Développement durable – La révolution verte des bouteilles de spiritueux

Moins lourdes et moins énergivores, les bouteilles de spiritueux font désormais la part belle au verre recyclé. Et elles commencent à s’ouvrir à d’autres matériaux. James de Roany (oui c’est bien le père de Guillaume !), l’inventeur de deux bouteilles révolutionnaires en carton et en lin nous en dira plus.

Green Gen Bottle James de Roany
James de Roany Cocréateur de Green Gen Bottle ®

La révolution verte est bien en marche dans le secteur des spiritueux, même s’il reste beaucoup de chemin à faire. Un cap décisif vient en effet d’être franchi lorsque la Société des Alcools du Québec a annoncé qu’elle allait rejoindre l’International Alcohol Monopolies Environmental Roadmap… qui regroupe également les monopoles étatiques suédois (Systembolaget), finlandais (Alko), norvégien (Vinmonopolet), islandais (Vínbúðin) et féroïen (Rúsdrekkasøla Landsins).

Les six monopoles qui achètent et revendent tous les alcools entrant sur leur territoire et qui comptent parmi les plus importants clients des producteurs de vins et spiritueux s’engagent en effet à réduire d’ici 2030 leurs émissions de CO2 de moitié par rapport aux valeurs de 2019. Et la meilleure solution qu’ils ont trouvée est de faire pression sur leurs fournisseurs pour qu’ils adoptent des normes élevées en matière d’écologie et de RSE : certifications écologiquement durables pour la production, obligation d’utiliser des emballages plus légers et recyclables…

Preuve en est que l’écologie n’est plus seulement une lubie de bobos parisiens (ou d’ailleurs), mais qu’il s’agit désormais d’un prérequis pour faire du business dans des territoires qui regroupent des dizaines de millions de clients potentiels, dotés d’un haut pouvoir d’achat qui plus est.

champ de lin
Ce champ de lin pourrait fort bien se transformer en bouteille de rhum dans un avenir proche !

DES BOUTEILLES MOINS GOURMANDES EN CO2

Un des axes privilégiés utilisés par les producteurs pour être plus écolos est de faire baisser l’empreinte carbone de leurs bouteilles. Notamment en les rendant plus légères. Par exemple, la nouvelle bouteille en verre extra blanc du Planteray XO est allégée de plus de 30 % et permettra une économie de verre annuelle de 284 tonnes de matière (soit 355 grammes en moins par bouteilles). Ou en utilisant du verre recyclé, comme le Single Estate Series 2 de Mount Gay (à 70 %). On pense aussi au développement des EcoTote, des bibs rechargeables développés par EcoSpirits et LMDW.

DES BOUTEILLES QUI NE SONT PLUS EN VERRE

Mais d’autres vont encore plus loin et délaissent le verre qui est tout de même énergivore à la production, pour d’autres matières premières. Par exemple Bacardi a annoncé développer une bouteille 100 % biodégradable, les armagnacs Darroze ont opté pour des bouteilles en partie en carton pour leur gamme Mixology, tout comme le whisky Johnnie Walker.

Les cognacs A. de Fussingy ont quant à eux opté pour des bouteilles en lin. Bien sûr, lorsqu’on parle de carton ou de lin, il s’agit de la partie extérieure de la bouteille, le spiritueux étant contenu dans une poche en plastique de qualité alimentaire. Ces solutions, beaucoup moins lourdes et énergivores, vont-elles s’imposer dans un secteur des spiritueux qui va vers la premiumisation, avec une attention parfois disproportionnée donnée au packaging?

Pour le moment, elles sont plutôt utilisées pour les références d’entrée de gamme des marques, et on ne voit pas pourquoi elles ne pourraient pas de généraliser sur ce segment. Celui des cuvées premiums commence quant à lui à laisser de la place à des bouteilles moins lourdes réalisées en verre recyclé, tandis que les coffrets en carton perdent du terrain. Difficile cependant d’imaginer un rhum à 100 euros et plus présenté dans un flacon en carton ou même en lin… pour le moment !

Bouteille en lin

Rencontre avec James de Roany, cocréateur de Green Gen Bottle®

Parlez-nous de votre bouteille Green Gen Bottle® Lin ?

La partie extérieure de la bouteille est en composites de fibres de lin (100 % naturelle et française). Elle ne pèse que 78 grammes, alors qu’une bouteille en verre pèse entre 340 g et 1 kg ! Elle est également hyper solide.

La partie contact alimentaire qui est à l’intérieur est 100 % naturelle. On utilise comme liner du PLA, un acide polylactique qui est une résine biosourcée. Ça peut-être de la canne à sucre ou de la betterave. Nous avons opté pour cette dernière, plus particulièrement pour des questions écologiques.

