Les rhums du Sud mettent les saveurs de la Provence et de la Réunion en bouteille

Depuis cinq ans, les Rhums du Sud nous enchantent avec des recettes qui fleurent bon le Midi… Oui mais lequel ? Car on trouve aussi bien dans la gamme des saveurs comme le combawa et le romarin. C’est qu’au lieu de choisir, Hugo Randazzo, qui est à l’origine de l’aventure, a préféré mettre en avant à la fois les traditions et le terroir de l’endroit où il vit (le sud de la France entre Aix-en-Provence et Marseille) et les traditions et le terroir de l’endroit d’où vient sa mère (la Réunion). Rencontre avec celui qui est aussi devenu embouteilleur indépendant en s’associant avec l’incontournable Guillaume de Roany.

Les rhums du Sud

Fabien Humbert : Pourquoi avoir choisi de faire des rhums arrangés de la Réunion ?

Hugo Randazzo : Je suis né à Aix-en-Provence et je vis toujours dans la région mais je suis issu d’une mère réunionnaise et d’un père sicilien. Donc je suis très marqué par le Sud, le sud de la France, celui de l’Italie, et bien sûr l’hémisphère sud où se trouve la Réunion. D’où les Rhums du Sud. Je vais depuis que je suis tout minot à la Réunion pour voir ma famille maternelle et j’y ai toujours vu du rhum arrangé.

Pour moi, la Réunion, c’est l’île du rhum arrangé. Donc quand j’ai eu la volonté de travailler à mon compte, j’ai voulu représenter cette île qui m’est très chère. Je suis quelqu’un de très porté sur mes origines, la tradition.

FH : Avec aussi des origines siciliennes et sudistes, cela aurait aussi pu tomber le vin ou le pastis non ?

HR : (Rires) Pas vraiment car dans ma démarche, il y a aussi un esprit de transformation, d’artisanat. Mon grand-père sicilien gagnait sa vie en faisant du fromage. Et puis la Réunion est une île dont le mode de vie me convient, d’ailleurs j’ai longtemps hésité à y habiter. J’ai décidé d’habiter dans le sud de la métropole, j’ai eu envie de promouvoir la culture, les traditions de la Réunion. Et le rhum arrangé était le bon projet pour y arriver.

FH : À la Réunion, on m’a dit que le véritable rhum arrangé traditionnel était plutôt fait avec des épices plutôt que des fruits… qu’en penses-tu ?

HR : Il y a différentes approches du rhum arrangé. Il y a le rhum tisane, qui est fait avec des épices ou plutôt des plantes, et qui était utilisé un peu comme un ‘médicament.’ Mais à la Réunion, il y a aussi des fruits incroyables et très aromatiques et ça a pris de plus en plus de place dans les recettes de rhums arrangés. Depuis tout petit, j’ai vu des rhums arrangés au litchi, à l’ananas… Souvent d’ailleurs avec un peu de vanille.

FH : Et comment t’es-tu lancé ?

HR : Je réfléchissais déjà à me lancer lorsque Cédric Brément sortait ses premières bouteilles. D’autres s’y sont mis mais ils faisaient tous du rhum arrangé avec des jus en AOC Martinique. Or, je l’ai déjà dit, pour moi le rhum arrangé, c’est avec du rhum de la Réunion, et donc du rhum de mélasse puisqu’il représente 98% de la production sur l’île.

On a le droit de faire ce qu’on veut, chacun est libre d’imaginer ce qu’il souhaite, et d’ailleurs c’est souvent bon, mais j’ai eu envie de remettre le rhum arrangé de la Réunion au centre du jeu.

FH : Isautier aussi fait du rhum arrangé pourtant…

HR : C’est vrai et d’ailleurs ils cartonnent, mais c’est une autre approche, plus massive, tournée vers les grandes surfaces. J’en apprécie certains d’ailleurs.

Je voulais une gamme tournée vers l’artisanat avec du rhum, des fruits frais découpés à la main, des plantes, des épices et du sucre. C’est tout. Et ça n’existait pas à la Réunion.

FH : Dans tes rhums, on retrouve ta culture sudiste avec des recettes comme le Romarin-Citron et ta culture réunionnaise avec par exemple Combawa. Comment se sont opérés les premiers choix de recettes ?

