Christine Lambert, reporter à Whisky Magazine

En cette journée internationale des droits des femmes 2024, nous publions en avant-première quatre témoignages qui prendront place dans le cahier spécial dix ans (eh oui les célébrations s’étirent sur 2024) du prochain numéro de Rumporter (numéro 28).

Christine Lambert

Comment le marché du rhum a-t-il évolué ces 10 dernières années ?

Premiumisation, spéculation, concentration, satellisation, diversification, scission, conscientisation, whiskysation… et autres mots en « tion » plus ou moins français. Dans l’ordre : premiumisation.

En 10 ans, le rhum est monté en gamme plus vite que je ne descends un mojito (je sirote lentement, et pas des mojitos), au-delà de ses expressions âgées, puisqu’on trouve aujourd’hui une offre premium abondante de rhums blancs, parcellaires, mono-variétaux, brut de colonne, etc.

On observe même des incursions de plus en plus nombreuses dans les carafes « de luxe ». Spéculation, mais c’est la conséquence naturelle de la rapide montée en gamme.

Concentration, bien qu’il reste encore nombre de grandes distilleries indépendantes et qu’on soit loin de ce qui se passe dans le whisky où un très faible nombre de gros acteurs ont la main sur 80 % de la production.

Dans le même mouvement de balancier, on a assisté à une certaine satellisation avec l’explosion des petites distilleries, y compris dans des pays qui ne possédaient pas de culture rhum. Diversification, car l’offre se déploie avec une richesse de styles et d’origines inégalée dans les autres spiritueux.

Scission, car en dix ans le gouffre s’est creusé entre les quilles très abordables et les embouteillages hors de portée : ce n’est plus un gouffre, c’est la fosse des îles Marianne puisque nous ne parlons plus dans un rapport de 1 à 10, mais de 1 à 1 000 minimum. Conscientisation, car les préoccupations environnementales et éthiques ont commencé à monter, chez les amateurs et chez les producteurs.

Whiskysation, car, au fond, le rhum suit la route ouverte avec succès par les single malts il y 25 ans, jusque dans ses travers : premiumisation, marketing, bruts de fût, single casks, finishes…

Comment va-t-il évoluer ces 10 prochaines années ?

Les préoccupations environnementales, le développement durable, vont prendre une importance majeure, la tendance ne fait que s’amorcer depuis quelques années. La demande de transparence, d’information, de régulation également : les amateurs voudront de plus en plus de garanties sur le contenu des bouteilles.

Les rhums agricoles français et les « rhums de producteurs » (je n’ose plus employer le mot « terroir », cuisiné à toutes les sauces) ont clairement une carte à jouer dans cette tendance. Les rachats et concentrations vont s’accélérer, en même temps que les niches vont se multiplier : arrivée dans la lumière de productions d’Amérique du Sud, d’Inde ou d’Afrique, multiplication des petits embouteilleurs indépendants, etc.

Je pense également qu’on se dirige tout droit vers une crise des matières premières : on voit déjà de grosses tensions sur la mélasse, et sur la canne dans certaines régions. Le rhum est en concurrence avec le biocarburant dans tous les grands pays producteurs de canne à sucre…

En France, nous avons la chance formidable d’être dans le marché du rhum le plus mature, le plus éduqué, le plus diversifié : un poste idéal pour observer les changements à venir. Rendez-vous dans 10 ans, et d’ici là Rumporter sera devenu mensuel.

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Que représente Rumporter pour vous ?

« Le » magazine de la culture rhum (c’est écrit dessus, je crois), le seul intégralement dédié aux eaux-de-vie de canne, capable de scruter le rhum dans tout son spectre, au microscope et à la longue vue. Respect. Longue vie à Rumporter !


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