Radiographie du terroir des six grandes distilleries jamaïcaines

Plongeons un peu plus profondément dans le terroir de chaque distillerie.

LONG POND ET CLARENDON

Alambic à double retort en cuivre de chez Clarendon
Alambic à double retort en cuivre de chez Clarendon.

Les distilleries de National Rums of Jamaica (NRJ) ont fait l’objet d’un Focus Distillerie dans le numéro 25 de Rumporter. Clarendon, Long Pond et Inswood (qui ne produit plus) sont la propriété du gouvernement jamaïcain et d’investisseurs.

Le principal étant Maison Ferrand avec sa marque Planteray. Long Pond (nord de la Jamaïque) produit des rhums lourds grâce à un processus de fermentation en cuve bois qui dure quatre à six semaines (avec intervention du muck pit et de dunder, et à l’utilisation de cinq alambics pot still : cinq alambics retort, 3 John Dore, et 2 Vendôme (provenant de l’ancienne distillerie Monymusk).

Long Pond produit 16 références de rhums uniques dont les mythiques « high esters » TECB (1400 g/hlap) et le TECC (1600 g/hlap d’esters). On trouve très peu de rhums sous la marque Long Pond, mais plutôt sous la marque Planteray et chez des embouteil- leurs indépendants (Rest & Be Thankfull, Cambridge…).

Long Pond
Les fameuses cuves de fermentation chez Long Pond.

Clarendon présente deux visages. Une distillerie industrielle qui produit des rhums légers à l’aide de colonnes suite à une fermentation courte. Et une distillerie plus artisanale qui produit des rhums plus lourds, voire très lourds après une fermentation longue et une distillation en pot still. La grande majorité du rhum léger produit par Clarendon est capté par Diageo, tandis que les rhums lourds sont le plus souvent mis sur le marché par des embouteilleurs indépendants. La distillerie est aussi propriétaire de la marque Monymusk.

Lire aussi :

Interview – Flovia Riley, Production Manager chez Clarendon depuis 23 ans

Interview – Alexandre Gabriel, fondateur de Maison Ferrand et de Planteray

Quelques cuvées pour vous plonger dans l’univers de la NRJ

APPLETON ESTATE

Appleton estate

Appleton Estate a fait l’objet d’un focus distillerie dans le numéro 22 de Rumporter. Détenue par le groupe Campari, la distillerie s’appuie sur un immense domaine, dans la vallée de Nassau au cœur du pays Cockpit, au centre de la Jamaïque.

Elle insiste beaucoup sur l’importance de ce terroir auquel participe l’eau filtrée naturellement par les couches calcaires. La fermentation y est relativement courte pour la Jamaïque, 36 heures, et la distillation se fait dans des alambics traditionnels Forsyth 100 % en cuivre.

La principale note aromatique de la gamme est l’orange amère. On pourrait
aussi dire que le terroir d’Appleton Estate réside dans le savoir-faire de sa maître de chai Joy Spence en matière de vieillissement et d’assemblage.

Appleton produit une gamme de rhums d’assemblage complexes, mais aussi ronds et accessibles, avec un niveau d’esters et des degrés relative- ment bas, comme les 8, 12 et 15 ans. Mais aussi des séries limitées comme le 17 ans Legend, ou la Hearts Collection (des millésimes à plus de 60 %!), avec beaucoup plus de caractère, qui demandent un peu de bouteille pour être appréhendés. Nous avons demandé au groupe Campari de nous en dire plus.

Lire aussi :

Interview – Le groupe Campari propriétaire d’Appleton Estate


NEW YARMOUTH

Wray & Nephew

Si ce chapitre vous paraît plus court que les autres, c’est que nous sommes en train de rassembler des informations et nous réfléchissons à consacrer à cette distillerie une rubrique Focus Distillerie dans les prochains mois…

Car on sait finalement peu de choses de la distillerie New Yarmouth, et ses méthodes de fabrication. Dans son livre Modern Caribbean Rum, Matt Pietrek explique même qu’il est difficile de trouver des photos du complexe (mais il y est arrivé) ! On y apprend qu’on y distille du rhum depuis au moins 1817. Il s’agit de rhums de colonne et d’alambics.

Elle est située dans la paroisse de Clarendon (à ne pas confondre avec la distillerie) au sud de l’île. Elle travaille en binôme avec Appleton et est elle aussi détenue par le groupe Campari. New Yarmouth se consacre davantage à la production de composants pour les assemblages (souvent expédiés ailleurs en vrac) plutôt qu’à la production d’embouteillages spécifiques.

On trouve des rhums de New Yarmouth dans les créations de nombreux embouteilleurs indépendants (mention spéciale pour le New Yarmouth NYC Millésime 1994, 27 ans d’Excellence Rhum). La distillerie (avec Appleton), est impli- quée dans le production du rhum le plus vendu en Jamaïque : J. Wray & Nephew Overproof.

