La femme à la tête de la maison Brugal revient avec nous sur son parcours, les choix qui sous-tendent la production de ses rhums, et sur son amour pour son pays, la République dominicaine.
Quel a été votre parcours professionnel ?
Devenir la toute première Maestra Ronera de la famille Brugal et de la République dominicaine a été le privilège de ma vie, mais je n’ai pas toujours suivi cette voie. J’ai d’abord étudié et obtenu un master en administration des affaires avant que ma famille ne découvre mes capacités sensorielles, et que je commence ma formation officielle pour devenir la première Maestra Ronera de Brugal.
En tant que membre de la cinquième génération de la famille Brugal, je suis consciente d’appartenir à un héritage extraordinaire de 135 ans, et l’une de mes responsabilités est de perpétuer cet héritage. Ma famille, en particulier mes cousins et oncles, a joué un rôle déterminant dans ma carrière et m’a aidée à me développer en tant que Maestra Ronera.
Don Franklin Baez Brugal a été le premier membre de la famille à reconnaître mon talent et mes capacités sensorielles, tandis que Gustavo Ortega Brugal a joué un rôle clé en me formant, en me guidant méticuleusement à chaque étape du processus de fabrication du rhum.
Quand avez-vous décidé de travailler dans la distillerie familiale et pourquoi ?
J’ai grandi avec Brugal. Je me souviens avoir écouté les récits de mes parents et de ma famille partageant les histoires et les traditions de Brugal. J’ai compris plus tard que je faisais aussi partie de cet héritage.
En 2010, les Maestros Roneros de la quatrième génération ont remarqué que j’avais développé une grande acuité olfactive et gustative, capable d’identifier les moindres détails dans chaque verre de rhum. Lorsqu’ils m’ont invité à me former avec eux, je n’ai pas pu imaginer un meilleur métier au monde.
Vous êtes une femme dans un environnement majoritairement masculin, bien que cela évolue. Pouvez-vous nous dire si vous avez dû vous battre davantage pour vous imposer ?
Je ne dirais pas que j’ai dû me battre plus durement, et certainement pas spécifiquement parce que je suis une femme. En tant que première Maestra Ronera et ayant pris ce poste jeune, j’ai ressenti une certaine pression pour bien faire et prouver que l’entreprise avait fait le bon choix. Cependant, au sein de l’entreprise, j’ai été accueillie chaleureusement et avec enthousiasme.
Même si je me suis sentie un peu dépaysée au début, tout le monde m’a traité avec beaucoup de respect. Aujourd’hui, je réalise que c’est l’une des meilleures décisions que je n’aie jamais prises. Je suis honorée de servir en tant que Master Blender, où je supervise tout le processus de développement du liquide, veillant à ce que chaque bouteille de Brugal incarne l’engagement de notre famille envers l’excellence.
Brugal est un rhum apprécié dans le monde entier, et je suis fière de faire par- tie d’une nouvelle génération de femmes leaders dans l’indus- trie, qui montrent qu’il n’y a pas de rôles ou de secteurs où les femmes ne peuvent pas réussir.
Quel est votre rôle en tant que Maestra Ronera ?
Les Maestros Roneros de Brugal sont responsables de préserver le savoir-faire familial transmis de génération en génération. Nous sommes à la tête de l’art de la distillation, sélectionnons les fûts de la plus haute qualité pour vieillir notre précieux liquide, et développons de nouvelles techniques pour constamment repousser les limites du rhum.
Je suis particulièrement passionnée par le développement de nouveaux produits, ce qui implique de nombreuses journées passées dans nos chais de vieillissement, des sessions de dégustation avec les autres Maestros Roneros pour des évaluations sensorielles, et des heures d’entraînement pour développer nos compétences organoleptiques.
Nous avons à cœur de créer le meilleur rhum possible, et nous prenons donc un soin particulier à valider chaque lot avant qu’il n’arrive chez les consommateurs pour garantir la qualité du rhum Brugal. Mes journées sont généralement très intenses, allant d’une semaine de voyages autour du globe pour partager notre histoire et notre rhum avec le monde, à accueillir des visiteurs dans notre belle distillerie pour des formations et des dégustations.
Pouvez-vous nous parler des améliorations techniques apportées à la distillerie au fil des années ?
Notre engagement à produire un rhum exceptionnel est une véritable fierté chez Brugal. Nous investissons massivement dans tout le processus de production pour garantir des niveaux de précision et de constance les plus élevés.
En 2019, nous avons introduit un système de surveillance de la distillation à la pointe de la technologie, marquant une évolution importante dans notre processus de fabrication du rhum. Nos alambics à colonnes nous permettent de distiller notre rhum à un taux d’alcool de 95 %, un élément clé pour créer un spiritueux léger et délicat, signature de la maison Brugal.
Nous continuons à investir de manière significative dans des fûts de la plus haute qualité, étant donné l’importance cruciale qu’ils jouent dans les arômes obtenus après le vieillissement.
L’environnement dans lequel reposent nos fûts a un impact considérable sur le processus de vieillissement, c’est pourquoi nous avons agrandi nos installations de stockage pour garantir les conditions idéales, permettant aux riches saveurs des fûts d’imprégner notre rhum.
Quelle est l’importance de la mélasse ?
Pour moi, la mélasse dominicaine est vraiment spéciale. Elle possède une texture riche et sombre, avec une couleur brun foncé et un profil de saveurs complexe qui combine douceur avec des touches subtiles d’épices et d’amertume.
