[Rhum en Asie] Yann Triffe, co-fondateur de Kosapan (Thaïlande)

Rencontre avec Yann Triffe, co-fondateur de Kosapan en Thaïlande.

Kosapan Yann Triffe

Comment s’est passée la création de Kosapan ?


Nous étions trois associés, et on avait choisi la Thaïlande, car on voulait utiliser l’art de la distillation français avec des ingrédients thaïs : épices, fleurs, fruits, etc. On a commencé par le rhum parce qu’on trouve de grandes quantités de cannes et de très bonne qualité aussi.

Nous avons cherché à produire un rhum avec un seul type de canne à sucre et il nous a fallu près de 4 ans et demi pour trouver le type de canne et développer notre propre processus de fermentation et distillation.

C’est sûrement pour cela que notre rhum est le seul rhum blanc Thaï à avoir eu la double médaille d’or à San Francisco en 2018. Et c’est grâce à ce rhum qu’on a pu se diversifier. On a alors développé d’autres spiritueux : gin, cacao, mandarine thaï, feuille de pandanus, fleur de jasmin fraîche…

Et c’est en hommage à l’historique et emblématique ambassadeur du Royaume de Siam en France (qui avait lui-même rencontré Louis XIV) appelé « Kosapan », que nous avons décidé de nous appeler ainsi.

Est-ce compliqué de travailler en Thaïlande ?

Comme dans tous les pays, la Thaïlande a ses propres lois. Le marché de l’alcool est une industrie sensible comme dans beaucoup de pays. Mais cela présente aussi beaucoup d’opportunités et le nombre de spiritueux artisanaux a beaucoup augmenté ces dernières années.

La compétition est saine et cela nous permet aussi de nous remettre en question et de s’améliorer. C’est un pays qui selon moi est encore jeune pour ce qui concerne les spiritueux artisanaux et je pense qu’il y a encore énormément de belles choses à faire.

Qui peut produire de l’alcool en Thaïlande ?

Du moment qu’une personne ou une société obtient la licence de production de spiritueux alors elle peut le faire. Il lui faudra aussi une licence de vente de spiritueux. Il existe plu- sieurs types de licences qui autorisent à produire de l’alcool en Thaïlande.

Chaque licence a ses propres conditions : de capacité, de production, de nombre d’employés, du type d’alcool qui peut être produit, etc. Pour avoir cette licence de production, il faut bien respecter certaines conditions : un certain capital, un lieu, une puissance totale, ou une quantité maxi- male ou minimale, etc.

Il y a aujourd’hui d’excellentes distilleries dirigées par des locaux ou des étrangers. Il y a aussi des établissements locaux qui enseignent l’art de la distillation.

Kosapan

Quel type de licence avez-vous ?


Nous avons aujourd’hui la petite licence dite licence « fermière » qui est faite pour les petits producteurs d’alcools locaux. Cette licence ne nous permet pas d’appeler un rhum ou un gin par son propre nom et nous ne pouvons pas fabriquer localement un alcool de couleur. Cela fait partie des restrictions locales. Par contre nous pouvons exporter et cela nous permettra de faire du vieillissement en barrique a l’étranger.

Le marché est-il porteur pour le rhum ?

C’est un des pays du monde où il y a le plus de bars à cocktails et la qualité de ces établissements s’est beaucoup développée. J’oserais dire que Bangkok a pris la place de Singapour en Asie et que rapidement elle pourrait dépasser Hong Kong.

Ceci explique pourquoi il y a une forte demande d’alcools locaux de qualité. Aujourd’hui avec Kosapan, on est surtout connu sur le marché local : hôtel 5 étoiles, bars à cocktails, restaurants référencés au guide Michelin… mais enfin, cette année nous devrions commencer à être présents en Europe, mais aussi ailleurs en Asie-du sud-est.

Parlons un peu de production, d’où vient la canne à sucre utilisée pour produire votre rhum pur jus de canne ?

Aujourd’hui nous n’utilisons qu’un type de canne à sucre propre à la Thaïlande et l’Asie du Sud-Est. Cette canne à sucre nous provient de petits fermiers, qui sont en agriculture biologique, avec qui nous travaillons depuis le début de notre projet. Ils se trouvent dans un rayon très proche de notre distillerie pour limiter notre empreinte carbone.

Ils ont aussi et surtout les mêmes valeurs que nous en termes de commerce équitable et respect de l’environnement. C’est pour cela que nous travaillons avec eux depuis le début. C’est d’ailleurs un vrai partenariat où nous travaillons tous dans la même direction : promouvoir le savoir- faire local. Nous réfléchissons aussi avec eux à planter notre propre canne.

Kosapan
Et la distillation ?

Elle se fait dans un alambic à repasse, un alambic dit traditionnel en cuivre qui nous vient d’Europe comme l’ensemble de nos équipements. On travaille par lot de petite quantité et/ou l’on extrait le maximum des arômes. Depuis le début nous avons préféré la qualité et l’aromatique à la quantité. Aujourd’hui tous nos spiritueux sont distillés entre deux et trois fois minimum, voire plus pour certains.

Nous préférons aussi des fermentations lentes pour maximiser le développement de nos arômes. Il faut que les levures puissent travailler de manière sereine pendant plusieurs jours, voire plusieurs semaines (c’est pourquoi nous contrôlons les températures de nos fermentations lentes).

Ensuite nous gardons tous nos alcools pendant un minimum de trois à six mois pour amener plus de rondeur, de richesse et de gourmandise. Il faut reconnaître que le savoir-faire et l’expérience de Jeremy Bricka, un des fondateurs du Domaine des Hautes Glaces, nous a énormément aidés. Il fait aujourd’hui partie de la société et du projet. On met des choses en place petit à petit.


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