A L’OCCASION DES 20 ANS DE L’AOC MARTINIQUE, CONTACT ENTREPRISES ET LE CODERUM ORGANISENT LES ATELIERS DU RHUM ET DE LA CANNE QUI SE TIENDRONT LES JEUDI 17 ET VENDREDI 18 NOVEMBRE DANS LE CADRE, SYMPATHIQUE ET BIEN CONNU DES AMATEURS DE RHUM, DU CHÂTEAU LA FAVORITE. LES ATELIERS DU RHUM NOUS ONT COMMUNIQUÉ QUELQUES CHIFFRES SUR LA FILIÈRE CANNE/RHUM. ON ENCHAINE AVEC LES CHIFFRES DU RHUM.
Nous n’avons pas eu de précision sur la nature de cette statistique fournie par les Ateliers du Rhum mais compte tenu d’autres sources (notamment ce rapport du sénat en 2013), on peut supposer que l’unité de mesure retenue est le litre à 50% alc. vol. Ce même rapport (et il y a peu de raison de penser que les proportions aient changé dramatiquement) indique un pourcentage de plus de 83% de rhum agricole dans la production martiniquaise.
Ceci, mis en rapport avec les 45% de rhum agricole de la production totale de la Guadeloupe et les 5% de la Réunion qui sont restées des îles à sucre, nous donne à penser que la Martinique s’approche de sa pleine capacité de production de rhum agricole.
En effet, prenons la mesure des chiffres. Schématiquement on considère qu’on peut produire 100 litres de rhum agricole à 50% avec 1 tonne de canne. En prenant (toujours schématiquement) comme moyenne un rendement de 45 tonne à l’hectare (source ici), on arrive à un potentiel de production total de rhum agricole pour 4 000 hectares (voir notre premier article ici) plantés en canne de Martinique de : 45 x 4000 x 100 = 18 millions de litres à 50%. Pour l’instant, La Martinique en produisant 13,5 millions de litre (83% de 16 millions si vous avez suivi), ce potentiel est donc assez proche d’être atteint. Même si on fait varier ces chiffres avec de vraies données ou qu’on les corrige avec notamment les bons rendements des deux dernières campagnes sucrières, le constat est simple : il va manquer de la canne.
Avec les chiffres de croissance des ventes observés ces dernières années principalement sur les rhums agricoles sans parler de la course à l’armement en fûts qui s’opère (voir la décision de Clément d’arrêter d’expoter du rhum blanc d’ici quelques années), on ne voit pas d’autre issue (mais peut être se trompe-t-on,) pour accompagner cette croissance que de : soit arrêter les rhums de mélasse (à faible valeur ajoutée) et donc arrêter de faire du sucre, soit augmenter les surfaces plantées en canne.
Or, ces deux questions sont très sensibles en Martinique.
Lors d’un précédent voyage, on nous a par exemple fait comprendre qu’évoquer la fermeture de l’usine du Galion, au delà de sa dimension patrimoniale, était un tabou dangereux à manipuler. L’usine cogérée par les collectivités territoriales (majoritaires) et la COFEPP (holding de La Martiniquaise) est certes un gouffre financier mais également un symbole, pourvoyeur d’emplois très syndiqués, d’électricité depuis 2007 et de subventions agricoles.
Pour ce qui est de la question de la superficie agraire, n’oublions pas que l’agriculture martiniquaise perd du terrain chaque année du fait de le pression urbaine et suburbaine. Bien aidée par les politiques de défiscalisation, la spéculation sur les terres (un terrain constructible vaut entre 100 et 400 fois plus qu’une terre agricole, source ici), sans parler des constructions sauvages en terres agricoles, a encore de beaux jours devant elle. On en vient alors, naïvement, à évoquer le remplacement de bananeraies, certes en profonde reconversion depuis le scandale de la chlordécone mais toujours plus polluantes, par des champs de canne. Là encore, on est face à de nombreux écueils car la banane, moins automatisable (même si tout ceci dépend des terrains) est une grosse pourvoyeuse d’emplois et, bien sûr, de subventions.
Nous sommes très curieux de voir comment seront abordées ces questions aux ateliers du rhum, mais restons à notre place, car tout ceci n’est qu’un survol non érudit d’une question très complexe où gros sous, politique, aménagement territorial et question sociale sont en jeu.
Car, sans être naïfs, ce qui nous intéressera plus précisément, c’est la statistique suivante.
Dans ce contexte, finalement très positif du point de vue du rhum, c’est la très bonne nouvelle : le rhum agricole suscite un intérêt croissant dans un nombre de pays grandissant.
Comme en témoigne l’intérêt suscité par L’Agricole Tour de nos amis Jerry Gitany et Benoit Bail, comme en témoignent les succès de J.M, Clément, Depaz et Damoiseau aux Etats-Unis, de Longueteau au Canada, ou celui du Black Sheriff pendant la Old Fashioned Week, comme en témoigne le travail phénoménal effectué en peu de temps par Trois Rivières, Clément et Saint James auprès de la communauté du bar : le rhum agricole (principalement le vieux) est sortie de son image désuète. Il est désormais dans tous les meilleurs bars de New York ou de Londres et sur toutes les lèvres (on devrait parler des doigts en l’occurrence) de la communauté virtuelle et mondialisée des amateurs éclairés (blogueurs, amateurs suractifs, etc.).
Nous en sommes ravis car nous le répétons depuis des années à nos amis rhumiers martiniquais : avec des décennies voire des siècles d’histoire, de savoir-faire, et de précieux stocks, ils détiennent un trésor inimitable.
A l’heure où les débats sur la définition du rhum font rage, ils peuvent se réjouir de fêter les 20 ans de ce qui reste à ce jour la seule vraie AOC dans le monde du rhum.
Lire aussi le chapitre 1 : les chiffres de la canne à sucre en Martinique