préserver ce qu’ils trouvent.
Une autre raison pour laquelle nous avons décidé d’utiliser le nom de Cihuatán est le fait qu’il s’agisse d’une cité qui a été construite totalement avec les mains, avec une attention pour le détail impressionnante et cela nous a inspiré car c’est la même philosophie avec laquelle nous faisons le rhum Cihuatán. Ce sens du détail, pouvoir toucher chaque bouteille avec nos mains et nous assurer que tout est en ordre fait partie de notre philosophie.
Le mot Cihuatán signifie en nahuatl, la langue locale: « à côté de la femme”. La civilisation s’est appelée ainsi car elle est située près d’un mont qui a une silhouette de femme endormie. Les gens de Cihuatán croyaient que la femme endormie les protégeait, alors maintenant elle protège aussi la production du rhum Cihuatán.
R : La canne à sucre vous l’achetez en totalité à des petits producteurs ou vous avez aussi vos propres plantations?
JAP : Nous avons une petite production mais la majorité provient de producteurs indépendants, nous travaillons avec plus de 700 dans tout le pays. Une partie du travail que nous faisons avec eux est de leur fournir la graine de canne recommandée pour maximiser la production de sucre sur tous les types de terrains et nous les aidons à se familiariser avec l’utilisation de la technologie. Notre objectif est de les aider à ce qu’ils deviennent des hommes et des femmes d’affaires qui voient leur terre comme une source de revenus et qui puissent l’exploiter de façon culturelle, économique et en respectant l’environnement. Nous leurs achetons la canne à sucre et nous la broyons nous même.
R : Quel type de fermentation et de distillation utilisez-vous?
JAP : Nous travaillons avec des mélasses que nous faisons fermenter en “batch” de manière discontinue, puis nous les passons dans nos colonnes de distillation. Comme je vous le disais tout à l’heure, nous avons une colonne spéciale qui combine acier et cuivre spécialement pour le rhum Cihuatán. Nous distillons le rhum à 75 degrés ce qui nous permet de conserver les saveurs de la canne dans le produit, cela fait partie de la magie de la saveur de Cihuatán, tout comme de sa complexité. Nous travaillons avec un alliage d’acier et de cuivre car le cuivre aide à obtenir un rhum plus propre. Nous réalisons deux distillations, la première passe dans les colonnes dans lesquelles nous faisons toutes les distillations, ensuite, lors d’une seconde distillation, nous lui donnons le degré final dans cette petite colonne.
Le résultat nous le faisons vieillir en barriques de chêne blanc américain qui servaient à faire du bourbon que nous importons du Kentucky. Nous travaillons directement avec un fabricant qui achète les barriques usées à différentes distilleries, qui les retouche et qui nous les revend. Ainsi nous avons un rhum qui vieillit dans des barriques de différentes distilleries et ensuite nous faisons un mélange avec le résultat.
R : Quelles normes de qualité suivez-vous?
JAP : La raffinerie La Cabaña est certifiée ISO 9001. Pour la Distillerie Cihuatán nous n’avons pas encore de certification, cependant, étant une nouvelle entreprise, nous avons organisé dès le début tous les processus pour répondre aux exigences des normes. Une partie du travail que nous avons maintenant est de nous préparer pour cette certification, bien que nous soyons déjà certifiés par la FDA pour exporter aux Etats-Unis et que nous respectons les normes des entités locales vis-à-vis de la production de rhum.
R : Vous mettez sur l’étiquette “solera”, réalisez-vous un vieillissement dynamique en fûts ou en soleras comme à Jerez?
JAP : Oui, nous suivons le système de solera bien que ce soit un procédé plus cher et peu efficace. Nous avons décidé de le faire parce que cela nous permet de créer un produit avec plus d’homogénéité. Le fait d’avoir des barriques horizontales permet une circulation de l’air et une maturation beaucoup plus homogène dans chaque barrique.
R : Quelles sont les conditions de vieillissement pour ce qui est de à la température, l’altitude et l’hygrométrie?
JAP : Notre cave de vieillissement a été conçue pour obtenir les conditions suivantes: une température qui oscille entre 28 et 34 degrés centigrades et une humidité relative entre 63% et 66%. La cave se trouve à 270 mètres au dessus du niveau de la mer.
R : Ajoutez-vous des aromatisants, des colorants ou du sucre au produit fini?
JAP : Nous ajoutons des quantités minimes de sucre pour uniformiser la douceur du rhum dans chaque lot. Nous en ajoutons même moins dans certains lots, parce que le rhum sort déjà très doux de la barrique. Au final, nous sommes en dessous des 18 grammes de sucre par litre.
R : Quelle est votre position sur l’ajout de sucre dans les rhums latinos ? Pensez-vous que cela doit apparaitre sur l’étiquette ou être limité dans une quelconque mesure?
JAP : Le plus important est que les consommateurs sachent ce qu’ils sont en train de boire. Je ne vois rien de mal dans le fait d’ajouter du sucre si c’est pour te permettre d’obtenir la saveur que tu recherches pour ton rhum, mais il faut être honnête.
R : Que fait la différence du rhum Cihuatán en plus de son origine? Quelle est finalement la valeur ajoutée de cette production 100% locale?
