Radiographie du rhum australien par Steven Maggary

L’ancien directeur de la distillerie Beenleigh nous informe sur les grandes lignes de l’histoire du rhum canadien, ses caractéristiques et ses modes de production. Avec également une petite présentation de son projet actuel : la Sydney Rum Distillery.

Par Fabien Humbert, avec Steven Magarry

distillerie Husk
La distillerie Husk se trouve en Nouvelle-Galles du Sud et produit un rhum pur jus de canne.

L’industrie australienne du rhum remonte aux années 1860, comme nous l’avons déjà exploré en novembre 2021. Pilier agricole de l’économie australienne, s’étendant sur environ 2 200 km de côte tropicale, peu de gens réalisent l’ampleur de cette industrie sucrière qui pèse 1,2 milliard d’euros.

Pour tous les nomades ou voyageurs qui ont exploré la côte est de l’Australie, cette portion de côte tropicale s’étend de Cairns, au nord, à Byron Bay, au sud. Il existe 21 usines sucrières réparties sur la vaste côte orientale de l’Australie, dont trois ont fermé leurs portes au cours des cinq dernières années, les prix mondiaux du sucre ayant fait des ravages dans une industrie qui a connu plus de 150 ans de productivité.

Entre 32 et 35 millions de tonnes de cannes à sucre sont récoltées chaque année, la plus grande usine écrasant environ 3,75 millions de tonnes par saison. Deuxième exportateur mondial de sucre en vrac, le pays exporte environ 85 % de sa production dans le monde entier, les principaux marchés étant la Corée, le Japon et l’Indonésie.

Il est relativement peu connu dans l’industrie mondiale du rhum que l’industrie sucrière australienne produit environ 1 000 000 de tonnes de mélasse C par saison à partir de 7 à 8 variétés commerciales de canne à sucre. Pour mieux situer le contexte, l’industrie australienne de la canne à sucre représente plus de dix fois celle de la Martinique, de la Guadeloupe et de la Réunion réunies.

Pourtant, il est intéressant de noter que la production de rhum et de boissons à l’éthanol n’est pas une priorité en Australie, par rapport à chacune de ces îles des départements d’outre-mer (DOM), qui produisent toutes des volumes supérieurs à la production australienne.

99 % de rhum de mélasse

Par conséquent, une abondance de matières premières est cultivée en Australie, et ce n’est que dans des circonstances de sécheresse extrême que de la mélasse peut être importée.

Si l’on considère l’ensemble des producteurs australiens, une comparaison avec l’île de la Réunion peut offrir au lecteur un exemple comparatif avec une production de rhum à base de mélasse d’environ 99 % et de jus de canne d’environ 1 %.

Plusieurs producteurs artisanaux se concentrent sur la production de variétés de canne à sucre dans un seul domaine ou sur une approche hybride de production de canne à sucre et de mélasse. Husk Distillers, situé dans le nord de la Nouvelle-Galles du Sud, est un producteur établi notable qui se concentre principalement sur le « rhum cultivé australien » et qui éduque le consommateur de rhum australien sur les nuances des rhums à base de jus de canne par rapport aux rhums à base de mélasse ou de sirop.

Des petits producteurs innovants

Aujourd’hui, pour une fermentation alternative à base de mélasse et pour les amateurs de rhum, notre attention se tourne vers un petit producteur innovant basé dans la ville métropolitaine de Melbourne.

Killik Handcrafted Rums produit un profil aromatique unique à haute teneur en ester et a récemment rencontré le succès auprès d’une liste croissante d’embouteilleurs indépendants sur les marchés européens et américains. Un profil aromatique et gustatif qui n’est peut-être pas apprécié par le consommateur de rhum australien trouve certainement des adeptes qui recherchent des esters, des profils de congénères éblouissants et qui poussent les daiquiris au-delà de leurs limites.

La majorité des producteurs artisanaux produisent du rhum dans des alambics d’une capacité allant jusqu’à 6 000 litres, dans une large gamme de styles de cuves, y compris les doubles fûts.

Husk
Quentin, le maitre distillateur de Husk en plein récolte.

