Pour les 10 ans de votre magazine favori 20 personnalités décryptent les 10 dernières années, et donnent des pistes de réflexion pour les 10 prochaines…
Comment le marché du rhum a-t-il évolué au cours des dix dernières années ?
C’est difficile de répondre simplement à une question aussi vaste, mais je vais essayer ! Ce qui m’a frappé ces deux dernières années, c’est une triple montée en gamme : de la part des distilleries, de la part des cavistes, et de la part des consommateurs.
Difficile de dire qui a enclenché le mouvement, c’est un peu l’histoire de l’œuf et de la poule. Il y a 10 ans chez les cavistes, on croisait le plus souvent quelques références de rhums, mais guère plus. Et puis ils ont commencé à s’y intéresser vraiment, alors qu’au même moment naissaient les premiers salons consacrés au rhum (Rhum Fest) et aussi le premier magazine traitant de sa culture (Rumporter).
Cette montée en connaissance, cette appétence des cavistes a été corrélée par le souci de qualité constant des distilleries, notamment françaises. Et cela leur a permis de se lancer dans des expérimentations de plus en plus poussées et intéressantes.
Chez HSE par exemple, on peut citer le travail sur les parcellaires, les différentes chauffes ou encore les finish. Sans les cavistes pour expliquer ces nouveautés aux clients, cela aurait été compliqué pour nous.
Et donc les clients sont devenus de plus en plus connaisseurs et demandeurs de nouveautés pointues. Ce processus a connu un point d’orgue durant le covid, où les cavistes ont fait de très belles ventes, car les gens qui ne pouvaient plus aller au restaurant avaient quand même envie de se faire plaisir en achetant de bons produits. C’est très français !
Comment va-t-il évoluer ces 10 prochaines années ?
Cette période d’euphorie est terminée. On est dans une période un peu plus difficile, du fait d’évènements que nous ne maîtrisons pas (crise économique, crises internationales…), qui grèvent le pouvoir d’achat des Français. Du coup, ils font des choix, on voit que le panier moyen tend à être moins garni…
Mais ils continuent de faire confiance aux rhums premiums, notamment en provenance des distilleries françaises, qui ont réalisé un beau travail autour de la réglementation du rhum et de leurs process de production depuis des années. Donc je pense que même si cette tendance morose économiquement perdure, on va s’en sortir.
Du moment qu’on reste forts sur nos fondamentaux et qu’on garde notre identité. Autre tendance que je vois se développer : le besoin d’expériences. Les consommateurs ont besoin qu’on leur explique l’histoire du produit, de savoir d’où il vient de la comprendre. Avec pour corollaire le succès du spiritourisme et des salons.
Avez-vous une actualité dont vous souhaitez nous faire part ?
Nous en avons même six en cette fin d’année, mais je vais en citer trois! Nous les avons concoctés avec Lionel Lampin, le maître de chai et Aurélie Bouton la responsable qualité. Avec le rhum vieux parcellaire 2016, HSE poursuit avec cette 3e cuvée, l’exploration des qualités exceptionnelles de son rhum blanc parcellaire récolte 2016 « Canne d’Or ». Un passage de plus de 3 ans en fûts de chêne blanc américain sélectionnés, mais avec des chauffes plus légères que d’habitude, confèrent à ce rhum élégance, finesse et complexité. Je parlais d’expériences tout à l’heure. Si vous en avez l’occasion, goûtez côte à côte le parcellaire 2016 blanc, l’ESB et le vieux. On sent vraiment l’effet parcelle !
Vient ensuite « The Beauty & The Beast » qui a été vieilli plus de 5 ans dans la plus pure tradition des rhums HSE et bénéficie d’une finition de près de 6 mois dans 2 fûts exclusifs de whisky écossais Kilchoman. En collaboration avec leur maître de chais, un fût de Sanaig (200 litres) et un fût de Loch Gorm (550 litres) références iconiques de leur Single Malt Whisky Sherry finish, ont été sélectionnés pour ce finish. Cette double maturation apporte au jus une complexité exceptionnelle.
Vient enfin l’HSE Extra vieux « Brume cuivrée », qui explore encore plus loin l’univers de la tonnellerie française et l’incidence du fût sur les qualités organoleptiques du rhum. Ce millésime 2013 a été vieilli en fût de chêne français à la chauffe exclusive «Brume Cuivrée» et c’est un brut de fût. Et je ne résiste pas à vous dire que nous avons aussi réalisé trois cuvées avec V&B !
Que représente Rumporter pour vous ?
Rumporter a grandi en même temps que la filière se prémiumisait, et que les consommateurs devenaient des amateurs éclairés. J’attends toujours avec impatience que sortent les nouveaux numéros, c’est un peu comme les Pif Gadget de quand j’étais petit. On est toujours surpris, il y a des angles intéressants et de vrais connaisseurs aux manettes.