Guildive : un terme bien ancré dans l’univers du rhum

“L’univers de la Guildive”, caviste d’Antibes, a été assigné par la société “La Guildive”, qui distribue notamment des sardines et du jambon ibérique , pour contrefaçon. Il semblerait selon le jugement prononcé que le mot “Guildive” ne soit pas associé à l’univers du rhum.

Afin d’apporter notre soutien à Sylvie Perrin, créatrice de “L’univers de la Guildive”, Matthieu Lange vous apporte quelques éléments historiques sur l’utilisation du mot “guildive”.

Quel est l’origine du mot « Guildive » et que désigne-t-il ?

« Guildive » est un mot qui apparaît au XVIIème siècle pour désigner l’eau-de-vie de canne à sucre. A cet égard, il s’agit d’un synonyme du mot Tafia (comportant deux « f » à l’époque), les deux appellations ayant cours dans l’espace français de l’époque. On pense qu’il s’agit d’un dérivé de l’appellation anglaise du rhum qui fut « Kill-devil », c’est-à-dire « Tue-diable ». Il y eut un pendant français de cette appellation qui fut « Brusle-ventre » mais elle n’a pas perduré. Le mot « Guildive », lui, s’est imposé assez rapidement finalement.

Y-a-t-il eu des dérivés du mot Guildive ?

Oui, on a pu relever deux dérivés ou extension, à savoir « Guildiverie » signifiant la fabrique d’eau-de-vie de canne, donc la distillerie, mais aussi dans les mémoires d’un flibustier nommé Oexmelin, on trouve le mot « Guilledine » pour désigner le rhum de l’époque.

Sait-on comment le mot « Guildive » s’est diffusé ?

C’est difficile à dire, cependant on constate que le mot « Guildive » fut utilisé à la fois dans le langage courant puisque des voyageurs l’utilisaient, mais aussi dans les textes officiels et réglementaires, le plus tristement célèbre étant le « Code noir » de 1685. Dans tout l’espace français où l’on produisait du rhum, à savoir en Martinique, Guyanne, Guadeloupe, Réunion et à l’époque Saint-Domingue (aujourd’hui Haiti) et l’Isle de France (aujourd’hui Ile Maurice), ce mot était utilisé.
Par ailleurs, on remarque que les mots « Guildive » et « Guildiveries » ont été utilisés jusqu’à la fin du XIXème siècle, soit en tout durant 225 – 250 ans.
(Voir en annexe notre compilation non exhaustive de sources allant de 1685 à 1889, relatives aux mots « Guildive », et « Guildiverie »)

Ce mot est-il encore usité aujourd’hui ?

Dans le langage courant aujourd’hui, ce serait abusif de le formuler ainsi. Mais nous constatons objectivement plusieurs choses :
La première est que le mot « Guildive » tel que définit sur le site du Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales ou sur celui du Littré, correspond bien à un produit distillé issu de la canne à sucre.
La seconde, nous le redisons, est que le mot « Guildive » appartient historiquement à l’univers du rhum. C’est indéniable.
La troisième constatation se fait dans l’univers du commerce. Tout comme il existe dans le monde anglo-saxon des marques reprenant des mots anciens désignant le rhum, comme par exemple « Rumbullion » qui donna le mot « Rum » ou « Kill-Devil », il existe aussi dans l’espace français des producteurs utilisant le mot « Guildive » pour le rhum, comme par exemple la « Guildive 1800 » produite par Guillaume Ferroni. Donc certains mots anciens sont remis au goût du jour.
Et enfin, si nous élargissons notre géographie, rappelons simplement que le mot « Guildive » est toujours en usage à Haïti, pour désigner une distillerie de clairin (rhum haïtien)


Annexe :
« Guildive » et « Guildiverie »
Compilation non exhaustive de sources
de 1685 à 1889


Le Code noir, mars 1685

Jean Baptiste Labat, Mémoire des Nouveaux voyages faits aux isles françoises de l’amérique, troisième partie, 1722

Mr. H. DL, Considérations sur l’Etat présent de la Colonie de Saint-Domingue, 1776

 

Mémoire du Roi pour servir d’Instruction aux Gouverneurs et Intendans des iles du vent, relativement à l’exportation des Sirops et Tafias et à l’établissement de Guildiveries, du 31 mars 1776 (Code de la Martinique Tome 3)

Mémoire sur la fabrication des eaux-de-vie de sucre et particulièrement sur celle de la Guildive et du Tafia, avec une appendice sur le vin de cannes et des observations sur la fabrication du sucre, 1781, Isle de France (Ile Maurice)

Mémoire sur les avantages que les habitans des Colonies Françoises trouveront à faire du Rum, au lieu de Taffia, sur l’art de composer les grappes et de distillerie cette liqueur, 1786

J. Milbert, Voyage pittoresque à l’Ile de France (Ile Maurice), au cap de Bonne-espérance et à l’Ile de Ténériffe, Tome 2, 1812

Auguste Brillard, Voyage aux colonies orientales, 1822

Débat du Conseil colonial de Martinique, 1836

Notice statistique sur la Guyane Française, 1843

Compte rendu des séances du Conseil Général de la Martinique, 1871

Ed. du Buisson, L’île de la Réunion en 1889, son industrie agricole, 1889

 

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