HR : J’ai commencé avec des recettes traditionnelles de la Réunion accessibles au grand public, avec des fruits comme la mangue, l’ananas, des épices comme la vanille, la cannelle… Il s’agissait de rassurer le consommateur pour qui rhum arrangé rimait avec tropiques.

Les rhums du Sud

Mais on a commencé à me demander des recettes du sud de la France et, en promenant dans la région, j’étais intéressé par les odeurs des plantes comme le thym, le romarin…

Alors je me suis lancé. Ça a donné un rhum arrangé mais provençal. Ça a véritablement ancré la marque, ça a été très bien accueilli, ça a ouvert le champ des possibles et m’a convaincu d’essayer des recettes un peu particulières, comme le Combawa justement.

FH : Parlons cuisine, comment sont faits tes rhums arrangés ?

HR : Il y a un process de base mais après il y a des variantes puisque tous les fruits et toutes les pLantes ou épices ne se travaillent pas de la même façon. On va récupérer le rhum de mélasse, auprès de la distillerie Rivière du Mât.

On va mettre cette base dans des cuves inox avec des fruits mis directement, soit travaillés en sirops, en cuisson… Puis on ajoute un sirop de fruits qu’on fait nous-mêmes car ceux de l’industrie sont trop sucrés. Cela nous permet d’obtenir un produit final pas trop épais et pas trop lourd.

FH : Et ensuite ?

HR : On place le tout dans des sacs alimentaires qui permettent les échanges et de retenir les dépôts, on va brasser de temps en temps, ouvrir les cuves pour laisser respirer… le processus dure deux mois à l’issue desquels on va prélever des fruits pour les mettre dans les bouteilles mais sans les surcharger.

Car le rhum est déjà prêt à être consommé et l’équilibre est déjà présent. Puis on embouteille tout à la main, on est une petite équipe de quatre personnes. C’est un produit qui n’est pas très alcoolisé, il titre 30%, alors qu’à la Réunion les rhums arrangés sont plus puissants.

Avant de me lancer, je faisais déjà des rhums arrangés à la réunionnaise et je les faisais goûter à mes amis. Mais ils trouvaient ça trop fort parce qu’on n’a pas le même palais en métropole. Donc il a fallu trouver un compromis entre peps et accessibilité.

FH : Tu as aussi innové avec un rhum vieux arrangé, comment est née cette idée ?

HR : Je suis moi-même un amateur de rhum vieux. Et lorsque je fais déguster mes produits, des clients me disent souvent qu’ils préfèrent des rhums plus forts en alcool et plus vieux. J’ai donc décidé d’arranger un rhum vieux de 3 ans à 40%, de la distillerie Rivière du Mât toujours.

Il était bon, avec ses arômes de datte et de café notamment, mais je trouvais qu’on pouvait un peu les accompagner, apporter de la longueur… Donc j’y ai fait macérer des dattes, du café et un peu de gingembre aussi. C’est comme ça qu’est née la cuvée Mascareignes en hommage à l’archipel de l’océan Indien où on trouve Maurice, Rodrigues et bien sûr la Réunion.

Les rhums du Sud

Car à l’origine du rhum arrangé, il y a la conservation des épices dans le rhum lorsqu’on les convoyait des Mascareignes à la métropole dans des fûts entreposés dans des navires à voile. J’ai essayé de donner mon interprétation de que pouvait être ce rhum. Donc on n’est pas exactement sur un spiced et pas exactement sur un arrangé.

FH : Quel est ton circuit de distribution ?

HR : 85 à 90% de notre clientèle se compose de cavistes et d’épiceries fines.

FH : Quelles sont les nouveautés à venir ?

HR : Nous allons de plus en plus travailler sur des séries limitées liées à la saison. En hiver, nous aurons des rhums plus chaleureux et d’autres plus frais pour l’été. Cette nous fêterons nos cinq ans et nous allons sortir un produit qui représente la marque et son esprit. Mais ne peux pas encore vous en dire plus…

FH : Et tu es aussi devenu embouteilleur indépendant, une nouvelle page qui s’ouvre ?

HR : Je me suis associé à Guillaume de Roany pour sortir des embouteillages de rhums qui racontent l’histoire d’une marque, d’une distillerie. Il y a Foursquare à la Barbade, Montebello et Reimonenq à la Guadeloupe. Bien sûr d’autres sorties sont prévues cette année !