Ce vieux routard du conseil dans le rhum connaît l’île Maurice (entre autres) comme sa poche, c’est donc évidemment à lui que nous donnons le dernier mot.
Y a-t-il un terroir du rhum mauricien ?
Le mot terroir est une indication qui fait souvent penser à la terre, or c’est plus que cela. C’est un environnement général qui contient la nature des sols ou le climat, mais aussi les hommes, les outils. La notion bourguignonne qui part des fameux cli- mats pour se retrouver dans le vin est plus facile à appréhender que dans le rhum.
Oui et il y a aussi des cépages identifiés dans le vin de Bourgogne. Est-ce le cas pour le rhum mauricien ?
Sur Maurice, pendant longtemps la priorité c’était de produire du sucre et on a sélectionné des variétés qui produisaient beau- coup. On ne va pas avoir de monovariétaux comme dans les Antilles françaises. Ça change un peu avec l’arrivée de rhums de pur jus de canne. Mais la majorité de la production reste du rhum de mélasse, ou la variété et le terroir sont moins importants.
Quelle est la qualité de la mélasse ?
Maurice n’est plus vraiment un producteur de sucre blanc, mais un producteur de sucres spéciaux. Cela veut dire que la mélasse est de très bonne qualité, elle est plus aromatique, je la qualifierai même d’extraordinaire. De plus, il n’y a pas de stockage de mélasse sur de longues périodes, en général elle est fraîche, consommée dans l’année. Et elle vient exclusivement de l’île.
Qu’en est-il des rhums de pur jus de canne ?
Les pur jus de canne se développent énormément. Depuis que l’accord sur le sucre est tombé, cela devient moins intéressant d’en produire, car son prix n’est plus garanti. Donc il y a un peu moins de mélasse. Et cela devient plus intéressant de faire directement du rhum avec le jus de canne. C’est un peu la même évolution qu’à la Réunion.
Et le vieillissement ?
Il y a beaucoup de fûts d’ex-bourbon, mais de moins en moins, car les USA sont loin, et que c’est de plus en plus cher. Les fûts français ex-viniques en provenance d’Afrique du Sud (vin ou brandy) sont également utilisés. C’est logique, car c’est le même bassin, il y a des liens historiques.
Au final, quelle est la typicité du rhum mauricien ?
Le rhum tel qu’on l’envisage en Europe est récent, 2002 et 2003. Auparavant, les distilleries avaient seulement le droit de pro- duire du rhum léger. Ce dernier est beaucoup utilisé à l’export pour les besoins en alcool neutre, pour les punchs ou les spiced par exemple. Et il est aussi beaucoup consommé sur l’île.
Il est d’ailleurs de bonne qualité et affiche un TAV autour de 32 %. Les marques qu’on connaît en Europe sont assez chères sur le marché local et peu consommé en dehors des hôtels.
Chaque maison se différencie par ses pratiques, ses outils, va insuffler un style et un caractère. Mais de manière générale, les rhums de mélasse avec un taux de non-alcool élevé sont très frais avec sensation de fraîcheur, de légèreté. Un peu comme à la Réunion d’ailleurs.