Avec le lancement de sa gamme Iconica et les nombreuses innovations prévues sur les segments des rhums premiums et ultrapremiums, Havana Club revient en force et est en train de se faire une place dans le cœur des rum geeks. Voyons ensemble comment ce repositionnement s’est opéré, et comment sont vraiment produits ces rhums… iconiques !
La marque Havana Club possède un riche héritage qui remonte à 1934, date de sa fondation par José Arechabala à Cárdenas, à Cuba. Dès son origine, la distillerie a été créée pour produire un rhum qui incarne la culture cubaine.
C’est-à-dire le « rhum léger » ou « ron ligero Cubano », qui est devenu la norme dans l’ancienne colonie espagnole en suivant la vision de Facundo Bacardí à partir de 1862. Havana Club se fait rapidement fait connaître pour sa qualité exceptionnelle et son lien profond avec le mode de vie cubain. À Cuba, Havana Club continue d’être produite et commercialisée.
À cette époque, on ne trouve pas ou presque de bouteilles dans le « monde libre », mais la marque est vendue dans le bloc soviétique. Il faudra attendre les années 1990 pour que Havana Club devienne véritablement une marque mondiale et finisse par intégrer le top 10 des marques de rhum les plus vendues.
Le convenio
Tout a commencé en 1993, lorsque le groupe Pernod-Ricard a voulu accélérer son ouverture à d’autres marchés internationaux. L’idée était de développer la distribution internationale d’un rhum léger cubain de grande qualité et de renommée mondiale en bénéficiant de l’expertise de l’un des leaders mondiaux du secteur des spiritueux.
Le groupe Pernod-Ricard cherchait des marques dotées d’un véritable patrimoine, d’une authenticité et d’une personnalité unique pour enrichir son portefeuille et Havana Club répondait clairement à tous ces critères.
De son côté, le gouvernement cubain, qui a perdu une bonne partie de ses clients du bloc soviétique suite à la chute du mur de Berlin en 1989, cherchait de nouvelles opportunités commerciales et à valoriser le savoir-faire cubain en matière de production de rhum.
Et il est prêt pour cela à innover totalement! C’est ainsi qu’a eu lieu il y a 31 ans, la signature du « Convenio » qui a marqué la création de l’entreprise mixte Havana Club International S.A (la 1re entreprise mixte de l’industrie agroalimentaire cubaine), le début d’une grande aventure et d’un tournant dans l’histoire du rhum cubain.
La vision commune du groupe Pernod-Ricard (dirigé à l’époque par Patrick Ricard, fils du fondateur) et de la société cubaine Cuba Ron S.A – véritablement pionnière à l’époque – à l’origine de ce pari auda- cieux, était d’apporter le rhum cubain au monde.
Les premières années et le succès planétaire
Les témoignages de l’époque montrent que ce moment a été perçu comme véritablement historique pour tous les Cubains, Havana Club faisant partie intégrante de la culture, du style de vie et du patrimoine cubains.
Au moment de la signature du Convenio, tout était nouveau pour Havana Club International S.A et ses collaborateurs (à l’exception du rhum) : nouvelle société, nouvelle « petite » équipe de 6 personnes dans de petits bureaux (équipés sommairement), nouvelle identité visuelle, nouveau modèle commercial pour l’expansion internationale des rhums Havana Club, etc.
De plus, du fait de l’embargo (depuis 1962) décrété par les États-Unis, la marque franco-cubaine ne peut pas se développer sur l’immense et très riche marché américain! Il y avait donc bien sûr beaucoup de défis, techniques/technologiques notamment (pas d’ordina- teurs et utilisation de machines à écrire, téléphones ne fonctionnant pas toujours et utilisation de talkies-walkies), mais surtout beaucoup d’excitation.
Malgré ces défis, 400 000 caisses de Havana Club ont été vendues la première année (1994), ce qui était une réussite incroyable, mais cela ne s’est pas arrêté là : l’équipe s’est agrandie et l’entreprise s’est développée à un rythme impressionnant, atteignant 1 million de caisses vendues en 1998.
Entre-temps, la famille Arechabala qui n’avait jamais vraiment réussi à développer la marque Havana ClubTM aux USA, l’a vendue à Bacardí, qui a commencé à exploiter ce rhum qui n’a plus de cubain que le nom puisqu’il n’est ni produit ni vendu sur l’île. Avec un succès moindre.
