Avec Malorhum, deux Malouins ont inventé le rhum cuisiné !

Ils nous avaient étonnés en 2018 avec un rhum arrangé, pardon cuisiné (!) au homard et depuis 2016 ils nous régalent avec leurs recettes de rhums malouins. Car c’est à Saint-Malo, ville historiquement liée au commerce du rhum et port de départ de la Route du Rhum qu’Olivier Cruz et Lucas Fisk préparent leurs délicieux spiritueux artisanaux (tout est fait à la main) à partir de rhum agricole de Guadeloupe et d’éléments cuits, flambé, ou encore réduits… Rencontre avec Olivier Cruz, cofondateur de Malorhum.

Malorhum
Olivier Cruz et Lucas Fisk

Fabien Humbert : Comment l’aventure Malorhum est-elle née ?

Olivier Cruz : Nous sommes deux fondateurs, Olivier Cruz et Lucas Fisk. Au départ, nous étions tous les deux entrepreneurs. Lucas était cuisinier professionnel et traiteur à son compte, et moi humble cuisinier amateur qui avait fondé un réseau de circuit court alimentaire. J’ai fait venir Lucas pour transformer les produits locaux de mon réseau sur un salon. Nous sommes tous les deux venus avec des rhums arrangés cuisinés de notre propre fabrication sans nous concerter. Et en fin de salon, on les a dégustés.

FH : Et comment s’est faite la transition entre un rhum qu’on fait entre copains et un rhum qu’on commercialise ?

Olivier Cruz : Nous sommes devenus amis et pendant quelques mois on s’est amusés à produire des rhums arrangés pour notre consommation personnelle. Et puis, de fil en aiguille, on s’est mis en tête de monter un projet d’entreprise qui au départ devait rester une activité secondaire. Dès le montage du projet, nous avons eu cinq fois plus de commandes que prévu et la question d’en faire notre activité principale s’est posée. Nous avons lancé Malorhum en 2016, le succès a été au rendez-vous et au bout d’une dizaine de mois nous avons arrêté nos autres activités pour privilégier ce projet.

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FH : Comment avez-vous choisi le jus qui sert de base à vos rhums cuisinés ?

Olivier Cruz :  Je n’aime pas donner trop d’informations sur notre entreprise, nous sommes une TPE avec six salariés, nous n’ambitionnons pas de conquérir le marché ou de devenir les premiers sur le segment du rhum arrangé.

Donc on ne parlera pas recettes précisément, de nombre de bouteilles ou encore de l’identité de notre fournisseur. Mais pour répondre quand même à votre question, nous avons tout de suite opté pour un rhum agricole de Guadeloupe très qualitatif. Pourquoi ? Parce que c’est majoritairement du rhum de Guadeloupe que nous avons consommé dans notre vie en tant qu’amateurs.

De plus, Saint-Malo a une longue histoire avec le rhum en général et le rhum de Guadeloupe en particulier. Aujourd’hui encore avec la Route du Rhum.

FH : Quelles sont les consignes données à votre mystérieux fournisseur de rhum ?

Olivier Cruz : Nous cherchons des rhums aromatiques mais sans notes exacerbées, ce qui permet de les marier avec nos blocs aromatiques.

FH : Vous parlez de rhums cuisinés plutôt que de rhums arrangés, quelle est la différence ?

Olivier Cruz : Nous faisons de l’arrangement dans le sens où on insère des ingrédients dans le rhum. Mais nous parlons de cuisine car, en amont de la macération, tous les produits que nous allons utiliser (hors le rhum qui est préservé) sont travaillés, cuisinés.

FH : Cuisinés comment ?

