Rencontre avec Sébastien Follope, créateur de la marque Naga.
Quel est votre parcours avant de vous lancer dans l’aventure Naga ?
J’ai fait mes études à Kedge Bordeaux, puis j’ai travaillé chez Bardinet (groupe La Martiniquaise) à l’export. J’ai quitté Bardinet en 2007, pour rejoindre une start up OPOSIT Wine & Spirits, une agence de développement de marques, mais l’aventure a tourné court en 2011.
Depuis, je suis consultant et importateur pour des marques de rhum. J’ai notamment introduit sur les marchés européens des marques comme Optimus ou Cihuatan. Mais au bout d’un moment j’ai eu envie de créer ma propre marque de rhum.
Comment vous est venue l’idée de créer une marque de rhum en Asie du Sud-Est ?
C’était en 2009 en marge de Vinexpo Hong Kong (salon consacré au vin, NDLR), j’ai essayé un rhum thaïlandais dans un restaurant. Et je me suis dit que si un jour je créais ma marque, ce serait un rhum asiatique. En 2012, j’ai sauté le pas et j’ai contacté le leader de la production et de distribution d’alcool en Thaïlande qui contrôle 99,9 % du marché local. Sur leurs 12 distilleries, 4 font du rhum. J’ai déposé ma marque Naga en 2013.
Pourquoi avoir choisi le nom « Naga » ?
C’est difficile de trouver des noms de marques à l’international, beaucoup ont déjà été déposés. Naga, nom d’animal mythologique de l’hindouisme qu’on retrouve dans plusieurs religions asiatiques et qui est protecteur de la nature et rattaché à d’eau. De plus, il est facile à prononcer dans toutes les langues.
Comment s’est déroulé le processus de création ?
J’ai travaillé sur mon rhum pendant un an, et mis au point mon assemblage avec les nombreux échantillons qu’ils m’envoyaient. En mai 2014, je passe commande de 20 000 litres. En juin mon fournisseur thaïlandais me prévient que finalement ils ne vont pas faire affaire avec moi.
Alors que l’embouteillage était prévu en août et le lancement en octobre 2014. Sans explications. Le ciel m’est tombé sur la tête et l’aventure a failli tourner court.
Comment avez-vous rebondi après ce premier revers ?
J’ai continué à chercher d’autres origines de rhum pour ma marque. Un de mes associés ayant une société de vrac en Espagne (rhums de la République dominicaine, Panama, Colombie, Cuba…), m’a proposé du batavia indonésien. Et en 2016 on a décidé de relancer Naga non plus comme un rhum thaïlandais, mais comme un rhum indonésien. Et début 2017, le Naga indonésien est sorti.
Mais la Thaïlande est revenue dans le jeu !
J’avais continué à garder des liens avec la Thaïlande. En 2019, le fournisseur revient sur sa décision et est finalement d’accord pour faire du rhum Naga, mais avec l’interdiction de faire figurer en Thaïlande (ou Thaibev) et tout un tas d’autres mentions s’y rapportant sur l’étiquette.
J’ai lancé donc une cuvée thaïlandaise en 2020 avec Dugas, appelée Siam Édition. Le Royaume de Siam étant l’ancien nom de la Thaïlande. Jusqu’à récemment j’étais le seul occidental à avoir le droit de commercialiser du rhum de Thaïlande (mais sans le dire).
Et puis ils ont décidé cette année de vendre leur 12 ans d’âge à d’autres opérateurs (un peu à tout le monde), et ont finalement autorisé de faire figurer Thaïlande sur l’étiquette… Mais je reste le seul à disposer de leurs autres qualités de rhums comme le 10 ans ou le Full Proof.
Comment vos rhums sont-ils produits ?
Pour mon 10 ans : Kingdom of Siam, je reçois le rhum en provenance de Thaïlande de 60 à 63 % selon les années. Sachant qu’il a été distillé en colonne aux alentours de 70 %. Le vieillissement se fait sur place. La distillerie est au niveau de la mer, mais on fait du ouillage avec des comptes d’âge équivalents, ce qui permet de diminuer la perte d’alcool.
Une fois en France, on rajoute de l’eau pour l’amener à 40 % et 0 g de sucre. Tous les ans je sors aussi un full proof. Le 2011 était à 63 %, le 2012 sera à 61,2 %… Ma référence Shani est un rhum thaïlandais à 62 % passé dans des fûts de pedro ximenez pendant 15 mois. C’est un véritable vieillissement, pas un simple finish. Il est finalement réduit à 48 %. Et au rayon nouveautés, il y a un 12 ans, et un 2012 en full proof.
Et concernant les cuvées indonésiennes ?
Je suis tenu par des clauses de confidentialité et je ne peux pas nommer les deux distilleries avec lesquelles je travaille, car il s’agit d’un pays musulman. On y fait notamment du rhum de mélasse qu’on appelle Batavia Arack (Batavia, ancien nom de Jakarta, ancien dominion des Pays-Pas, les Bataves, NDLR). Pendant longtemps, le Batavia Arrack était considéré comme un rhum de qualité en Europe et notamment dans les pays scandinaves.
Pourtant il n’y a pas marqué « rhum » sur la bouteille, pourquoi ?
Ce n’est pas tout à fait un rhum, car lors de la fermentation du Batavia Arack, on utilise du riz rouge qui a été malté et fermenté. Moins de 2 % de l’alcool environ vient du riz. Pour cette raison, on ne peut pas à proprement parler de rhum qui doit provenir à 100 % de la canne à sucre.
Comment est-il produit ?
La distillation se fait en alambic et colonne, et atteint entre 70 et 85 %. Le vieillissement se fait dans des fûts de teck et de fût de chêne américain. Le rhum arrive en France à 67 %, je le réduis, je rajoute un peu de sucre (6 g). Je ne spécifie pas l’âge même si on m’a dit que c’était un 7 ans. J’ai aussi une référence qui a vieilli en barriques de merisier neuves et je fais vieillir à 67 % et une autre qui est finie en fûts de vin rouge de Saint-Émilion, le château Pas de l’Âne.