Le Havana Club 7 Años est la matrice de tous les rhums ultra premiums de la marque
Gracias mojito y 7 años !
Le succès de Havana Club International est donc fulgurant, notamment grâce à la montée en puissance du mojito, dont Havana Club Original Añejo 3 Años parvient à devenir la base alcoolique de référence.
C’est en effet d’abord en cocktail ou en long drink que les rhums Havana Club se boivent un peu par- tout sur la planète, que ce soient l’Original (3 ans de vieillissement, passé filtration au charbon de bois pour lui faire perdre sa couleur ambrée), l’Especial, le Cuban Spiced ou même le 7 Años.
Ce dernier est le rhum le plus versatile de la gamme, car il peut se boire à la fois en cocktail, en long drink, sur glace ou encore neat. Il est également le rhum le plus important de toute la gamme, car comme l’explique un peu plus loin le maestro ronero Asbel Morales, il sert de matrice à toutes les cuvées plus âgées selon un système de vieillissement très particulier.
San José de las Lajas
Les rhums Havana Club sont produits dans deux distilleries à travers le pays (Santa Cruz et San José), mais celle que nous avons pu visiter est la plus moderne des deux, et celle qui produit les rhums qui intéresseront le plus les lecteurs de Rumporter. En 2007, Pernod- Ricard et Cuba Ron construisent une distillerie moderne à San José de las Lajas, à 47 kilomètres au sud- est de La Havane.
C’est là que sont produites les cuvées les plus haut de gamme de la marque, notamment celles qui contiennent le plus d’aguardiente (rhum aromatique distillé à 74-76 %) à l’aide de deux colonnes à distiller.
La plupart des rhums Havana Club contiennent à la fois de l’aguardiente et du rhum neutre (distillé à 95 %), dans la tradition du rhum léger cubain. On y trouve également des ins- tallations dédiées à la fermentation (les cuves sont à l’air libre), à la filtration sur charbon de bois, des chais de vieillissement, une chaîne d’embouteillage, ou encore d’un espace dédié à la dégustation pour les visiteurs. Même si la distillerie n’est pas ouverte au public, et est même gardée par l’armée.
Une montée en gamme impressionnante
Tout se passe un peu comme si pendant des années, la planète rhum était passée à côté de ces rhums à la fois doux, complexes et aromatiques, et qu’elle ne commençait qu’aujourd’hui à les redécouvrir.
Cela découle sans doute d’un changement de stratégie du groupe Pernod-Ricard et de son partenaire cubain, qui souhaitent désormais démontrer au monde entier qu’il existe à Cuba de très grands rhums de dégustation.
Ainsi, la gamme de prestige, la collection Havana Club Icónica, vient-elle d’être relancée. Elle est composée de Seleccion de Maestros, dont le liquide unique est créé et approuvé collectivement par les maestros d’Havana Club, du Gran Reserva Anejo 15 Anos, résultat d’un processus de vieillissement très long – la goutte de liquide la plus jeune ayant été vieillie pendant quinze ans, et de Maximo Extra Anejo, expression suprême du rhum cubain dont un maximum de 1000 carafes sont produites chaque année.
Pernod-Ricard a l’ambition d’établir Icónica comme la référence mondiale des rhums de prestige, tout en restant fidèle à son ADN cubain. Havana Club démontre également à tra- vers des rhums comme Tributo qu’il est capable de produire des rhums de mélasse millésimés, différents chaque année, à des degrés plus élevés que l’habituel 40 %, et à chaque fois très intéressants.
Mais surtout les maestros roneros, conscients qu’ils peuvent rivaliser avec les meilleurs maîtres de chais mondiaux, qu’ils règnent sur un stock de rhum innombrable, et d’une qualité irréprochable, n’hésitent plus à bousculer les codes, en sortant des rhums à degré élevé, dotés d’une proportion d’aguardiente supérieure, élevés dans des fûts uniques (single casks), dans des ex-fûts de whisky… Bref nous sommes sans doute en train d’assister à la renaissance d’un géant sur le segment des rhums « hispaniques » premiums.