Comme chaque année à la même période, Plantation dévoile ses Single Casks (15 pour ce millésime), tous étant passé par le traditionnel double vieillissement (Jamaïque, Barbade, Trinidad, Fidji… et Charentes), ainsi que par un finish dans une ribanbelle de fûts : ex-cognac, sauvignon blanc, Maury, Tokaj, vin orange espagnol….
On y trouve des rhums hors d’âge (dont un 2001 Fiji) onéreux, ou des jus plus jeunes, qui ne nécessitent pas de casser son PEL pour les acheter, comme le Barbados VSOR de 2016 fini en fûts de porto.
Nous avons choisi cette année de faire un focus sur les collaborations de Plantation avec d’autres distilleries (hors rhum), ce qu’Alexandre Gabriel appelle les « créations à 4 mains » : notamment les Calvados Drouin, et le single malt français Rozelieures (mais cela concerne aussi le single malt irlandais Teeling whiskey et le bourbon texan Ironroot).
A chaque fois, les Single casks Plantation ont fait l’objet d’un finish dans des fûts des distilleries partenaires, tandis que ces dernières recevaient elles aussi des fûts de Plantation pour mener leurs expérimentations dans le cadre d’un programme d‘échanges de fûts ou barrel swap.
Rumporter a rencontré Christophe Dupic pour les whiskies Rozelieures (CD), Guillaume Drouin pour les Calvados et Pommeaux Drouin (GD) et Alexandre Gabriel pour les rhums Plantation (AG) à la barge 166.
Rumporter : Guillaume, Christophe, quelles sont les difficultés rencontrées en faisant vieillir vos produits dans des ex-fûts de rhum ?
GD : La première fois qu’on a travaillé avec des rhums, ils venaient de la Réunion, et étaient très puissants aromatiquement. Je pense que j’avais des fûts assez anciens et mon calvados, un peu trop jeune, avait absorbé des aromatiques pertinentes, mais aussi beaucoup de sécheresse.
La difficulté du rhum dans le finishing, c’est que certes on va chercher des notes flatteuses de fruits exotiques, de sucre roux… mais que ça peut être très marquant. C’est pourquoi ensuite j’ai cherché à marier des calvados plus structurés. En termes de mariage ou d’arrangement, on est proches de la dissonance.
CD : Chez Rozelieures, on fait aussi des vieillissements en fûts de rhums Plantation. Ils ne sont pas encore prêts d’ailleurs. Mais on n’a pas les mêmes problématiques que pour le calvados de Guillaume. J’ai placé des whiskies tourbés dans les fûts que m’a envoyés Alexandre.
Or la tourbe a des notes fraîches et végétales, un peu comme la fraîcheur et le côté herbacé de la canne. Les résultats sont très bons, mais il faut un peu plus de temps au rhum pour se montrer face aux arômes céréaliers qu’il y a aussi dans le whisky.
Rumporter : Et pour le Plantation Barbados 2015, vieilli en ex-fûts de pommeau Christian Drouin Finish comment s’est opéré le choix du rhum Alexandre ?
AG : J’ai choisi la Barbade car je voulais un rhum tout en finesse, 2015 parce je voulais quelque chose de pas trop vieux. J’ai arrêté le vieillissement en fût de pommeau au bout de 4 mois car il commençait à prendre le dessus sur le rhum.
Avec le pommeau, comme avec le pineau des Charentes d’ailleurs, l’expérience m’a appris qu’il fallait travailler avec des expressions les plus jeunes possibles, car des notes sucrées qui sont agréables dans les expressions vieilles vont se fondre dans le rhum, alors que les notes oxydatives vont surnager et même dominer.
Les fûts de calvados 15, 20 ans sont les plus difficiles à travailler, au contraire d’un fût de 18 mois, tout frais, sur le fruit et l’exubérance.
GD : Dans le calvados, on utilise beaucoup aussi les ex-fûts de pommeau. C’est assez surprenant parce qu’on pourrait penser qu’ils apportent beaucoup de douceur car ils renferment beaucoup de sucre, ou au contraire, ils vont plutôt booster le fruit, la pomme.
J’ai aussi sorti un calvados vieilli en fûts de plantation pour la gamme Expérimental.
Je suis parti d’un pays d’Auge de 14 ans, assez léger pour son âge mais qui avait assez de structure pour faire face au rhum. Le finish a eu lieu dans un ancien fût de chêne français qui avait contenu du Long Pond. Les chênes français, ce sont des bois qui travaillent moins, vite, en profondeur. On essaie de trouver des équilibres assez fins, mais improbables.
Rumporter : Christophe, pouvez-vous nous en dire plus sur les fûts qui ont accueilli le Plantation Fiji 2001, Whisky Rozelieures Single Malt Finish ?
CD : Le single malt est d’un assemblage de 4 types de fûts, qui ont contenu du bourbon, du cognac, du xérès (fino, oloroso et pedro ximenez) et du fût neuf. Le barrel swap que nous avons fait avec Alexandre concerne les fûts de xérès.
Ces fûts de 500 litres arrivent chez nous, je les fait démonter, et réassembler en fûts de 250 litres, puis réchauffer (en partie pour ne pas perdre l’apport du xérès) pour les cintrer. C’est ça qui va donner le côté fumé, empyreumatique et aussi une pointe de tourbe qui apporte de la fraîcheur. Rozelieures est un des whiskies français qui a le plus d’alcools supérieurs et d’esters, aussi il fallait un rhum qui puisse lui tenir tête.
AG : Dans la culture du rhum, certains sont plutôt alcools supérieurs ou plutôt esters, dans Fiji il y a les deux à la fois, et beaucoup ! Ce n’est pas tout public, mais j’adore. Notamment le côté animal, le côté mastic à la fenêtre…
D’ailleurs, nous sommes en train de chercher quelles molécules apportent ces arômes. J’ai choisi un 2001, qui est un peu une pièce de musée, car c’est vraiment le rhum qui peut tenir tête à un whisky comme Rozelieures.