Deux ans minimum

Les plus grands producteurs sont Beenleigh et Bundaberg. Le rhum australien a une mention d’âge d’au moins deux ans sur bois, et cette réglementation a été promulguée il y a plus d’un siècle, en 1906, essentiellement comme mesure de protectionnisme contre ce qui était considéré comme des importations de qualité inférieure et à bas prix – Verschnitt en provenance d’Allemagne.

Il est fascinant de comprendre que les marques de rhum jamaïcaines Trelawny Parish (Hampden Estate et Vale Royal) ont conduit l’Australie à mettre en place une mention d’âge minimum de deux ans.

En outre, la mention de l’âge de deux ans a un impact sur les importations et les distributeurs de marques, car le terme « rhum » ne peut s’appliquer qu’aux produits ayant vieilli de manière satisfaisante ; dans le cas contraire, il convient d’utiliser le terme « cane spirit ».

Ces difficultés réglementaires font que les marques internationales doivent changer d’étiquette ou s’engager à respecter des exigences distinctes en matière d’étiquetage et de description des produits sur le marché australien.

Par exemple, les produits à base de rhum blanc en Australie sont généralement décolorés et vieillis à deux ans, ce qui est similaire aux exigences du DOP de Cuba. Si ce n’est pas le cas, ils sont étiquetés « cane spirit » ou, de manière plus créative, « white, silver… ».

L’exemple Beenleigh

Alors que Bundaberg, propriété de Diageo, maintient une présence agressive sur le marché et domine depuis 140 ans la demande des consommateurs australiens, c’est Beenleigh qui a déclenché la demande mondiale pour le rhum australien en montrant ce qui était possible.

Luca Gargano, icône mondiale du rhum, a déclaré que Beenleigh était un « diamant brut », une distillerie de production emblématique avec son histoire de 1884 et sa récente exploration avec de multiples embouteilleurs indépendants en Europe, au Royaume-Uni, aux États-Unis, au Japon et sur les marchés de Taïwan.

Chez les plus grands producteurs de rhum, notamment Bundaberg, Beenleigh et la défunte distillerie CSR Pyrmont à Sydney, qui a accueilli Inner Circle de 1968 à 1986, le processus général de production est similaire à celui du whiskey américain : la distillation en colonne et le doublement de l’alambic.

La distillation en colonne offre l’efficacité et des volumes plus élevés avec le processus de pot still adjacent pour équilibrer la saveur et le profil des congénères. Les cuves de maturation en pin et en chêne américain de grand format sont également largement utilisées pour répondre aux exigences de la déclaration d’âge de deux ans.

Les petits formats de chêne ex-bourbon, ex-vin ou ex-fûts de porto ou de xérès n’ont connu qu’une évolution plus récente, qui a certainement été appréciée par les petits producteurs artisanaux fortement axés sur ces influences de maturation alternatives.

La Sydney Rum Distillery

La Sydney Rum Distillery, dirigée par… moi après être passé aussi chez Beenleigh Distillery, est un nouveau venu dans l’industrie ; elle a également joué un rôle essentiel dans la récente montée en puissance du rhum australien sur nos marchés. Récemment, l’organisation a obtenu une installation de production existante d’une capacité de 3 millions de litres d’alcool pur (LPA) par an, avec plusieurs colonnes continues et discontinues.

Situé dans la Upper Hunter Valley, à proximité de la région des vignobles de Sémillon et de Chardonnay, ce bâtiment emblématique a été construit entre 1945 et 1953 pour abriter une coopérative laitière régionale et bénéficie d’une protection au titre du patrimoine régional local. Le début de la production est actuellement prévu pour la mi -2025.

L’installation de deux alambics est confirmée, dont un alambic à double cornue de 6 000 litres et un alambic à 100 % en cuivre John Dore & Co de 1973 de 7 000 litres qui est actuellement en cours de rénovation.

L’objectif est de se positionner fermement comme le deuxième plus grand producteur de rhum en Australie et dans la région du Pacifique Sud, en mettant l’accent sur l’exportation à l’échelle mondiale par le biais de vrac, d’embouteilleurs indépendants et de leur propre portefeuille de marques.