C’est la base parfaite pour notre rhum, offrant la profondeur et la complexité nécessaires pour créer un spiritueux à la fois délicat et plein de caractère. La mélasse dominicaine nous permet de créer un spiritueux équilibré et léger, une base idéale pour faire ressortir les notes et les saveurs de nos fûts exceptionnels durant le processus de vieillissement.
Pourquoi avez-vous choisi de raffiner autant la saveur du rhum ?
Le choix de raffiner notre rhum jusqu’à une pureté de 95 % a été délibéré. Nous voulions créer un spiritueux à la fois doux et polyvalent, permettant à la véritable personnalité de notre processus de vieillissement et à l’influence de nos fûts de s’exprimer. C’est ce qui donne le style signature de Brugal, que les consommateurs connaissent et apprécient. Cela nous permet de créer un profil équilibré, chaleureux, élégant et complexe.
Pourquoi avoir choisi des fûts de sherry pour la deuxième maturation ?
Lorsque la quatrième génération a commencé à développer « Brugal 1888 », elle a voulu améliorer davantage la technique du double vieillissement et aller au-delà des fûts de bourbon historiques utilisés dans la production de Brugal.
Les fûts de sherry offraient une qualité supérieure et un nouveau profil qui, à l’époque, n’avait pas encore été vraiment exploré, et c’était une première pour Brugal. Les fûts de sherry utilisés dans le double vieillissement de « Brugal 1888 » sont essentiels à la complexité et au caractère uniques des arômes du rhum.
Ils créent un équilibre entre toutes les saveurs : les notes distinc- tives boisées, vanillées et de caramel des fûts de bourbon sont complétés par les délicieuses notes de fruits rouges et secs, de noix, et d’épices subtiles des fûts de sherry.
Ensemble, ils créent un équilibre complexe, mais harmonieux qui est devenu un élément incontournable chez Brugal. Nous veillons à n’utiliser que les meilleurs fûts chez Brugal et nous avons une politique stricte pour sélectionner et évaluer les fûts utilisés pour faire vieillir notre précieux rhum, et en nous assurant de recycler tout fût usé.
Une DOP a récemment été créée pour le rhum en République dominicaine. Pouvez-vous nous en donner un aperçu général ?
La création de la DOP (Dénomination d’Origine Protégée) pour le rhum dominicain en 2021 a été une étape marquante. En tant que membre clé de l’Association dominicaine des pro- ducteurs de rhum (ADOPRON), Brugal a joué un rôle important dans la promotion de cette reconnaissance. Cela a été un processus de huit ans qui a permis de garantir que les normes établies reflètent les méthodes de production de haute qualité que nous suivons depuis des décennies.
Chez Brugal, la provenance, la transparence et la traçabilité sont des piliers fonda- mentaux. Nous sommes donc fiers d’être reconnus comme un « Ron Dominicano » sous la Dénomination d’Origine Protégée (DOP) du rhum dominicain, ce qui signifie que nous utilisons de la mélasse provenant à 100 % de la canne à sucre dominicaine et que nous distillons et faisons vieillir nos rhums exclusivement en République dominicaine.
Comment et quand le rhum est-il consommé en République dominicaine ?
Le rhum fait partie intégrante de notre culture. Il est apprécié à la fois pur et dans des cocktails lors de nombreuses occasions : des rassemblements sociaux, des célébrations familiales ou tout simplement savouré à la maison.
Brugal occupe une place particulière dans le cœur des Dominicains en tant que marque de rhum leader du marché et est donc souvent le rhum de choix. Notre rhum est le spiritueux idéal pour revisiter des cocktails classiques quasi purs comme les oldfashioned au rhum ou les negronis au rhum, qui deviennent de plus en plus populaires.
Quelle est l’importance de Brugal pour la République dominicaine ?
En République dominicaine, nous avons la position de leader du marché. Ici on nous appelle « el Ron de los Dominicanos » (le rhum des Dominicains). Nous sommes une maison qui fait partie de la vie et de la culture de notre pays.
Nous avons bâti notre héritage grâce à la qualité de notre rhum et en connectant avec les consommateurs à travers des expériences créatives et fédératrices qui célèbrent notre patrimoine dominicain. Cela a permis à Brugal de créer des emplois, de contribuer à l’économie dominicaine et de devenir un ambassadeur du rhum dominicain à l’échelle mondiale.
Nous sommes devenus une marque emblématique du pays qui célèbre le meilleur de la République dominicaine. Le pays nous a façonnés, et en retour, nous avons contribué à façonner son image. Le succès de Brugal nous a permis de continuer à rendre à notre île et à nos communautés locales à travers la Fondation Brugal, en mettant l’accent sur la durabilité et la responsabilité sociale.
Pouvez-vous nous donner quelques bonnes adresses en République dominicaine ?
Notre pays, la République dominicaine, est magnifique, riche en histoire et en patrimoine, avec des gens chaleureux et accueillants. J’apprécie particulièrement notre cuisine locale, avec la combinaison d’ingrédients, de saveurs et d’arômes que l’on retrouve dans chaque plat.
Il existe une nouvelle génération de chefs dominicains reconnus qui dirigent la haute gastronomie avec des propositions culinaires de classe mondiale utilisant des ingrédients locaux. À travers leur art, ils enrichissent l’identité culinaire de notre pays avec une créativité de premier ordre ancrée dans notre culture.
Parmi mes endroits préférés pour profiter d’une cuisine dominicaine exceptionnelle entre amis, il y a le restaurant Maraca à Saint-Domingue et le restaurant Maru à Santiago, pour leur nourriture incroyable et leur ambiance chaleureuse.