LA CUVÉE : J. WRAY & NEPHEW OVERPROOF

C’est aussi le rhum le plus bu par les Jamaïcains eux-mêmes (il représenterait 90 % des ventes sur place). Au nez, un léger parfum de banane flambée typique de l’île, un arôme de
solvant. En bouche, sa puissance aromatique (fruits exotiques mûrs, plantes médicinales…) se dégage et attention, le degré élevé (63 %) peut surprendre un peu. Une finale sur le sucre de canne. À consommer sec, sur glace ou en cocktail.

70 cl – 43 % – autour de 35 €


HAMPDEN ESTATE

Hampden estate

Hampden Estate fait l’objet d’un véritable culte de la part des aficionados des rhums jamaïcains chargés en esters. La distillerie se trouve au sein de la paroisse de Trelawny au nord de la Jamaïque.

La production de sucre date de 1753 et celle de rhum a dû suivre de peu. Pendant longtemps, la distillerie actuellement détenue par la famille Hussey a produit des rhums blancs destinés à des assemblages et n’en commercialisait pas sous sa marque propre.

Aux commandes depuis 2009, les Hussey ont mis en place des chais de vieillissement, et lancé la marque Rum Fire, puis la marque Hampden Estate en partenariat avec Habitation Velier. La mélasse provient du domaine, et surtout, d’autres régions de Jamaïque, voire d’autres pays.

C’est surtout le processus de fermentation qui donne son caractère, et donc son terroir, à la gamme Hampden Estate. Cette étape est réalisée à l’aide de levures indigènes, de bactéries tirées du muck pit, de dunder et d’autres éléments dont nous ne connaissons pas la nature… et dure plusieurs semaines (il y a deux fermentations).

La distillation se fait à grâce à plusieurs alambics : un John Dore, un Vendome, un TNT et trois Forsyths. Mais demandons au directeur de la distillerie de nous en apprendre davantage :

Lire aussi  :

Interview – Andrew Hussey Managing Director de Hampden


WORTHY PARK

Worthy park

En France, Worthy Park est un peu moins connue que Hampden, Appleton ou Clarendon. Tâchons d’y remédier. La création du domaine Worthy Park remonte à 1670, la première production de sucre à 1720 et celle de rhum au moins à 1741.

Depuis, la distillerie n’a cessé de produire, à part une interruption due à la surproduction entre 1962 et 2005, période durant laquelle la sucrerie continua de fonctionner. Gordon Clarke a relancé les activités de Worthy Park à partir de 2004 et a modernisé la distillerie.

Les rhums furent commercialisés sous la marque Rum Bar. Depuis 2017, la distillerie commercialise aussi des rhums sous son nom propre : Worthy Park Estate, qui sont des Single Estate (toute la matière première provient du domaine).

Elle vend aussi ses rhums à des brokers comme E.A Scheer, et on les retrouve fréquemment dans les créations des embouteilleurs indépendants.

UN IMMENSE DOMAINE

Située au Centre du pays, dans la paroisse de St Catherine, Worthy Park est la distillerie la plus en altitude de l’île de Jamaïque, soit à 400 mètres au-dessus du niveau de la mer, au cœur des montagnes de Lluidas Vale.

Le domaine bénéficie d’un microclimat idéal pour la production de canne à sucre (3500 hectares, dont 1400 hectares plantés, plus de 20 variétés), avec une pluviométrie supérieure au reste de l’île et des températures moyennes légèrement inférieures.

La récolte a lieu pendant 6 mois de l’année, entre janvier et juin, principalement à la main. Le domaine se situant au milieu des montagnes, la majorité des champs ne sont pas accessibles avec des machines.

Une fois récoltées, les cannes sont broyées (la bagasse, qui servira pour l’alimentation en électricité du domaine) et le jus sera transformé en sucre. En moyenne sur une année : 210000 tonnes de canne à sucre sont broyées, 24000 tonnes de sucre sont produites et 8 000 tonnes de mélasse.

UN RHUM D’ALAMBIC

La mélasse fraîche est ensuite mise en fermentation dans les 6 cuves de 88000 litres. Quatre cuves servent à la production de rhum léger avec cycle de fermentation relativement court : 30 heures. Deux cuves sont utilisées pour les rhums lourds, avec un cycle de fermentation compris entre 2 et 3 semaines).

Trois types de levures, cultivés sur place, sont utilisés. Le vin de mélasse est distillé en alambic à double retort Fortsyths, et le rhum en sort entre 85 et 87 % d’alcool. Le vieillissement se fait en fûts de bourbon de premier remplissage avec une part des anges à la distillerie de 4 à 6 % chaque année. Plus de 10000 fûts sont actuellement entreposés, avec des ex-Porto, Madère, Cognac et Calvados également en cours de vieillissement. L’embouteillage se fait également sur place, avec deux lignes.

Nous avons demandé aux distributeurs français de Worthy Park Estate de nous en dire davantage.

Lire aussi :

Interview – Whiskies du Monde qui distribue Worthy Park en France

 


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