Olivier Cruz : Plusieurs techniques vont entrer en jeu. Il y a beaucoup de cuisson bien sûr mais aussi, selon les recettes, du flambage, de la réduction, de la caramélisation… Nous allons aussi jouer avec les plantes aromatiques, les épices, différentes sucrosités apportées par du miel, du sirop de canne, du concentré naturel de pomme…

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Nous avons même lancé un rhum avec du homard breton, un des produits les plus nobles de nos côtes en 2018 au moment de la Route du Rhum. C’était pour montrer aux consommateurs ce qu’on était capables de faire en poussant à l’extrême ce concept de rhum cuisiné.

Tous les quatre ou cinq ans, nous prévoyons d’ailleurs de sortir un extra-terrestre de cet acabit. Le prochain devrait être lancé en 2023, car le Covid nous a ralenti.

FH : Quel est le processus de fabrication de vos rhums cuisinés ?

Olivier Cruz : Le rhum arrive en vrac. Les produits sont épluchés, précisément coupés puisque comme tous nos confrères nous avons le souci mécanique de leur faire passer le goulot de la bouteille.

Tout est ensuite trié et pesé avant les cuissons, puis une nouvelle fois après. Tout est fait bouteille par bouteille, à la main, il n’y a pas de cuve de macération car cette dernière se fait en bouteille. C’est donc un processus très artisanal.

Par exemple, pour un rhum arrangé ananas, dans sa recette traditionnelle, on prend un ananas qu’on découpe puis qu’on plonge dans une bouteille de rhum avec du sucre et on attend pendant plusieurs mois que les arômes se développent. Son équivalent chez nous, Gwada (ananas, avocat, banane, vanille, zeste de citron vert et mélange d’épices), est fait différemment puisque nous développons en amont un bloc aromatique complet qui est ensuite séparé en rations, qui seront insérées bouteille par bouteille.

Les recettes les plus faciles à réaliser chez nous occasionnent quatre fois plus de manipulations que les rhums arrangés classiques, pour le homard on est sur douze fois plus.

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FH : Combien de temps vos rhums cuisinés tiennent-ils ?

Olivier Cruz : Les plus vieilles bouteilles que nous conservons, ce sont les premiers essais que nous avons réalisés avec Lucas, donc elles ont au moins 6 ans. L’avantage de cuisiner les éléments, c’est qu’ils ne vont pas s’oxyder et se déliter dans le rhum au bout de quelques mois comme c’est le cas avec les fruits frais non cuits.

Donc on peut garder les bouteilles plusieurs années sans problème. Autre avantage, les arômes apparaissent beaucoup plus vite. Malgré cela, nous attendons cinq ou six mois minimum avant d’envoyer nos produits à la vente, afin que les arômes se fondent avec le rhum.

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FH : Où peut-on trouver vos produits ?

Olivier Cruz : Nous fournissons presqu’uniquement les cavistes et les épiceries fines qui représentent plusieurs centaines de revendeurs, et un tout petit peu au CHR, mais ce n’est pas dans notre ADN de vendre aux supermarchés.

Je vais redire ce que j’ai dit en début d’interview : nous n’avons pas vocation à couvrir toute la France avec nos produits. Nous suivons notre propre chemin, nous ne voulons pas marcher sur celui des autres, en espérant qu’on ne se mette pas en travers du notre.

FH : Justement, est-ce que vous avez des concurrents et néanmoins confrères sur le segment des rhums cuisinés ?

Olivier Cruz : A ma connaissance, non. Il y a une effervescence autour du rhum arrangé avec beaucoup de marques qui se créent et de produits qui sortent, mais pour le moment ça ne concerne pas le rhum cuisiné. Ça arrivera peut-être un jour cependant. C’est la loi du marché.

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FH : Comment va s’écrire le futur de Malorhum ?

Olivier Cruz : Avec de nouvelles recettes, bien sûr, le développement des imbibés, qui sont des créations pâtissières mariées à nos rhums cuisinés, ou encore la multiplication des collaborations et personnalisations de produits comme celle réalisée pour Christian de Montaguère pour Noël.

Et si tout se passe bien au printemps 2022 nous allons sortir la première référence d’une nouvelle gamme, mais c’est encore trop tôt pour en parler !

 

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