[Juridique] Règles du rhum la DGCCRF met les points sur les I !

Contrôles, âge du rhum, présence de sucre, d’additifs, mentions trompeuses, responsabilité des distributeurs… Benjamin Nardeux responsable du pôle «Boissons alcoolisées» (BN) et Guillaume Pupier, rédacteur en charge des boissons spiritueuses (GP) à la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), font le point sur les règles en vigueur. Préparez-vous à être surpris !

Règles du rhum DGCCRF

Quelles sont les missions de la DGCCRF ?

BN: Nous en avons de plusieurs ordres. La première de nos missions, c’est la protection du consommateur, notamment dans ses relations avec les entreprises. Par exemple, les enquêteurs vont vérifier que l’information sur les produits est loyale, que les conditions précontractuelles sont réglementairement correctes, que le placement des produits dans les rayons est le bon, que les prix pratiqués sont les bons, que les publicités ne sont pas mensongères…

Ils travaillent aussi sur la composition des produits afin de vérifier qu’il n’y a pas de tromperie, ou de présence d’additifs interdits par exemple. La DGCCRF va également contrôler les falsifications des signes de qualité, les tromperies comme la francisation d’un produit, les pratiques commerciales trompeuses…

GP : Nous jouons aussi un rôle de régulation concurrentielle du marché. Dans ce cadre, nous contrôlons les pratiques commerciales déloyales, notamment les relations entre les réseaux de distribution et les fournisseurs, les problèmes d’ententes, de positions dominantes… Nous protégeons donc les consommateurs, mais aussi les entreprises qui respectent la réglementation contre celles qui ne la respectent pas, et donc disposent d’un avantage concurrentiel.

Règles du rhum DGCCRF

Quelles sont ces missions appliquées au rhum ?

BN : La DGCCRF élabore la réglementation relative à la production et à l’étiquetage des boissons spiritueuses. Au niveau européen, nous sommes les porte-parole de la délégation française.

C’est par exemple la DGCCRF qui a demandé la fixation d’une teneur maximale en sucre pour les eaux-de- vie, afin de disposer de seuils qu’on peut contrôler plus efficacement. Nous siégeons aussi à l’INAO.

Concrètement, comment se déroulent les contrôles ?

BN : Chaque année une programmation de nos enquêtes est réalisée, notamment en fonction du secteur contrôlé (par exemple ciblage des gins, de l’aromatisation des rhums…), et d’une analyse de risque.

Des données relatives au ciblage des professionnels, et portant sur la volumétrie des contrôles à réaliser, sont transmises aux enquêteurs. Ils complètent ces éléments par leur connaissance de terrain et du contexte économique local, afin de définir leur périmètre de contrôle.

Les enquêteurs interviennent directement à la production chez les opérateurs (chais, distilleries…), dans les rayons de la GMS, les cavistes, les sites internet, les salons, et également à l’importation. Il est d’ailleurs important de rappeler à vos lecteurs qu’un importateur de boissons spiritueuses a les mêmes obligations que les producteurs qu’ils distribuent.

Quelles sont les obligations des importateurs ?

GP : Chaque produit importé sur le marché européen doit satisfaire aux mêmes règles que ceux qui y sont produits. Certains pays tiers ont des règles qui diffèrent des nôtres, notamment sur l’aromatisation des rhums, la teneur en sucre ou même la matière première utilisée.

Quand leurs boissons sont commercialisées sur le marché européen, ils se doivent de respecter les normes européennes et c’est l’importateur qui en sera le garant et sera responsable en cas de problème. Les sanctions seront prises à son encontre.

Comment vérifiez-vous qu’un rhum est conforme ?

GP : Nous vérifions avant tout la traçabilité de l’entreprise tout au long de la chaîne de production. Pour l’opérateur, cela consiste à enregistrer chaque étape d’élaboration du rhum, de l’achat des matières premières, aux étapes de transformations (fermentation, distillation), de mise en vieillissement, d’assemblage, ainsi de suite jusqu’à la commercialisation du produit fini.

