Catherine Conconne, Sénatrice de Martinique : “Il faut sanctuariser la filière rhum” !

Catherine Conconne revient sur l’augmentation taxation des rhums dans les DOM décidée fin 2018. Selon la sénatrice de la Martinique, le rhum n’est pas responsable de l’alcoolisme en Martinique et cette mesure risque de mettre en danger une des seules filières à forte valeur ajoutée de l’île.

Catherine Conconne, Sénatrice de Martinique

Rumporter : Le gouvernement a mis en avant le problème de l’alcoolisme pour justifier l’augmentation de la fiscalité sur le rhum dans les DOM. Y a-t-il de l’alcoolisme en Martinique ?

Catherine Conconne : Il y a de l’alcoolisme partout où il y a de l’alcool. L’un ne va pas sans l’autre. Mais il n’y en a pas plus chez nous qu’ailleurs.

Rumporter : Le rhum est-il responsable de l’alcoolisme en Martinique ?

CC : Je ne pense pas, car le rhum n’est pas la boisson la plus consommée en Martinique ! Aujourd’hui 1,4 millions de bouteilles de champagne sont vendues chaque année. Ensuite vient la bière importée, notamment la Despérados très consommée par les jeunes. Autre tendance, née en Amérique du Nord : la consommation de cognac.

Ce spiritueux est très apprécié par les Afro-américains aux USA, il est très présent dans les clips et les chansons des rappeurs. Jay-z possède même une marque de cognac (NLRD : D’ussé). Par mimétisme, les jeunes de Martinique achètent eux aussi du cognac. Quant au rhum, qui a un côté patrimonial, il est d’avantage consommé par une population plus âgée. Il y a des gens qui se saoulent au rhum bien sûr, mais ce n‘est pas la première cause d’alcoolisme. Ce serait plutôt la bière.

Rumporter : Pourquoi le gouvernement a-t-il invoqué l’alcoolisme alors ?

CC : Le gouvernement est à la recherche de subsides partout où il peut en trouver. C’est vrai que jusqu’à présent le rhum n’était pas taxé comme les autres spiritueux dans les DOM, mais en l’espèce ses arguments ne tenaient pas la route.

Le gouvernement s’est caché derrière l’alcoolisme pour faire rentrer de l’argent dans les caisses de l’Etat. Ils ont dû se dire qu’il serait plus facile de s’attaquer au rhum, qu’au vin…

Rumporter : Le rhum des DOM devrait bénéficier de la même protection que le vin ?

CC : La France considère que le vin est une production patrimoniale et culturelle qu’il faut absolument protéger, c’est pour cela que la fiscalité le concernant est très faible. J’ai demandé que ces notions de patrimoine et de culture s’appliquent aussi au rhum des DOM, en particulier en Martinique seul rhum AOC.

Le vin est de plus protégé par un lobby très puissant. Pourtant c’est un produit bon marché, on peut très bien payer une bouteille moins de 3 euros si on n’est pas regardant sur la qualité. Il y a de l’alcoolisme dû au vin.

Rumporter : En réalité, quelle est la consommation de rhum en Martinique ?

CC : 80% du rhum produit en Martinique part à l’export, dans plus de 100 pays. Environ 10 à 12% des bouteilles sont achetées sur place et ramenées par les touristes dans leurs valises. C’est d’ailleurs ce marché-là qui risque d’être impacté par la mesure de taxation. Et au final, seule 8 à 10% de la production de rhum martiniquais est consommée sur place.

Rumporter : Quelle est l’importance du rhum dans l’économie martiniquaise ?

CC : Avec le rhum, nous avons en Martinique et dans les autres DOM, une filière à forte valeur ajoutée, laissons la vivre ! Elle génère de plus plusieurs milliers d’emplois, que ce soit ans l’agriculture, la recherche développement, les transports… Sans oublier le tourisme.

Rumporter : Le tourisme aussi serait menacé ?

CC : Tous les touristes qui arrivent en Martinique ou presque, vont visiter au moins une distillerie de rhum. Les producteurs de rhum ont fait de gros efforts pour accueillir les touristes : réfection des bâtiments, mise en place de circuits, de guides, de boutiques… Aujourd’hui, les distilleries sont les lieux touristiques les plus visités en Martinique. Et les touristes achètent des bouteilles ! Ce sont les 12% dont nous parlions tout à l’heure. Or les touristes vont sans doute en acheter une ou deux de moins si leur prix augmente de 2 ou 3 euros à cause de la taxation.

Rumporter : Le mot de la fin ?

CC : Nous avons une filière de qualité, qui exporte. Cette hausse de taxation est un mauvais signal, car nous n’a pas d’or, pas de pétrole, mais de nombreux savoir-faire à haut potentiel. Nous aurions dû sanctuariser la filière rhum, la protéger. Surtout que les producteurs ont fait de gros efforts, les vinasses sont gérées, il n’y a plus d’herbicides… Je ferai tout pour revenir sur cette mesure.

 

 

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