Cédrick Isham Calvados est un photographe guadeloupéen autodidacte de 39 ans. Ancien rappeur, il joue des mots autant que des images. Cédrick fait partie de cette nouvelle génération d’artistes et auteurs outre mers qui valorisent leurs territoires et leurs traditions et dont la quête identitaire semble indispensable pour mieux se tourner vers l’avenir hors des clichés « doudouistes » (cocotiers et sable blanc). Avec un regard introspectif, lumineux et moderne, Cedrick nous plonge ici, en images et texte, au cœur d’un Pitts, arène où se déroulent des combats de coqs, selon la tradition antillaise afin de régler des conflits communautaires.
« J’ai eu la chance de pénétrer une de ces arènes en Guadeloupe. En arrivant, le calme est trompeur et rien ne laisse présager de la suite. Les habitués arrivent les uns après les autres et se saluent chaleureusement. Certains s’évitent. Quelques contentieux dans l’air. Un signal est donné et un mouvement homogène s’opère vers l’intérieur de la petite maison en bois. Je les suis. Je suis excité mais je ne laisse rien transparaître. Je n’ai jamais assisté à ces combats mais je peux sentir cette nouvelle adrénaline s’emparer de moi. L’odeur de la violence est dans l’air, suave autant qu’épicé. Elle se pose lentement dans l’enceinte et semble oindre les présents les uns après les autres. Qui sont-ils d’ailleurs? Des hommes, des maris, des pères, des travailleurs? Sûrement un peu de tout cela. Qu’importe; ils sont là et forment un mêlasse prête à se laisser glisser dans le courant de leurs passions.
Les gladiateurs sont présentés, analysés et scrutés de toutes parts. Les premiers désaccords commencent à poindre et la tension croît. Ces bêtes sont debout là, dressés fièrement sur leurs pattes et défient du regard la cohorte autour. Ils semblent n’avoir cure de toute cette agitation autour d’eux. À cet instant, je me demande si elles sont conscientes de ce pourquoi elles sont là? Quels stimulus sont mis en action afin de les préparer à la suite? Peut-être sont-elles déjà concentrées pour se battre? Mes questions sont naïves mais je suis presque impressionné par ces coqs. Ce sont des combattants d’un autre genre. Ils sont entraînés à tuer et faire mal tant que leurs forces les tiennent debout.
Dans ces combats, rien n’est joué d’avance et c’est bien là le charme de ces luttes électriques. Au-delà de la violence de ces combattants d’un autre genre, ces pratiques nous questionnent également sur notre propre violence. L’animal serait-il, en quelque sorte, le reflet des passions qui animent l’être de son maître?
Immersion dans une arène où les hommes se font plus entendre que les coups que se portent ces volatiles et où la véritable tension n’est pas tant dans le spectacle offert par ces petits gladiateurs mais dans la mesure des égos poussés dans une forme d’animalité… »
Cedrick Isham Calvados
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RUMPORTER
Édition Novembre 2019
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