Nous pouvons aussi prélever le produit et l’envoyer ensuite au service commun des laboratoires qui analysera très finement sa composition : TAV, vieillissement sous-bois, taux de substance volatile, taux de sucre, ajout de caramel colorant, la matière première utilisée…

Règles du rhum DGCCRF
Le laboratoire commun des douanes effectue des analyses très poussées des rhums qui lui sont envoyés par la DGCCRF.

Est-ce qu’il vous arrive d’effectuer des contrôles suite à des dénonciations ?

BN: Des entreprises peuvent faire remonter à nos services les pratiques de leurs concurrents. La plupart des alertes sont effectuées au niveau local, auprès de nos enquêteurs, spécialisés sur les vins et spiritueux, et qui connaissent les producteurs et les marchés. La DGCCRF vérifie tout d’abord que ces informations sont bien fondées, et n’engagera des contrôles que si les premières observations des agents montrent qu’il y a bien matière à enquêter.

GP : Nous sommes aussi en relation avec des organismes de gestion et de défense (ODG) des indications géographiques ou de l’AOC qui ont par exemple constaté une usurpation de leur indication sur leur étiquetage.

Par exemple les rhums de Martinique se doivent d’être produits intégralement en Martinique : fermentation, distillation, vieillissement… Des opérateurs qui achètent du rhum martiniquais en vrac et qui le font vieillir en métropole vont écrire «rhum de la Martinique» sur leurs bouteilles, or cela est interdit.

Même si ces rhums sont hors AOC ?

GP : Oui. La protection des noms des IG et AOC va très loin au niveau européen. À partir du moment où sur l’étiquetage il y a une mention qui va faire penser à la Martinique (comme une carte de l’île, le terme Madinina…), cela est considéré comme une usurpation de l’AOC Martinique.

Les ODG vont d’abord contacter l’opérateur pour le prévenir qu’ils font une usurpation et qu’ils doivent changer son étiquetage, et que s’il ne le fait pas, après un certain délai la DGCCRF en sera avertie. Cela arrive aussi que l’on détecte nous-mêmes ce type de problèmes et intervenions de notre propre initiative.

BN: Parfois les États membres ou la Commission européenne elle-même, nous contactent pour nous sensibiliser sur des problèmes.

Par exemple ?

GP : Par exemple sur le vieillissement en Sistema solera.

Règles du rhum DGCCRF

Justement, parlons de l’âge du rhum, quelles sont les règles ?

GP : La règle est très claire, et n’a pas évolué depuis le premier règlement européen sur les boissons spiritueuses datant de 1989. Seul l’âge du composant alcoolique le plus jeune peut être indiqué. Or dans le rhum, à part dans les cas des Single casks ou des millésimes, les rhums sont des assemblages de plusieurs âges.

Donc toutes les mentions comme «ce rhum a été vieilli jusqu’à 9 ans», «ce rhum est un assemblage de 6 à 23 ans», «ce rhum comprend des rhums dont certains ont plus de 50 ans»… sont strictement interdites. Cela vaut pour l’étiquetage des bouteilles, les publicités, les présentations sur internet, les foires, les salons et même les magazines.

Bon eh bien il va falloir qu’on se mette à la page chez Rumporter !

BN : Rires. Ce n’est pas moi qui l’ai dit!

GP : Après c’est plutôt l’opérateur qui a fourni les messages commerciaux qui est en cause.

Et concernant les rhums solera ?

GP : L’étiquetage des rhums solera est ambigu pour le consommateur. Et comme nous l’avons dit, il ne doit pas l’être. Souvent, il y a marqué «sistema solera», avec un chiffre assez élevé. 25 par exemple. Ça donne l’impression qu’il s’agit de l’âge du rhum. D’ailleurs, certains vont vous dire que c’est l’âge moyen ou du rhum le plus vieux. Dans tous les cas pour le consommateur, cela est ambigu, et l’étiquetage doit être corrigé.

BN : Même le fait que le terme «anos» ait été retiré de la plupart des étiquetages, ne change rien au problème. Le fait qu’un chiffre y subsiste laisse penser qu’il s’agit de l’âge du rhum.

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