D’origine chilienne, Mario Navarro a grandi en France et en République Tchèque. En l’an 2000, il part vivre au Panama où il découvre le monde des rhums. Depuis 2010 il est implanté en Espagne. Ancien de la Maison Botran et Zacapa, Il est désormais directeur export des Ron Millonario et également dénicheur de trésors pour Rum Nation, dont il nous raconte l’histoire.
Depuis quand Rum Nation embouteille, et comment est né le projet ?
Fabio Rossi a créé la marque Rum Nation en 1999. En 1992 il rachète une petite marque d’embouteilleur indépendant de whisky appelée Wilson & Morgan et comme il doit embouteiller en Écosse il est obligé de maintenir un chai dans ce pays.
Lors d’un de ses voyages en Écosse, il rencontre un négociant écossais de whisky qui lui parle de rhums aussi bons que du whisky, des rhums de tradition britannique. Il goûte donc à de très vieux rhums jamaïcains, guyanais, mais aussi de la Barbade.
Il se décide à les embouteiller. C’est ainsi que commence cette aventure. Il y a quatre ans, Fabio a décidé de vendre Rum Nation à son distributeur danois. La marque aujourd’hui appartient à Mac Y qui se charge entièrement de la logistique, production et commercialisation de celle-ci.
Combien d’embouteillages depuis le début ?
Fabio a fait plus de 60 différents embouteillages et aujourd’hui nous travaillons avec une bonne douzaine d’origine.
Comment sont faites les sélections ?
Sous Fabio Rossi, nous avions notre nez chez Rum Nation et Wilson & Morgan, Mr Chichizola. Aujourd’hui c’est une équipe qui planifie les sélections, qui décide ensuite quels produits sont mis en fûts et nous avons un maître de chai qui ensuite supervise tout le thème du vieillissement, Mr Kim Moller.
Comment les rhums sont sourcés ?
Cela dépendra de l’origine, par exemple les rhums du Panama ou du Pérou qui sont de loin des best-sellers nous les achetons en direct aux distilleries, nous nous assurons par ce biais les volumes dont nous avons besoin. Par contre un rhum qui deviendra un rhum rare (achat de quelques fûts) nous allons plutôt l’acheter à un négociant de rhum écossais, anglais ou hollandais.
Est-ce que l’augmentation du prix des fûts a eu un impact sur les prix de vos sélections ?
L’augmentation des prix des fûts n’a pas encore été répercutée dans nos rhums. Cela sera le cas dans 5 ans, 10 ans quand les rhums que nous avons mis ces 3 dernières années en fûts seront mis sur le marché.
Mais il y a eu entre 2019 et 2023 une augmentation de 18 %, donc cela ne va pas trop faire augmenter les prix, au maximum 8 à 10 %… Par contre là où ça nous a tout de suite touchés c’est dans les prix des bouteilles, étiquettes et bouchons (matières sèches), là l’augmentation a été importante, jusqu’à 30 %… Dans ce cas-là cela a eu un impact considérable.
Restons dans les prix des bouteilles, quel regard portes-tu sur la spéculation ?
Il y a du positif et du négatif. Le côté négatif c’est que de plus en plus de gens achètent des produits rares ou limités comme une forme d’investissement seulement et ne prennent pas le plaisir de goûter, de boire des rhums qui parfois sont de véritables pépites.
Le côté positif : s’il y a de la spéculation, c’est qu’il y a de l’engouement, de l’intérêt, de la demande. C’est important pour notre catégorie : d’un côté on a une demande donc on a des prix plus élevés et de meilleures marges… Deuxièmement, si les marges s’améliorent, les producteurs pourront offrir plus de qualité, plus d’innovations. Il faut toujours chercher un équilibre.
Pratiquez-vous seulement l’embouteillage, ou certaines références sont des assemblages ?
Nous ne faisons pas encore d’assemblages chez Rum Nation. Par contre nous faisons des vieillissements continentaux extra et des finishs dans différents types de fûts: Marsala, Porto Xérès et bien sûr grâce à Wilson & Morgan des finish dans des fûts de whisky.
Quels embouteillages t’ont marqué ?
Lors du transfert des stocks vers Mac Y, nous avons effectué un inventaire informatique, mais aussi en physique avec les différents fûts que nous avions en Écosse. Dans les stocks il y avait du très vieux Albion, quelques fûts encore de Caroni, mais ceux qui m’ont séduit le plus ont été les différents Versailles. Le 30 ans était incroyable mais celui qui m’a vraiment plu cela a été le Versailles 18 ans que nous avons sorti il y a 3 ans… Quelle élégance ! Somptueux !
Quel est ton type de rhum favori ?
J’aime différents types de rhums. Je pense que chaque rhum à son moment dans la journée, dans la vie. Mais les rhums qui me plaisent aujourd’hui, à cette étape de ma vie, ce sont des rhums de type hispanique entre 12 et 18 ans et brut de fûts. Malheureusement on n’ose pas les sortir parce que le consommateur d’un rhum hispanique aime la rondeur, la douceur et donc là on hésite à embouteiller des rhums hispaniques à hauts degrés. Mais je ne perds pas espoir !
Quel regard portes-tu sur l’embouteillage indépendant et que penses-tu de la multiplication des acteurs ?
Je pense qu’il faut qu’il y ait encore plus d’embouteilleurs indépendants, car cela créera de la dynamique… On va tous essayer de trouver de nouvelles origines, on va tous tenter d’embouteiller des choses rares, surprenantes pour se démarquer auprès des consommateurs. Il faut que les embouteilleurs indépendants continuent à contribuer à la croissance de la catégorie. Nous sommes encore petits en comparaison à la catégorie de whiskies et même du cognac Premium, donc entre plus de marques et plus d’embouteilleurs, tant mieux pour tous.
Des projets en préparation ?
Toujours ! Nous sommes comme les requins si on s’arrête, on coule ! (rires). Cette année la marque fête ses 25 ans et nous avons une petite pépite en chemin pour l’automne. En parallèle nous aimerions lancer très bientôt notre premier rhum mauricien (que nous avons laissé vieillir tropicalement chez une prestigieuse distillerie de l’île). Ces deux projets vont se lancer cette année. Et pour les années à venir ? Peut-être nos premiers assemblages… Suivez-nous et vous le saurez !