[Cousins du rhum] Mahua : Le spiritueux floral représentant l’identité vibrante de l’Inde

Connaissez-vous le mahua ? Ce spiritueux issu de la fleur sucrée (et séchée) de l’arbre mahua, est depuis longtemps distillé en Inde. Il commence à connaître une véritable reconnaissance dans son pays d’origine, ainsi qu’à l’international.

Mahua
Crédits photographiques, Conrad Braganza.

Ayant grandi dans le Madhya Pradesh, en Inde, une région profondément liée à la mahua, je partage un lien étroit avec cet alcool floral. Cette boisson distillée a une histoire riche, les références à sa consommation remontant à plusieurs siècles.

Diverses tribus indiennes, dont les Santhals, les Gonds et les Mundas, pour n’en citer que quelques-unes, résidant dans les forêts et les plaines du centre, du nord et de l’est de l’Inde, ont chéri la tradition de la conservation de la mahua. Le mahua, également connu sous le nom de « kalp vriksha », qui signifie arbre de vie, est un grand arbre tropical qui atteint une hauteur impressionnante de 15 à 18 mètres et qui prospère abondamment, avec une récolte annuelle enregistrée de 500 millions de kilogrammes de fleurs dans treize États de l’Inde.

Les tribus utilisent diverses parties de l’arbre mahua, telles que les fleurs, les fruits, les branches et les feuilles, à des fins d’alimentation du bétail, d’art et de médecine. Cependant, son utilisation la plus connue et la plus importante est la création de la liqueur de mahua.

Le mahua est ce spiritueux distillé à partir des fleurs exquises de l’arbre du même nom. Il s’agit du seul spiritueux au monde à être distillé à partir de fleurs naturellement sucrées. Celles-ci subissent un processus méticuleux de séchage, de fermentation et de distillation avant d’être mises en bouteille, témoignant ainsi du patrimoine culturel indien présenté au monde entier.

Un alcool clandestin… connu en France

Il est intéressant de noter que si 90 % de l’alcool produit est consommé localement, le Mahua a également un lien inattendu avec la France, qui remonte à un incident historique relaté par J.F. Audibert dans son livre « L’art de faire des vins ». À l’époque où les vignobles français souffraient du phylloxéra (fin du XIXe siècle), environ 4 000 kilogrammes de fleurs de mahua séchées sont arrivés au port de Marseille.

Des individus peu scrupuleux ont également tenté de faire passer le Mahua pour des raisins secs, exploitant la forte teneur en sucre des fleurs lors de l’émergence des vins artificiels. Amtuz Zaidi, juriste et historien indien, met en lumière les interdictions imposées et leur impact sous le régime colonial britannique en Inde, comme le « Bombay Excise Act of 1878 » et le « Mahura Act of 1892 ». Ces interdictions ont empêché les tribus indigènes de collecter et de stocker les fleurs de Mahua, ce qui a conduit à la pratique de la « distillation clandestine » de Mahua dans diverses régions de l’Inde.

Malgré ces interdictions et ces défis, l’influence de la Mahua a transcendé les frontières. Le 17 janvier 1904, dans le journal français « Le patriote dans la famille », Virgile Brandicourt mentionne l’alcool de Mahua en louant sa qualité. Il déclare : « L’alcool de Mahua vieillit avec grâce, il apparaît comme un véritable chef-d’œuvre, évoquant les qualités remarquables du whisky écossais. » Cette distinction reflète l’attrait durable et l’importance culturelle de la Mahua, tant en Inde que sur la scène internationale.

Mahua

Le coup de génie de Desmond Nazareth

Récemment, le Mahua a connu un essor remarquable en termes de reconnaissance et d’admiration au niveau mondial, car il revêt une importance capitale dans la culture et les moyens de subsistance de nombreuses communautés tribales en Inde. Conrad Braganza, directeur des exportations, des ventes et du marketing : Principal Blender d’Agave India, fait la lumière sur le visionnaire Desmond Nazareth, directeur général d’Agave India, qui a été le premier à reconnaître le potentiel de la Mahua.

Tout a commencé en 2003, lorsque M. Nazareth a goûté un alcool distillé d’apparence trouble dans une bouteille en PET lors d’un voyage à Daman, en Inde, ce qui l’a incité à devenir le pionnier de la distillation commerciale et de l’embouteillage de mahua sous la célèbre marque DesmondJi. Il croit passionnément que le mahua est le gardien de la riche culture et des traditions de l’Inde et qu’il possède un énorme potentiel à l’échelle mondiale.

Du mahua en commercialisation

Actuellement, DesmondJi propose deux variantes distinctes : DJ Mahua, l’alcool de Mahua classique qui représente parfaitement la catégorie, et DJ Mahua Liqueur. Le processus de production implique une distillation en double pot dans un alambic de 6 500 litres. Pour créer cette boisson exceptionnelle, des fleurs de Mahua de qualité alimentaire provenant de quatre États indiens sont soigneusement recueillies dans des filets et séchées au soleil sur des nattes pendant 3 à 5 jours, ou séchées à l’aide de séchoirs solaires.

M. Conrad Braganza explique en outre que « la liqueur DJ Mahua témoigne du potentiel illimité de ce liquide, dont les délicieuses saveurs proviennent d’un mélange d’épices telles que la cannelle, la cardamome, le clou de girofle, le fenouil et le miel ». Dans le cadre d’une expérimentation innovante, DesmondJi explore même le vieillissement tropical du Mahua dans des fûts de chêne américain ex- Agave, le liquide ayant déjà mûri pendant plus de douze mois.

Mahua

« MAH – Spirit of the Forest » est une autre marque remarquable qui rend hommage à Mahua et ouvre une nouvelle voie pour l’appréciation mondiale de cet esprit unique. La marque s’est imposée sur le marché français et envisage d’étendre ses activités sur le continent européen. MAH est fière d’importer des fleurs de Mahua séchées d’Inde et de les distiller en France, explique M. Rahul Srivastava, partenaire de MAH Spirit.
Un statut de liqueur matrimoniale

L’État de Madhya Pradesh, en Inde, a reconnu l’énorme potentiel du Mahua en tant que trésor culturel et économique. M. Aniruddha Mookerjee, conseiller de l’État du Madhya Pradesh pour les boissons alcoolisées patrimoniales, nous explique que l’État a pris des mesures importantes pour préserver et promouvoir ce spiritueux traditionnel. Le Madhya Pradesh a accordé au Mahua le statut de liqueur patrimoniale, reconnaissant ainsi son importance dans le patrimoine et l’identité culturelle de l’État.

En outre, le gouvernement de l’État soutient activement les groupes d’entraide tribaux et leur donne les moyens d’agir, en leur transmettant des connaissances et des techniques modernes de distillation. En accordant une exonération fiscale de sept ans, le gouvernement entend encourager ces groupes à poursuivre la croissance de la catégorie Mahua. Cette initiative visionnaire a déjà porté ses fruits, puisque deux groupes d’entraide de différentes régions de l’État ont lancé leurs marques distinctes, « Mond » et « Mohulo », prêtes à s’imposer dans le secteur.

Les efforts collectifs des individus, des entreprises et des gouvernements des États sont à l’origine de la reconnaissance mondiale de la Mahua. Nous espérons que le gouvernement indien mettra en œuvre une politique structurée, y compris une IG nationale pour le Mahua, en préservant son héritage culturel et ses divers styles régionaux. L’ascension de Mahua se poursuit, laissant une marque indélébile sur le paysage mondial des spiritueux et célébrant le riche patrimoine de l’Inde.

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