JAP : Nous contrôlons tout le processus, depuis la semence de la canne à sucre jusqu’à la mise en bouteille et cela nous permet d’optimiser la qualité à chaque étape. Un autre avantage de contrôler le processus et de tout faire dans un lieu unique est que nous utilisons tout le temps un produit frais, notre mélasse va directement de la raffinerie à la distillerie, ainsi nous utilisons des mélasses fraiches. Nous sommes également une petite entreprise avec un processus assez artisanal dans le sens où nous faisons attention à chaque détail; ainsi nous avons réussi à produire un très bon rhum qui peut plaire à beaucoup de gens et qui à une raconte une belle histoire.
R : Quel a été l’accueil dans le pays de ce produit très national et tant intégré dans la culture et la société salvadorienne?
JAP : Nous avons reçu un très bel accueil malgré le fait qu’au Salvador nous ne soyons pas consommateurs de rhum. Avec ce projet nous avons éveillé l’intérêt des salvadoriens pour ce spiritueux; chaque jour nous gagnons en notoriété, nous vendons davantage de rhum ici et nous sommes en train de devenir l’ambassadeur de notre pays dans le monde. Je suis très content quand je vois sur les réseaux sociaux des bouteilles de rhum Cihuatán dans d’autres pays car des salvadoriens les ont emmenées pour les offrir à des étrangers.
R : Etes-vous aussi ambassadeur de la catégorie rhum dans votre pays? Avez-vous remarqué que maintenant les salvadoriens montrent davantage d’intérêt à connaîre les rhums des autres pays?
JAP : Il y a des rhums du monde entier, au Salvador il y a une certaine consommation mais il y a encore du chemin à faire, c’est un long processus. Nous avons des budgets limités pour le marketing. Quand on est producteur de rhum il faut savoir être patient et se rendre compte que comme pour les autres départements de notre entreprise, les choses ne se font pas en une nuit.
R : D’autres rhums se vendent comme étant salvadorien mais sont produits au Panama. Qu’en pensez-vous? Croyez-vous qu’à un moment on pourrait penser à créer une appellation d’origine contrôlée salvadorienne?
JAP : Je pense que le marché est très grand et que les consommateurs vont décider de ce qu’ils préfèrent. Nous, nous pouvons garantir que Cihuatán est 100% salvadorien depuis la semence, la récolte, la production de la mélasse, la distillation et le vieillissement. Tout est réalisé au Salvador par des travailleurs salvadoriens. L’appellation d’origine contrôlée serait un projet très intéressant. Chaque bouteille de notre rhum a un impact sur beaucoup de gens et sur toute la chaine de production. Nous sommes très fier de travailler avec un produit 100% national.
R : Comment recommandez-vous la consommation de rhum Cihuatán? Quels sont les paris que vous réalisez dans le secteur hôtelier dans votre pays?
JAP : Cihuatán est un rhum qui respecte le goût des consommateurs. Un bon rhum est un rhum qui vous permet de le déguster comme vous le souhaitez: seul, avec des glaçons, mélangé ou en cocktail et vous le trouverez toujours incroyable. Il se mélange très bien, nous avons développé des recettes de cocktails mais je crois que de le déguster seul est aussi une très bonne expérience. Cela dépend du goût du consommateur.
R : Au Nicaragua, la maladie chronique du rein d’origine inconnue est en train de causer la mort de beaucoup d’ouvriers de la canne à sucre. Quelles sont les incidences de la maladie au Salvador et quelles sont les mesures prises?
JAP : L’industrie du sucre salvadorienne est en train de faire beaucoup d’efforts pour éviter ce genre de problèmes. C’est un sujet qui est actuellement en discussion et qui attire l’attention dans notre pays pour éviter d’arriver aux niveaux qui existent dans d’autres endroits. De nombreuses initiatives sont en train d’être réalisées au travers des syndicats, comme un programme de développement de l’hydratation.
Cela nous intéresse beaucoup de travailler avec les communautés qui sont aux alentours. Il y a un très beau projet que nous parrainons avec une ONG dans les écoles. Ils mettent en place des programmes de développement de valeurs pour les enfants, des ateliers de résilience et d’estime de soi, ce sont des sujets que les enfants n’apprendraient pas autrement. Ils mettent également en place des programmes extrascolaires au sein des écoles publiques, ce qui a apporté de nombreux avantages à la communauté. Il y a eut même un atelier de robotique qui a permis aux élèves de se rendre à Taiwan pour plusieurs mois avec une bourse d’études. De plus, le Salvador a été pris comme modèle par les syndicats pour les programmes d’éradication du travail des mineurs.
R : Je ne sais pas si vous pouvez dévoiler quelque chose mais quels sont les prochains projets pour la Distillerie Cihuatán?
JAP : Nous avons lancé notre Solera 8 en 2015 sur le marché local et en ce moment nous commençons a développer notre deuxième produit, le Solera 12 que nous lancerons en 2017. Nous sommes très contents de ses résultats. Nous avons gagné la double médaille d’or au festival du rhum de Madrid après l’avoir lancé un mois auparavant au Salvador, ce qui nous a apporté beaucoup de satisfaction. Tous les jours nous continuons d’apprendre, nous avons développé une culture d’innovation dans la distillerie. Beaucoup d’entre nous ne viennent pas de l’industrie du rhum et cela nous permet de voir les choses avec une perspective différente. Je peux seulement dire que des nouveautés arrivent et que nous allons toujours continuer d’innover.