Rhum en Crime est une série d’histoires vraies présentées de manière romancée, dans lesquelles le rhum joue un rôle. Ces courts récits évoquent aussi bien des meurtres que des affaires de fraude.
Le 4 août 1913, à Lyon, deux sous-officiers, le sergent-major Mestras et le sergent Dionnet, du Fort de Caluire, pénètrent dans le café Jouffre, dans le quartier de la Croix-Rousse. En cette période de montées des tensions internationales, les deux soldats souhaitent se détendre, et s’asseyent à une table sur laquelle ils posent leur couvre-chef.
Ils entament une conversation légère en attendant la venue du serveur. Celui-ci arrive et prend la commande. Les deux hommes demandent un simple verre de rhum. Mais ils lui trouvent un goût bizarre, acide, agressif et s’en plaignent au patron. Ce dernier le renifle, le goûte et se trouve être d’avis des clients.
Dans la soirée, les trois hommes sont pris de douleurs atroces qui les obligent à être alités deux jours. Un médecin militaire mis au courant de l’affaire, obtient la possibilité d’analyser la bouteille de rhum incriminée et constate avec effarement que celle-ci contient une forte dose de belladone, plante toxique servant à fabriquer des poisons.
Le patron du bar, remis sur pieds, va se plaindre à la police. Il est questionné de manière à connaître la dernière personne, avant les victimes, à avoir utilisé le flacon. Un type à l’allure louche est venu demander un café avec du rhum, il y a cinq jours. Il n’est pas resté longtemps. Il a bu puis est parti, déclara-t-il.
La police prend bonne note de la déposition, notamment de la description faite de ce mystérieux client.
Le 15 Août, un événement similaire se produit dans un autre café, situé au 14 place de la Croix-Rousse. Jean Bérard, garçon boucher, et M. Rolland, électricien de son état, deux habitués prennent un café avec un verre rhum en compagnie du patron, M. Larribe.
Aussitôt après avoir bu, ils sont pris de crises aigües de douleur et de vertiges. La dose versée dans la bouteille était plus forte ! Deux médecins analysent le breuvage et aboutissent aux mêmes conclusions que leur confrère, quelques jours auparavant : de la belladone.
Là aussi, la police recueille les témoignages et s’aperçoit non seulement que le mode opératoire est similaire à l’affaire précédente, mais en plus que la description de l’empoisonneur est identique.
Renforcée par ce second témoignage, l’enquête s’accélère. Le lien est également fait avec un événement comparable qui s’est produit à Saint-Clair, à proximité de Lyon, quelques semaines auparavant. La police se replonge dans ses dossiers et acquiert la certitude que l’homme recherché n’est autre qu’un certain Paul-Isidore Fournier.
Paul-Isidore Fournier est considéré comme fou. Il a été interné à cinq reprises en douze ans. La première fois en 1901. Il fut accusé d’avoir précipité sa nièce du troisième étage de l’appartement où il vivait, lors d’une crise de folie confirmée par les voisins d’alors. Il fut interné un an et dès sa sortie, il manifesta de nouveaux signes de folie qui lui valurent quatre autres internements à Bron, dont il sortait à chaque fois pour bonne conduite.
Le 16 août 1913, la police se rend au domicile du suspect, rue Joséphine-Soulary. La porte est barricadée. Les agents sont contraints de l’enfoncer. Paul-Isidore Fournier a, comme à son habitude, une attitude curieuse.
Il se cache mais lorsque que la police le débusque dans une sous-pente, il est parfaitement calme et ne fait montre d’aucune résistance. Reconnu par les victimes, celui présenté par la presse comme « un maniaque » est conduit pour une sixième fois à l’asile de Brion.