En 2014, nous avions interviewé une première fois Loïck Peyron lors de ses préparatifs : son objectif était alors de naviguer à l’ancienne, avec le bateau du premier vainqueur en 1978, le Canadien Mike Birch. Mais voilà qu’au dernier moment, ses plans sont chamboulés et il remplace au pied levé Armel Le Cléac’h, gravement blessé à la main, sur une formule 1 des mers. Ce compétiteur-né remportait du coup la Route du Rhum pour la première fois de sa déjà longue carrière. Quatre ans après, c’est l’occasion de revenir sur cette expérience de navigation à l’ancienne après cette Route du Rhum 2018 et avant le Figaro 2019, pour mieux saisir l’évolution et le sens de la voile actuelle avec l’acuité de cet acteur incontournable des dernières décennies.
Alexandre Vingtier : Quelle Route du Rhum l’an dernier ! C’est assez drôle cette course parce que finalement, vous repartez sur le bateau de Mike et on a un final à la Mike…
Loïck Peyron : Exactement. Tous les quatre ans depuis 40 ans, c’est toujours un scénario assez étonnant : des événements dingues, des mecs qui montent sur les cailloux, des drames mais aussi des joies, heureusement… Et cette fameuse arrivée à 98 secondes. C’est vraiment surprenant, ça entretient la légende de cette course !
AV : C’est une transat en solitaire au départ de la métropole pour se rendre dans la Caraïbe. Mais est-ce une course d’hiver ? Quelle a été l’importance de la météo pour cette édition ?
LP : Quand on est marin, on passe évidemment beaucoup de temps en mer et beaucoup de temps en hiver. Sur cette course, on a pris le temps d’essayer de s’extirper du golfe de Gascogne, les petits bateaux comme le mien ont pris quatre dépressions jusqu’à Madère alors que les premiers, les plus rapides n’en ont pris qu’une avant d’être dans les alizés. C’est mathématique : quand on va trois à quatre fois plus lentement, on prend trois à quatre fois plus de systèmes météo dans la tête !
AV : Justement, quand on a un bateau qui est trois à quatre fois plus petit, on sent trois à quatre fois plus les vagues aussi ! Parce que là, ça n’arrêtait pas apparemment, ça devait secouer sur un bateau aussi léger…
LP : Tout le monde s’imagine que les petits bateaux sont plus dangereux. C’est un peu casse-gueule, moins stable certes, mais un bateau trois fois plus petit est tout simplement 30 fois plus facile à manœuvrer : la difficulté croit au cube de la longueur, vraiment. Cependant il faut toujours faire attention, car tous les multicoques sont plus stables à l’envers qu’à l’endroit…
Cet article est issu de l’édition Rumporter de septembre 2019
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