[Embouteilleur indépendant] Sponge, du whisky aux rhums à forte teneur en esters

Ce mois-ci, nous traversons la Manche, et même la Mer du Nord, pour nous rendre en Écosse, plus précisément à Perth au nord d’Edimbourg. Non qu’on y produise du rhum ! Mais pour rencontrer un passionné de whiskies et de spiritueux en général, qui avec son entreprise d’embouteillage Decadent Drinks et sa marque Sponge propose une gamme de rhum à son goût et sans concessions. Rencontre avec Angus MacRaild, qui nous livre sa vision des choses, avec un humour et une pointe d’autodérision so british.

Angus, quel âge avez-vous, où êtes-vous né et où avez-vous grandi, bref dites nous tout sur vous ?

J’ai 36 ans, depuis un mois et demi, et ensuite j’en aurai 37 – si je comprends bien. Je suis né à Édimbourg et j’ai grandi les premières années en Écosse, puis en Angleterre jusqu’à l’âge de 16 ans, avant de revenir en Écosse sur la côte ouest, près du Loch Fyne.

Comment est né votre intérêt pour les spiritueux ?

Quand nous avons déménagé en Angleterre, l’Écosse me manquait, alors j’ai développé un intérêt pour tout ce qui est écossais, la musique, la nourriture, la terre elle-même, et aussi le whisky.

Cet intérêt m’a été transmis par mon père qui aimait le whisky, son préféré étant le Laphroaig. Je me souviens qu’il me faisait goûter une petite gorgée et qu’il me disait combien il appréciait la saveur spéciale de la tourbe.

À l’adolescence, je me suis intéressé plus activement à la question, je lisais pas mal de livres et j’absorbais les connaissances. Mais je n’ai jamais vraiment pensé que j’en ferais une carrière. Plus tard, j’ai développé une fascination plus générale pour les spiritueux, les vins et les bières et, d’une manière générale, pour la plupart des boissons alcoolisées qui sont le fruit d’une «discussion» entre la nature et le savoir-faire humain.

Comment êtes-vous devenu un professionnel des spiritueux?

Ce n’était pas prévu, c’est arrivé en partie par accident et en partie parce que je ne suis absolument pas qualifié pour faire autre chose ! Lorsque j’étais à l’université, j’ai passé deux étés à travailler à la distillerie Ardbeg en tant que guide touristique.

C’est là que j’ai vraiment appris beaucoup de choses et que j’ai affiné mes connaissances en matière de whisky. Et aussi que j’ai développé ma fascination pour les bouteilles plus anciennes.

Ensuite, j’ai travaillé dans un vignoble, chez des négociants en vins et spiritueux et dans des bars à whisky, et j’ai appris davantage au fur et à mesure. J’ai fini par travailler pour une société de vente aux enchères de whisky, spécialisée dans les cuvées anciennes et rares.

C’est là que ma carrière a vraiment commencé. Quelques années plus tard, je me suis mis à mon compte en tenant des stands de vieilles bouteilles dans des festivals, en faisant du conseil, des dégustations, en écrivant, etc. Bien que je puisse dire que je suis un professionnel du whisky, je me considère toujours comme un amateur enthousiaste pour la plupart des autres boissons. Je ne suis certainement pas un expert en rhum, par exemple.

Dites-nous en plus sur votre blog ?

Mon blog Whisky Sponge, comme beaucoup de ce que j’ai fait au fil des ans, a juste commencé comme une sorte d’expérience pour voir si je pouvais écrire d’une manière légèrement différente sur le whisky.

Cela a commencé vers 2013 je pense, à une époque où il y avait déjà beaucoup de choses stupides qui se passaient dans la culture et le commerce du whisky, et une approche plus satirique semblait être une bonne idée.

J’ai donc commencé à le faire, les gens semblaient l’apprécier et ça a évolué à partir de là. Ces dernières années, j’ai été de plus en plus occupé par mon travail, et par ma vie de famille aussi, donc j’ai eu moins de temps pour écrire sur le blog. Surtout, et ironiquement, depuis que Sponge est devenue une marque d’embouteillage indépendante.

Comment êtes-vous passé de l’écriture, à la ‘production’ de spiritueux ?

Une fois de plus, cela n’a jamais été planifié, c’était juste quelque chose que nous avons décidé d’essayer et cela a vraiment évolué en une petite entreprise d’embouteillage appelée Decadent Drinks. Aujourd’hui, Whisky Sponge est notre principale marque d’embouteillage pour Decadent Drinks et, à partir de là, d’autres séries comme Rum Sponge et Cognac Sponge sont apparues.