Mais si un producteur de rhum souhaite des bouteilles en canne à sucre, c’est bien sûr possible. Ce PLA est légèrement poreux au gaz. Ça ne pose pas de problème pour les spiritueux, car ils sont complètement saturés.

Pourquoi selon vous est-elle plutôt dévolue aux spiritueux plutôt qu’aux vins ?

Mais dans le vin il y a des échanges, et la bouteille laisse passer un peu de CO2 et d’oxygène. Malheureusement, faire entrer de l’oxygène dans les vins, cela les transforme en vinaigre. Ce qu’on sait moins c’est qu’il y a en général 990 mg de CO2 dans un vin blanc ou dans un rosé, ce qui est beaucoup, et c’est ce qui donne une impression de fraîcheur, de piquant, même hors du frigo. Ça vient bien sûr de l’acidité du vin, mais également de cette légère pétillance apportée par le CO2. Aucun de ces risques n’existe dans les spiritueux.

La puissance de l’alcool dans les spiritueux pose un problème pour vos bouteilles ?

Non c’est complètement garanti. Nous avons réalisé des tests pour notre premier client, les cognacs A. de Fussigny. Nous avons toutes les certifications qu’il faut pour un spiritueux à 95 %!

Le packaging est très important dans les spiritueux, est-ce que votre bouteille est adaptable ?

La couleur de base est celle de la matière première, le lin. C’est pour des raisons d’écoresponsabilité. Mais si un client le souhaite, c’est possible. Nous avons produit des bouteilles blanches via une décoloration à l’eau oxygénée. À partir de là, il est possible d’y appliquer toutes les teintes qu’on veut. On recommande d’opter pour une couleur naturelle, mais c’est aussi possible d’avoir une couleur fluo avec des colorants pas naturels !

armagnacs Darroze
La gamme Mixology des armagnacs Darroze est composée de bouteilles en carton.

Est-ce que les étiquettes tiennent facilement sur les Green Gen Bottle® Lin ?

Pour être tout à fait franc, ce n’est pas facile à cause du TAK du matériau, c’est-à-dire sa capacité à être collé, qui est faible. Le TAK du verre est très bon, et la colle bouche toutes les aspérités des bouteilles. Le lin a un moins bon TAK. Cependant il est possible soit d’utiliser une étiquette très courte et pas très large, et ça colle bien. Soit, et c’est ce que je recommande, on opte pour une étiquette qui fait le tour et qui colle papier sur papier.

Vos bouteilles sont-elles personnalisables ?

Cette forme de bouteille nous appartient avec A. de Fussigny. On peut le vendre à qui on veut. Mais j’ai des demandes, d’un groupe américain par exemple, qui veut une forme très particulière. C’est possible dès lors que le diamètre de la presse reste raisonnable, peu importe que ce soit carré, pointu ou rectangulaire.

La tendance est à la premiumisation dans les spiritueux, est-ce que vos bouteilles sont compatibles avec des spiritueux très haut de gamme qui ont souvent des coffrets, des bouteilles travaillées, des bouchons lourds ?

Il y a une grosse demande du consommateur pour une réduction d’impact. Les gens prennent vraiment conscience du réchauffement climatique. On ne veut pas forcément arrêter de prendre l’avion pour partir en vacances, mais on peut faire attention au packaging de ce qu’on achète.

D’ailleurs les Champenois se débarrassent un à un de leurs coffrets. Verallia a annoncé qu’ils avaient fait baisser le poids de leur bouteille de champagne de 40 g. Vu les ventes de champagne et plus généralement des bouteilles champenoises, ça fait des millions de tonnes économisées. Un coffret, ça fait beau au pied du sapin, mais 10 minutes après c’est dans la poubelle.

Dans le vin, quand on avait une bouteille qui pesait plus d’un kilo, on avait l’impression qu’on pouvait vendre son produit cher. C’est en train de disparaître. Le même mouvement est en train de s’opérer dans les spiritueux. C’est une vague de fond et certaines marques l’ont compris et essaient de surfer dessus.

Et votre bouteille Green Gen Bottle® Carton, est-elle aussi intéressante pour les spis ?

Elle est fabriquée à base de carton de fibres végétales, une ressource renouvelable et durable, et d’une « outre » en plastique PE/EVOH. La couche d’EVOH octroie une excellente imperméabilité à l’oxygène et au dioxyde de carbone, pour une conservation optimale du vin, sans impacter la recyclabilité de l’ensemble.

L’outre en plastique pouvant facilement être séparée de l’étui cartonné, un geste de recyclage simple et inédit pour les consommateurs. À la base, je la voyais plutôt s’imposer sur le marché du vin, mais la matière plastique de la poche, qui est d’origine pétrosourcée, tient l’alcool jusqu’à 95 % donc elle peut aussi intéresser les spiritueux. D’ailleurs des marques comme les armagnacs Darroze ou les gins Greenhall’s ont récemment fait appel à des bouteilles en carton.