Qui a le droit de distiller en France et comment se former concrètement ?

Vous l’avez sans doute remarqué, des marques d’embouteilleur indépendant ou de rhum arrangé ne cessent de se créer, tandis que de plus en plus de passionné(e)s font le pari un peu fou de monter leur propre distillerie.

Ces rêves sont aujourd’hui à portée de main et pourtant ils doivent être mûrement réfléchis en amont, tant sur le plan de la sécurité des normes, que de la commercialisation.

Rencontre avec Jennifer Frair-Roskis qui accompagne les futurs et néo-distillateurs ou les créateurs de marques de spiritueux dans l’élaboration de leur projet.

Qui a le droit de distiller en France

Fabien Humbert : Vous conseillez notamment des porteurs de projets dans l’univers des spiritueux, quel est votre parcours ?

Jennifer Frair-Roskis : Je suis diplômée de Paris-Dauphine, avec un profil éco et gestion et j’ai fait une spécialisation dans la gestion publique avec l’ENA. À ma sortie, j’ai commencé ma carrière comme cheffe de projet au ministère de l’Économie et des Finances.

FH : On est loin des vins et spiritueux pour l’instant… 

JFR : Oui mais en fait non. La Douane et la Répression des Fraudes dépendent du ministère de l’Économie et des Finances. Et, déjà à l’époque, je m’intéressais au vin et au rhum de par mes origines. Mon père est d’origine russo-polonaise et ma mère est guadeloupéenne.

FH : Vous auriez pu choisir la vodka plutôt que le rhum !

JFR : Rires. Oui, en tout cas, j’ai la culture des spiritueux des deux côtés. Mais en fait même si j’étais déjà une buveuse de rhum, je me suis d’abord intéressée au vin via des cours d’œnologie et de dégustation.

FH : Vous avez donc quitté la fonction publique pour vous lancer dans le secteur des vins et spiritueux ?


JFR : N’allons pas trop vite, j’ai d’abord tenté, sans succès, de devenir commissaire de police, puis je suis partie faire un road trip en Asie et je me suis installée aux Philippines en tant que responsable importation et supply chain manager pour le consul honoraire de France.

Qui a le droit de distiller en France

FH : Mais on s’éloigne des vins et spiritueux là !

JFR : Au contraire. Mes fonctions ne relevaient pas du champ de l’administration publique. Je me suis occupée de la logistique, du dédouanement, de la relation avec les fournisseurs et de la gestion des entrepôts et donc j’importais du vin. Aux Philippines, je me suis aussi intéressée aux rhums locaux, notamment Don Papa et le Tanduay.

En 2016, je suis rentrée en France et j’ai voulu suivre une formation dans la production de rhum. Il y avait le parcours de création de distillerie qui était proposé par le Centre International des Spiritueux (CIDS, en plein cœur du vignoble cognaçais, ndlr) mais c’était trop théorique.

J’avais envie de voir, sur le terrain, ce que c’était d’être distillateur. Je me suis rendu compte qu’il n’y avait que peu de formations pratiques pour devenir distillateur, même si on trouvait sur Internet des recettes pour faire sa tambouille dans sa cuisine (ce qui est d’ailleurs interdit) …

J’ai fini par découvrir la formation de Matthieu Frécon et Martial Berthaud dans le cadre de la distillerie l’Atelier du Bouilleur et de la distillerie Edelweiss et j’étais enfin dans le concret grâce à des stages de découverte de la distillation. Et ça a été le déclic.

Qui a le droit de distiller en France

FH : Donc vous avez tenté de lancer votre propre micro-distillerie ?

JFR : Non car je suis repartie aux Philippines pour un autre contrat, toujours dans le vin. Mais ça ne m’intéressait plus. Alors je suis rentrée et j’ai fait une proposition à Martial : il m’apprenait à distiller et moi je l’aidais sur la partie administrative et juridique.

Ils se sont un peu méfiés dans le Languedoc, ils pensaient que j’étais un agent de la douane infiltrée ! Je me suis retrouvée face à des problématiques juridiques que je ne maîtrisais pas donc j’ai continué à me former via un Master de Droit du Vin et des Spiritueux à l’Université de Reims Champagne-Ardenne.

Normalement, ils n’auraient pas dû me prendre car j’étais déjà professionnelle et trop âgée (le Master étant dédié aux étudiants en formation initiale) mais ils ont fait une exception car je me proposais d’écrire un mémoire sur le droit des spiritueux, un sujet qui, en fait, n’était pas traité par le Master.

Je suis ensuite devenue directrice export dans le Champagne mais je commençais déjà à prodiguer des conseils ad hoc dans le secteur des spiritueux et je faisais partie du Syndicat des Distillateurs Indépendants. La Covid est arrivée et j’ai décidé de créer mon cabinet de conseil et de formation spécialisé essentiellement dans les spiritueux.

FH : Et aujourd’hui quelle est votre activité ?

JFR : 
J’accompagne des créateurs de distilleries ou des personnes qui n’ont pas vocation à devenir distillateurs mais qui créent des marques de spiritueux (ainsi que des administrations publiques). 

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