Une brève histoire française de la distillation du rhum du XVIIème au XVIIIème siècle

La question de la distillation dans l’Outre-mer durant les premiers siècles de la colonisation est principalement traitée par des théoriciens, dont les améliorations proposées ne s’appliquent que très lentement au fil des décennies. La distillation dans les colonies semble repartir de rien alors que depuis des siècles, la fabrication d’eau-de-vie est maîtrisée en Europe. Derrière les questions techniques fondamentales qui seront posées durant plus de 150 ans, se cache celle du modèle économique du rhum. C’est cette histoire à travers l’évolution des méthodes de distillation que nous proposons de vous raconter.

Histoire distillation rhum

La première description de la distillation du rhum dans les Antilles françaises, est faite par Jean-Baptiste du Tertre dans l’édition de 1667 de son Histoire générale des Antilles habitées par les François.

Le tafia était à l’époque produit ainsi : « Les cannes brisées et épuisées de leur suc, aussi bien que les écumes, ne sont pas inutiles ; car pour les écumes des seconde et troisième chaudières [à sucre], et tout ce qui se répand en le remuant, tombe sur le glacis des fourneaux et coule dans un canot, où il est réservé pour en faire de l’eau-de-vie ».

L’auteur insère l’illustration d’une sucrerie. Légèrement à l’écart, à ciel ouvert, se tient une distillerie qu’il appelle vinaigrerie. Il s’agit d’un petit ensemble sur lequel se trouve un chapiteau, duquel sort une couleuvre droite, où circule la vapeur, et qui s’introduit dans un petit tonneau, supposé rempli d’eau, situé à proximité, dans lequel se termine la condensation. Cette proto distillerie, bien loin des pratiques européennes, accompagne le développement commercial du rhum des colonies françaises.

Histoire distillation rhum

Les bons conseils du Père Labat

Plusieurs années plus tard, le Père Labat séjourne aux Antilles entre 1694 entre 1706, puis décrit dans un ouvrage publié à partir de 1720, un rhum produit à partir des écumes et gros sirops, c’est-à-dire le sirop de canne épuisé de ses cristaux de sucre.

Le Père Labat présente ainsi la fabrication du rhum. Après fermentation, le moût est versé dans une chaudière de cuivre. Il poursuit ainsi : « Le haut de la chaudière en dôme avec une ouverture ronde d’un pied de diamètre, et un rebord d’environ deux pouces de hauteur. C’est par cette ouverture qu’on charge la chaudière, c’est-à-dire qu’on la remplit de la liqueur qui a fermenté dans les canots. Elle est montée sur un fourneau de maçonnerie, dont la bouche est en dedans du bâtiment et l’évent qui donne passage à la fumée est en dehors. La maçonnerie enferme la chaudière, jusqu’aux deux tiers de la hauteur ».

Histoire distillation rhum

Le chapiteau possède un bec qui se prolonge dans une couleuvre de cuivre ou d’étain, qui plonge dans un tonneau toujours rempli d’eau. Et il insiste : « Plus la couleuvre a de circonvolutions et plus l’Eau-de-vie est bonne. ».

Dans cette description, certes, classique de la fabrication des eaux-de-vie, le dominicain nous indique tous les progrès réalisés sur place, notamment par l’utilisation des gros sirops, alors qu’au temps du Père du Tertre, seules les écumes servaient à la distillation.

Dans la suite de ses descriptions, le Père Labat aborde deux questions cruciales pour la distillation, celle des matériaux utilisés et celle de la rectification.

La suite de cet article est réservée aux abonnés.