Basés dans le Gers, Laurent Sicard et Joffrey Tristan proposent des rhums, mais aussi des armagnacs arrangés détonnants. Bonus, ils sont le plus locaux, écolos et bios possible !
Pouvez-vous vous présenter ?
Laurent Sicard : Originaire des Hautes-Pyrénées et Joffrey du Gers, nous nous sommes connus sur les bancs de la faculté de biologie Paul Sabatier de Toulouse en 2005 et depuis nous sommes devenus amis.
Je me suis orienté vers la recherche médicale suivi d’un passage par la Toulouse Business School tandis que Joffrey est devenu consultant à son compte après une licence pro en sécurité sanitaire des aliments.
Comment avez-vous fait vos premiers pas dans l’univers des spiritueux ?
Joffrey Tristan : En 2014, nous avons décidé de tout quitter pour voyager à deux toute une année à travers plusieurs pays d’Asie et du Pacifique. A Hong Kong puis en Australie, nous avons découvert une façon originale de consommer les spiritueux et les cocktails : les Jello Shots. Peu après notre retour en 2016, nous avons décidé de lancer notre propre marque : Les Glooters.
Des jello shots ?
JT : Ce sont des cocktails gélifiés et encapsulés qu’on démoule et qu’on gobe. C’est assez ludique et festif. Nous avons donc découvert à ce moment-là l’entrepreneuriat dans le milieu du spiritueux en fabricant et en commercialisant ces shooters, ça a été très formateur pour nous.
La suite, ce sont les Arrangeurs Français donc ?
LS : Oui, nous avons rapidement décidé de développer des produits plus proches des valeurs que nous affectionnons particulièrement depuis qu’on se connaît : les “arrangés”. Nous voulions travailler le plus possible des matières premières locales, ou du moins françaises, respectueuses de l’environnement (étiquettes recyclées, pas de plastique…), bios et sans additifs.
JT : Etant originaire d’Occitanie, du Gers pour ma part, et ayant créé notre atelier dans ce beau département, nous avons eu l’idée de créer une gamme d’armagnacs arrangés. L’objectif était de bousculer le monde des arrangés et de moderniser la consommation de l’Armagnac qui restait un eau de vie traditionnelle régionale consommée par un public de connaisseurs.
Nous avons également créé une gamme de rhums arrangés pour avoir une offre plus complète. Pour trouver nos premières recettes, nous avons réalisé une centaine de tests avec des dosages différents. Nous avons sélectionné 6 références que nous avons fait déguster à des cavistes qui étaient à la recherche de nouveautés et produits locaux.
Ils ont de suite validé notre projet et nous nous sommes mis au travail pour commercialiser nos premières bouteilles en avril 2020. Aujourd’hui, nous avons 12 recettes et nous en avons vendu plus de 50 000 !
Comment faites-vous pour vous approvisionner en rhum et en Armagnac bio ?
LS : C’est difficile car 100% de nos ingrédients (alcools compris) sont d’origine biologique et nous privilégions les produits français et le plus local possible. Et dans les DOM français, il n’y a pas ou très peu de rhum bio car les terres sont saturées en traitement chimique et la création de nouvelles parcelles de culture est difficile par manque de place.
Le peu de bouteilles bio produites, sont vendues par les distilleries elles-mêmes. On s’est donc tournés vers un importateur qui avait sourcé du rhum de mélasse blanc bio d’Amérique du sud, du Paraguay pour être plus précis, un rhum doux très agréable.
En ce qui concerne l’Armagnac, seule une petite poignée de producteurs font du bio. Nous avons contacté l’interprofession puis nous avons sympathisé avec l’un d’entre eux, monsieur Frédéric Blondeau, producteur d’Armagnac depuis plusieurs générations avec qui nous collaborons.
Et les fruits et les épices qui entrent dans la composition des produits ?
JT : Là aussi nous utilisons des produits de saison, frais et locaux si possible. Par exemple, la framboise bio vient d’un petit producteur près d’Agen. Elle est récoltée la veille de l’embouteillage pour un goût ultra frais après macération. Tout comme les bourgeons de sapin cueillis à la main en Ariège ou la poire conférence du 82.
Pour les fruits exotiques comme le gingembre, l’ananas, les fruits de la passion, ça ne pousse pas en France et dans les DOM les fruits bio sont rares. Nous sommes donc obligés de nous fournir ailleurs dans le monde. Mais les normes bio sont draconiennes même dans les pays étrangers et nous savons que nous participons à la préservation de la qualité des sols et de la biodiversité ainsi qu’à la bonne santé des agriculteurs en ayant choisi de travailler sous les labels bio et commerce équitable.
Vous avez aussi une gamme de spiritueux régionaux !
JT : Oui ce sont des éditions limitées qui ravissent les épicuriens curieux. Le Pyrénéen est fait avec de l’Armagnac, du miel de montagne bio d’Ariège, et des bourgeons de sapin fraîchement cueillis dans la même région.
C’est un spiritueux 100% originaire d’Occitanie. Il y a aussi le Basque avec du piment d’Espelette et des prunes. Ou encore le Provençal avec du citron jaune et du romarin du Sud Est de la France
Et concernant les rhums arrangés ?
LS : Nous avons des recettes exotiques traditionnelles comme le rhum fruit de la passion, le rhum ananas / vanille et le rhum citron vert / gingembre, mais aussi des associations plus pâtissières comme le rhum framboise / fève de cacao, le rhum menthe / chocolat et le rhum orange / cannelle. Plusieurs de ces recettes ont été médaillées sur différents concours connus du monde des spiritueux.
Pourquoi avoir fait le choix de laisser les fruits et les épices dans la bouteille au lieu de les mixer ?
JT : Les amateurs de rhum arrangé aiment voir le fruit, ils savent ce qu’il boivent car il peuvent le voir. Il n’y a pas de triche! Ils peuvent aussi choisir d’arrêter la macération à 6 mois, 1 ans ou plus en filtrant à la maison, ce qui est impossible avec du rhum arrangé déjà filtré par le fabricant. De plus, de nombreux buveurs d’arrangés nous ont confié manger les fruits macérés ou les réutiliser pour d’autres recettes ou en pâtisserie.
Quel est votre circuit de distribution ?
JT : Nous nous sommes d’abord développés dans le sud-ouest. Aujourd’hui, nous sommes distribués par plus de 700 revendeurs un peu partout en France et en Europe. Nous sommes également présents sur Ankorstore, plateforme de revente entre professionnels permettant de toucher les boutiques tout en gardant le lien avec eux.
On trouve nos produits uniquement dans des boutiques spécialisées tels que les cavistes, les épiceries fines et les magasins bio. Nous vendons également aux particuliers sur notre site internet.
Dernière question, vous avez réussi le lancement de votre marque d’arrangés, quels conseils donneriez-vous à celles et ceux qui souhaiteraient suivre votre exemple ?
JT : Je leur dirai deux choses : acceptez de vous tromper car les erreurs sont des occasions d’apprendre. Et sortez de votre bureau ou de votre atelier pour vous faire connaître en allant voir directement les cavistes pour créer du lien et comprendre les attentes des consommateurs. Les revendeurs et les clients sont ceux qui nous font exister, et ce n’est pas sur les réseaux que ça se passe mais au contact de ces passionnés.