Photos : Archives départementales de la Réunion
Les premiers temps (1638-1783)
Nous ignorons si la prise de possession de cette île non peuplée, par les Français, remonte à 1638 ou 1640. C’est en réalité la colonisation de Madagascar qui fait l’objet de toutes les attentions françaises dans les années 1640-1650. Celle-ci échoua néanmoins en 1674. La Réunion, appelée à l’époque Mascareigne, servait de terre d’exil pour les opposants au Gouverneur de Fort-Dauphin (Madagascar). Les exilés cultivèrent les terres pour survivre. En 1654, émerge l’idée de produire du sucre mais dans l’immédiat ce sont les plantations d’aloès et de benjoin (de la gomme) qui se développent. Dans les années 1660, on réfléchit à une économie du sucre basée sur l’esclavage ainsi qu’à la venue de matériel d’Europe. Dans une description de l’île datant de 1672, on lit : « les cannes à sucre y viennent très bonnes et abondamment. On pourrait y faire des sucreries. L’on se sert de ces cannes pour faire de la boisson qu’on nomme vin de canne. Ce jus de canne est assez bon et vaut bien le cidre ».
En 1689, Guillaume Houssaye évoque la production de sucre : « Les cannes de sucre y viennent admirablement bien, fort grosses et longues de douze à dix-huit pieds. Les habitants tirent le suc desdites cannes et en font du vin qui enivre plus que ne fait le cidre ». Au tournant du XVIIIème siècle, ce vin de canne prend le nom de frangourin (ou flangourin) qui à l’origine, était celui d’un petit moulin à bras utilisé à presser la canne. Ce vin de canne, considéré comme une boisson ordinaire, subit une fermentation de 4 à 5 jours.
C’est en 1704 que l’on trouve la trace du premier alambic à la Réunion. Mais cette même année le rapport de mission à l’île Bourbon du sieur Feuilley laisse penser que cet arack de canne est déjà répandu dans la population. L’alambic pourrait alors préexister depuis quelques années. Antoine Boucher décrit des producteurs d’arack à cette époque : certains n’en distillent que pour eux-mêmes, mais d’autres habitants alimentent le marché local avec. Une des habitations produit plus de « 1000 calebasses de frangorin » vendues 30 sols pièces, « et plus de 500 bouteilles d’eau-de-vie de sucre » à un écu la bouteille. Le développement de l’arack est limité par les importations d’eaux-de-vie métropolitaines.
La Compagnie des Indes orientales ira jusqu’à interdire la vente de ce grossier tafia. Le Conseil provincial de Bourbon tenta, en vain, en 1718 de réduire drastiquement le nombre des moulins individuels afin de limiter la fabrication du vin. La consommation d’arack était toujours répandue à la fin du siècle. La Réunion du XVIIIème siècle vit de la production et du commerce du café et de la girofle, mais aussi des cultures de riz, de blé, de coton et d’indigo.
RUMPORTER
Édition juin 2020
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