Rhum hexagonal – Distilleries des Scories, l’Auvergne en bouteille

La distillerie située à Brassac-les-Mines, dans le Puy-de-Dôme, produit des gins, des eaux-de-vie de malt (bientôt du whisky), et désormais du rhum. Grâce à de la mélasse bio importée du Paraguay, un alambic hybride, et l’eau du Cézallier filtrée et déminéralisée par la roche volcanique. Rencontre avec son fondateur, Quentin Sicard.

Distilleries des Scories

Quel est votre cursus ?

J’ai passé mon double diplôme d’ingénieur agronome et d’œnologie à Toulouse, j’ai ensuite travaillé dans le secteur des vins et des spiritueux en France et à l’étranger, où je suis notamment passé par le Chili, et de nombreuses années à Cognac où j’ai perfectionné l’art de la distillation.

Comment s’est opéré le choix de la distillation ?

J’ai eu l’opportunité de m’installer comme vigneron, mais ce n’était pas le moment, puis à force de réfléchir, la distillation s’est imposée comme une évidence. Ça me plaît de travailler avec les alambics, le cuivre…

Comment s’est passée l’installation ?

J’ai démarré en 2021, mais je penchais sur le projet depuis 2017. La distillerie est basée à Brassac-les-Mines dans le Puy-de-Dôme en Auvergne. J’ai choisi le Puy-de-Dôme parce que j’en suis originaire, bien sûr, mais surtout pour la qualité de l’eau du Cézallier qui est filtrée et déminéralisée par la roche volcanique.

L’eau est importante pour les producteurs de whisky !

Oui, le cœur du projet c’est d’ailleurs le whisky ! Les Écossais communiquent beaucoup sur la qualité de leur eau, et je voulais m’appuyer sur cette ressource locale.

Parlez-nous de vos produits

D’abord il y a le Drolle, un pur malt (en attendant que le whisky soit prêt au bout de trois ans de vieillissement en fin d’année). La matière première, une orge à whisky française, vient des malteries Soufflet. En parallèle, je fais des essais avec des agriculteurs partenaires pour en planter dans la région.

L’objectif d’ici quelque temps est d’être « paysan-distillateur ». Concernant le gin de style London Dry (ORiginel), j’utilise des baies de genévrier cueillies à la main et des feuilles de verveine citronnée 100 % locales. Tout vient de 50 km à la ronde maximum. Et je fais des eaux-de-vie de vin avec des vins blancs de vignerons locaux, à partir des cépages tressaillier et chardonnay.

Toutes les fermentations sont thermorégulées pour éviter les pics de température. Ça se retrouve dans le whisky et le rhum blanc. Cela permet de conserver les esters.

Distilleries des Scories rhum

Et le rhum dans tout ça ?

À la base, il ne s’inscrivait pas dans le projet initial, qui était de travailler avec des produits les plus locaux possibles, mais j’avais de la demande.

Quelle matière première utilisez-vous ?

Je travaille une mélasse bio du Paraguay. J’ai dégusté des rhums métropolitains faits avec différentes mélasses. Les mélasses en provenance d’Asie (Laos, Thaïlande…) ne m’ont pas convaincu, car elles donnaient des rhums trop neutres à mon goût.

Comment s’est passée la production du premier batch ?

Je n’avais jamais fermenté de mélasse, donc j’étais assez stressé. Mais je me suis lancé et ça a marché. Je l’ai réhydratée, fait fermenter avec des levures typiques des meilleures rhumeries pendant 5 jours en cuves thermorégulées.

Quel alambic utilisez-vous ?

C’est un Lagorsse, du même nom que le Meilleur Ouvrier de France qui l’a réalisé sur mesure. C’est un hybride avec une chaudière droite de type Charentaise, un chapiteau en forme d’oignon et une colonne déportée. Le premier col de cygne descend dans une colonne, puis un second col de cygne va de la colonne au réfrigérant. Il est aussi possible de passer en directe de la chaudière au réfrigérant. Je peux donc choisir la double ou la simple passe.

Comment se passe la distillation ?

C’est une distillation lente qui dure 15 heures. Je chauffe au gaz naturel, avec des chauffes très douces. Ça me permet de faire des tris très fins entre les têtes, le cœur et les queues. Toutes les coupes sont faites au nez et à la dégustation, rien n’est automatisé à la distillerie.

À combien de degrés sort votre rhum, le Carreau ?

Le cœur de chauffe sort autour de 85 % en simple passe. Cela donne des alcools ronds et gras, enrobant. Et tout ce processus me permet de conserver un taux d’ester assez haut.

Après la distillation, je l’ai laissé en cuve inox pour commencer à le réduire un peu avant de le mettre en fûts. Au moment de la mise en fût, je me suis rendu compte que je n’avais pas de fûts disponibles. Il faut dire que j’ai travaillé tout seul pendant 3 ans, je jonglais entre les parties production, commerciales…

Donc, finalement je l’ai laissé en cuve pour le réduire lentement avec l’eau des volcans. Au final ce premier lot produit correspond à un total de 860 bouteilles de 70 cl à 50 % de rhum blanc mise en commercialisation à l’été 2024.

Quel type de rhum cela donne-t-il ?

Cela donne un profil aromatique assez riche, avec des notes de mélasse de canne à sucre, un léger goût cendré fumé qui fait penser au mezcal, des notes de bananes flambées, de réglisse, de cassonade, de pruneau…

Quid du batch 2 ?

Toutes les bouteilles du premier lot ont été vendues. J’ai produit le même volume cette année, soit 600 litres. Cette fois, j’ai mis 106 litres en fût neuf. Le vieillissement va être piloté par la dégustation. La durée totale sera de quelques mois, car le fût neuf marque vite.

Autre chose à nous dire à propos du rhum ?

Oui, avec 300 bouteilles du premier batch, j’ai fait quelques arrangés en fin d’année pour noël. J’ai fait trois recettes à base de vanille de Madagascar agrémentées soit de la cannelle de Ceylan, soit de fèves de cacao, soit de grains de café. Une partie du volume du deuxième batch est également réservé par un ami safranier pour refaire un arrangé safran. Nous avions fait seulement 50 bouteilles l’an dernier qui se sont vendues très vite.

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