Elle a probablement été la première « assembleuse embouteilleuse » française, au début des années 1980, et a longtemps porté haut et fort les couleurs du rhum martiniquais à une époque où ce dernier se vendait mal. Aujourd’hui, cette ex-vigneronne (dans le Gard) présente une nouvelle série de cuvées toujours aussi pures et limpides, qui l’ont emmenée en dehors de son île chérie. Pour notre plus grand plaisir.
D’où vous vient votre passion pour les arômes ?
Je suis née au Maroc. J’avais la chance d’avoir un jardin, et j’ai grandi au milieu des odeurs que ce soit la fleur d’oranger, les épices, le crottin de cheval ou les fleurs du jardin.
D’ailleurs, je terrorisais mes parents parce que quand nous allions quelque part et que ça sentait mauvais, je le disais ! Les enfants, ça dit tout ce qui leur passe par la tête. Mon odorat c’était un peu ma marque de fabrique et ça l’est toujours. Je voulais tout sentir, et faire partager mes sensations. J’étais donc un peu prédisposée à travailler dans des environnements où je devais me servir de mon nez.
Cette passion a donc survécu à l’enfance ?
J’ai passé mon bac à Paris puis j’ai fait des études de lettres modernes à la Sorbonne. Je me suis mariée très jeune, car mon futur mari voulait partir aux USA pour y poursuivre ses études. Dans ma génération, la seule façon pour une jeune femme de suivre son compagnon aux USA était de se marier d’abord. C’était une vision qu’on qualifierait aujourd’hui de machiste bien sûr… À l’époque, je ne travaillais pas, car je m’occupais de mes enfants, nous en avons eu trois.
Quand avez-vous ressenti le besoin de vous lancer dans une carrière ?
Au début des années 1980, je souhaitais travailler. Le chef de cave du domaine viticole du Château de la Tuilerie, que mes parents avaient acheté dans le Gard, est parti à la retraite. Mon père et mon mari m’ont alors proposé de prendre sa suite.
C’était pour moi aussi innocent que d’accepter la chaire de chinois à la Sorbonne ! J’avais un nez, mais à part ça je n’y connaissais rien ! D’ailleurs à l’époque je ne buvais pas de vin. Avant d’accepter, je suis donc allé au salon de l’agriculture pendant dix jours pour interviewer des vignerons. Les entendre m’a montré que c’était un métier difficile, mais passionnant et cela m’a confirmé dans mon idée : c’était ce que je voulais faire.
Je me suis alors inscrite à l’Université du Vin. J’ai fait un stage de caviste à l’Anfopar et des études d’œnologie. J’ai adoré mon métier, même s’il n’a jamais été très rentable. C’est le lot de l’agriculture, d’ailleurs on le voit bien avec la récente révolte des agriculteurs. Ce sont des métiers extrêmement difficiles où il faut être animé par la passion.
Votre métier, cela a donc été vigneronne !?
Oui, pendant 35 ans, en appellation Costières du Gard (devenu depuis Costières-de-Nîmes). À l’époque, c’était une appellation méprisée, mais j’avais l’ambition d’y faire de grands vins. Rapidement, on est passé de la vente en vrac à la mise en bouteilles à la propriété. On a réaménagé la cave, travaillé sur l’hygiène, investi dans du matériel très performant… et j’ai très vite gagné une réputation de qualité, car c’était ma seule motivation.