Mais comment êtes-vous devenu un embouteilleur indépendant de whisky ?

C’était vraiment un accident. Je pensais que j’aimerais faire un fût pour Whisky Sponge, mais ce n’était qu’une idée car je n’avais pas de tonneaux et pas assez d’argent pour en acheter un.

Mais mon ami Iain McClune, de Whisky Auctioneer, m’a dit qu’il envisageait de faire un peu plus d’embouteillage indépendant et m’a demandé si j’étais intéressé pour travailler avec lui en partenariat et si j’avais des idées.

J’ai donc suggéré que nous utilisions Sponge comme étiquette/marque et à partir de là, tout a évolué très rapidement. Nous sommes parvenus à trouver de bons fûts et avons eu du succès. Il m’a donc semblé naturel de créer une société et de la rendre plus officielle.

Je n’ai jamais imaginé que je serais un embouteilleur indépendant un jour, mais j’aime ça et j’apprécie la créativité que l’on peut déployer à la fois pour réaliser un bon embouteillage et pour concevoir des étiquettes amusantes et originales.

Comment choisissez-vous les whiskies que vous mettez en bouteille ? Sur quels critères ?

Je m’intéresse à la qualité (ce que tout le monde dit, bien sûr), mais je la prends très au sérieux et je pense être un assez bon juge de la qualité des boissons. Mais pour moi, la qualité peut signifier différentes choses.

Une autre façon de l’exprimer est que j’aime embouteiller des boissons qui possèdent une force de caractère et une richesse de personnalité. Ainsi, certains de nos embouteillages peuvent être un peu extrêmes ou d’un style très particulier.

J’ai tendance à moins rechercher les arômes boisés, bien que nous en ayons encore quelques-uns si je pense qu’ils sont suffisamment équilibrés ou intéressants et qu’ils vont au-delà de la simple saveur du bois.

À quel moment avez-vous décidé de vous intéresser au rhum ?

J’apprécie le rhum en tant que boisson depuis un certain nombre d’années maintenant, c’est donc quelque chose qui m’a toujours intéressé. Mais honnêtement, c’était autant une décision commerciale qu’autre chose.

Nous avions les contacts nécessaires pour acheter de bons stocks, d’un style que les amateurs de rhum apprécient, et nous comprenions suffisamment bien le marché pour décider d’intégrer le rhum à notre offre. C’était également important parce que j’ai délibérément choisi Decadent Drinks – et non Decadent Spirits – comme nom de notre société et que je voulais proposer une large sélection de boissons différentes sous forme d’embouteillages indépendants – le rhum en était donc un élément indispensable.

Comment choisissez-vous les rhums que vous mettez en bouteille ? Sur quels critères ?

Avec le whisky, j’ai l’impression d’avoir une connaissance suffisamment approfondie pour sélectionner des embouteillages qui ne sont peut-être pas toujours à mon goût, mais je sais qu’ils sont bons et qu’ils intéresseront d’autres amateurs ayant des préférences différentes.

En ce qui concerne le rhum, bien que j’aie la chance d’en avoir goûté de nombreux types, je suis un amateur et je m’en tiens très étroitement à mes propres goûts. Je préfère les rhums distillés en cuve, à forte teneur en esters, plutôt funky et charismatiques.

J’aime les effets du vieillissement tropical et continental, et j’apprécie les rhums de différents pays. Mais dans l’ensemble, je dirais que nous essayons de sélectionner des rhums légèrement plus âgés, distillés en fût, avec un bon degré de complexité et d’esters.

Dans le monde du rhum, quelles ont été les rencontres décisives pour vous ?

La première fois que j’ai découvert le rhum, c’était dans les entrepôts de Bruichladdich à Islay. J’avais l’habitude d’y aller pendant mes jours de congé et de donner un coup de main dans les entrepôts pour vivre une expérience différente.

L’embouteillage spécifique qui me reste toujours en mémoire est le Long Pond 1941 de G&M. C’était une expérience de dégustation assez profonde la première fois que je l’ai essayée et elle a vraiment changé ma vision du rhum et des spiritueux en général de manière durable et importante.

Quelles sont les nouveautés auxquelles nous pouvons nous attendre cette année ?

Nous aurons bientôt trois nouvelles bouteilles de Rum Sponge: un Clarendon 2007, un Barbados 2000 et un Enmore 1990. Au-delà, nous sommes encore en train de réfléchir à ce que seront les prochaines sélections, mais nous avons pour objectif de développer et d’augmenter notre offre de rhum au fil du temps et nous espérons être en mesure de proposer quelques embouteillages intéressants.

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