Peu connu des amateurs de rhum, Marc Sassier est pourtant l’un des plus fervents défenseurs du terroir martiniquais. Cet œnologue est aujourd’hui responsable de la production de la distillerie Saint-James après avoir travaillé au Syndicat de Défense de l’AOC Martinique. Il est incontestablement l’un des plus grands techniciens en matière de rhum agricole. Son expertise lui vaut de présider le Centre Technique de la Canne et du Sucre (CTCS) et le jury de dégustation de l’AOC, avec également la responsabilité de former tous les nouveaux dégustateurs de ce jury à la tâche ô combien importante. Il a également rédigé le cahier des charges de l’AOC Martinique et est actuellement en charge de la rédaction du cahier des charges pour les Indications Géographiques Baie du Galion et Rhum des Antilles Françaises.
Alexandre Vingtier : Quelles ont été vos motivations pour devenir ingénieur agronome ? Et pourquoi devenir œnologue ?
Marc Sassier : Je suis né dans le Jura, petit-fils d’agriculteur, au pied des vignes de Château-Chalon. J’ai eu la chance d’intégrer l’Ecole Nationale Supérieure Agronomique de Montpellier où il y a une spécialisation viticulture-œnologie qui m’intéressait et de surcroît l’un des fondateurs de la chaire, Pierre Bidan, était collègue de promotion de mon grand-oncle pendant la guerre. J’aime voir la matière se transformer, un peu comme mon frère ébéniste, partir d’une matière brute et arriver à créer un produit totalement différent avec pour récompense la satisfaction du consommateur.
Cependant, lors de leurs études, les œnologues survolent la partie liée aux spiritueux. Pour ce qui est de la distillation, même si je ne l’avais trop étudiée, mon grand-père maternel avait le droit de bouilleur de cru et était le distillateur de sa commune. C’est grâce à un volontariat que je suis parti en Martinique, au moment des premiers balbutiements de l’AOC. Cela m’a permis d’exploiter mes diplômes de laborantin pour le suivi fermentaire et d’œnologue pour la partie dégustation, devenant même Président et formateur des membres de la Commission de Dégustation.
AV : Quel est le rôle du CTCS ?
MS : Le CTCS a une mission de service publique statutaire qui est la mesure richesse des cannes en sucre. Ainsi il est l’arbitre des transactions entre planteurs et transformateurs. Pour la sucrerie du Galion, il permet d’assurer le calcul du Coefficient de Paiement en toute impartialité et en distillerie il fournit les solutions étalons pour la mesure du Brix (ndlr : la fraction de saccharose) et assure le suivi de la production servant au contrôle de l’AOC, entre autres. En dehors de cela il a une action en deux volets : Agriculture et Transformation. Pour la partie agricole, il s’agit d’aide technique aux planteurs ainsi que la participation aux avancées culturales.
En 2013 par exemple, cela faisait 50 ans que le CTCS Martinique avait réussi la lutte biologique pour la canne à sucre sur l’île (que des herbicides dans les 4 premiers mois, pas de fongicides ni d’insecticides), avec son pendant qu’est la sélection variétale pour un flux génétique constant. A côté il y a un volet plus mécanique sur le machinisme, le CTCS ayant participé à la mécanisation de l’île dans les années 70 et maintenant, en partenariat avec la Guadeloupe et la Réunion, nous testons de nouvelles modalités (sarclage, désherbage…) en fonction de nos différents terroirs.