Vim Pema : le gin endémique de Sao Tomé

C’est sur une petite île située au large du Gabon que Bastien Loloum distille ce gin réalisé à 99 % avec des ingrédients locaux tirés de sa plantation, et du sodabi (spiritueux de vin de palme).

Vim Pema Gin

Cette fois-ci, la rubrique gins tropicaux nous emmène sur une île perdue au milieu de l’océan Atlantique, à 300 km au large du Gabon sur la ligne de l’équateur : Sao Tomé. C’est là qu’un Français originaire de Charente a élu domicile en 2004.

«Je suis arrivé pour travailler sur des projets de protection de l’environnement, d’écotourisme, de développement, de conservation… et puis j’ai rencontré mon épouse qui est santoméenne, raconte Bastien Loloum. Ensemble, nous avons créé une petite entreprise de produits locaux : des confitures, des épices, et des liqueurs à base de rhum local.» Son tropisme charentais le pousse en effet à réaliser des liqueurs avec ce qui lui passe sous la main : fruits, aromates, épices… notamment de la vanille dont la production (pour le marché local et l’export) devient son activité principale. Très vite, l’envie de distiller lui-même le taraude.

Un gin de vin de palme

Cela tombe bien puisque Bastien Loloum a gardé de solides amitiés de ses années charentaises, certains de ses comparses étant devenus distillateurs. L’un d’entre eux, Miko Abouaf (Audemus Spirits), lui offre même un petit alambic de 10 litres. «J’ai commencé à m’amuser avec lui, mais ce n’est vraiment que quand Miko est venu visiter nos plantations de vanille et qu’il m’a montré tout ce qu’on pouvait faire avec un alambic, que je me suis lancé», se rappelle-t-il.

Vim Pema

Entre-temps, le covid 19 s’abat sur le monde et comme la plupart des gens, Bastien se retrouve confiné… mais dans sa plantation certifiée bio où il cultive toute une variété de fruits, épices et autres aromates. Il passe donc ses confinements à distiller, notamment en utilisant du vin de palme comme base alcoolique.

« À Sao Tomé, on récolte la sève du palmier natif, qui fermente rapidement grâce aux levures naturellement présentes, pour atteindre 6 à 7 % au bout de 24 heures (si on attend trop, ça tourne, c’est un produit éphémère). Ici, le vin de palme est plus populaire que la bière. On appelle “vinhanteiros” (vignerons en portugais) les exploitants de vin de palme. Sachant qu’un palmier peut produire jusqu’à 3 litres par jour», raconte Bastien.

Le spiritueux tiré de la distillation de vin de palme sort à 70, 80 % selon les batchs, et c’est un peu l’équivalent d’un sodabi, un produit très populaire en Afrique centrale, et plus particulièrement au Bénin. Au départ, Bastien Loloum disposait d’un alambic de 30 litres, puis en 2021 a investi dans un alambic de 150 litres et une colonne de reflux de 100 litres. Leur utilisation lui permettant d’obtenir un alcool relativement neutre ; adéquat pour réaliser ses gins.

Un spiritueux endémique

« Pour mon gin, tous les ingrédients proviennent d’un rayon de 100 mètres auprès de la distillerie, sauf le genièvre que j’importe : gingembre, poivre sauvage, poivre rose, pitanga (cerisier du Brésil), coriandre, citronnelle, ylang ylang. Je veux quelque chose de floral, herbacé, pas trop épicé, sur un fond de sodabi très léger (un peu sur les agrumes). Je fais un gin endémique en quelque sorte», explique le charentais d’origine.

La moitié des ingrédients sont macérés quelques jours, et l’autre moitié est infusée à la vapeur panier au-dessus de l’alambic. Les différents extraits sont assemblés, ensuite une réduction entre 40 et 44% est opérée. Au moment où nous l’avons joint, le charentais en était au 15e batch de 300 bouteilles de son « Vim Pema Gin ».

Sa production, qui comprend aussi diverses liqueurs (vanille, cacao, citronnelle, jacque, pitanga…) étant exclusive- ment vendue localement pour les bars et restaurants de la capitale, et à la boutique de la plantation. Il vous faudra donc aller à Sao Tomé-et-Principe pour les déguster, à moins qu’il ne trouve un jour un distributeur pour la France.

Quid du rhum, ou plutôt de la cacharamba ?

Reste une dernière question à éclaircir, pourquoi celui qui est aussi signataire du manifeste des gnoles naturelles, n’a-t-il pas opté pour le rhum alors qu’il se trouve sur l’équateur? «Il y a bien une tradition de rhum, car Sao Tomé-et-Principe est une ancienne colonie portugaise (indépendante depuis 1975), qui a accueilli beaucoup de Capverdiens arrivés avec leur tradition du grogue, explique-t-il. C’est ainsi qu’on produit une sorte de grogue qu’on nomme la cacharamba au nord de l’île là où pousse la canne à sucre, or moi je suis au sud, là où le climat n’est pas propice à son développement. »