La marque iconique du Nicaragua revient avec un nouveau ron premium pour souffler ses 130 bougies. Plus fort en alcool (45°), ayant traversé un triple vieillissement, le Flor de Caña 130e anniversaire veut conquérir ce marché d’amateurs éclairés qu’est la France. Forte de ses récentes certifications et autres awards écolos, