Rhum et développement durable : histoire d’amour ou mariage arrangé ?

Dossier mené par Cyrille Hugon et Fabien Humbert

Rhum et développement durable

S’intéresser à la question du développement durable dans le rhum s’avère une entreprise qui dépasse le simple cadre de notre spiritueux préféré. Aborder le sujet « rhum » c’est envisager la culture de la canne à sucre et donc plus largement la question agricole, c’est parler de commerce globalisé et donc de commerce équitable, c’est regarder du côté de l’énergie et donc des ressources durables, mais, aussi et surtout, c’est parler d’êtres humains, car comme le dit justement Alexandre Koiransky de Rum Fair, dans son interview ci-après : “Si vous voulez que les producteurs s’engagent sur la voie du développement durable, commencez par les payer convenablement“.

Une fois cette arborescence exposée, il nous faut en développer une autre car les enjeux de la filière canne ne sont pas les mêmes à la Réunion où la problématique principale est de réorganiser la filière sucre/rhum pour la rendre rentable dans un écosystème circulaire, au Nicaragua frappé par la maladie des reins des coupeurs de canne (voir l’interview de Jason Glaser), à la Barbade ou en Jamaïque où il s’agit de préserver la culture locale de la canne tout en ayant une gestion raisonnée de l’eau et de l’énergie et de s’organiser pour importer des mélasses « propres », en Martinique où le principal enjeu actuel est celui du désherbage sans produits phytosanitaires tout en maintenant les aides d’Etat ou encore au Belize.

A travers les interviews de ce dossier, que nous laisserons ouvert dans Rumporter, car le sujet est non seulement vaste mais évolutif, nous avons essayé d’aborder tous les aspects du développement durable en dépassant la seule préoccupation écologique. Nos interlocuteurs nous ont permis de comprendre que la plupart des problèmes liés au sujet ont été pris à bras le corps par la filière rhum, que cette prise de conscience ne date pas d’hier et qu’elle débouche sur des actes forts : politique éthique d’achat des mélasses chez Rhums Plantation, économie circulaire propre chez La Martiniquaise (Saint James, Rivière du Mat), désherbage manuel chez La Mauny etc…

Nous sommes face à un monde en mouvement, parfois sous la contrainte (réglementaire ou populaire) mais souvent à l’initiative des dirigeants du rhum (lire encore Alexandre Gabriel) loin des diktats du marketing (Mount Gay par exemple n’a jamais revendiqué commercialement sa démarche envers la biodiversité.) Alors « Circulez, y a rien à voir ? » pourrait on se dire. Loin de là, car il nous reste à dépasser cette vision angélique et fouiller certaines zones d’ombres ressenties dans les nuances ou l’absence de réponses à quelques-unes de nos questions.

Celles-ci sont certainement liées au fait que nous avons, dans ce dossier, commencé par interroger ceux dont nous connaissions d’avance les préoccupations éco-responsables et qu’il nous reste encore beaucoup de pays du rhum à explorer avec ce regard. Dans les prochains articles de ce dossier, nous nous pencherons notamment sur la question de la gestion des eaux usées (vinasses) qui rejetées sans traitement à la mer (dans le cas des Caraïbes) sont une menace pour le milieu marin.

Nous étudierons plus avant les questions soulevées par Marc Sassier et Eric Eugénie quant au double discours des gouvernements plein de bonnes intentions mais incapables de mettre en œuvre des politiques en accord avec les réalités du terrain et ce aussi bien en Martinique qu’en Guadeloupe ou à la Réunion. Nous entrererons en relation avec les organismes certificateurs de la filière canne Bonsucro et ProTerra afin de confirmer ou d’infirmer certains points relatifs au business mondial de la mélasse…

Bref, il y a du plain sur la planche ou plutôt du moût dans l’alambic. En attendant ne boudons pas notre plaisir de découvrir tout ce qui est fait est bien fait dans le monde du rhum d’autant que tous nos interlocuteurs nous ont paru désireux de partager leurs expériences. La parole est eux.

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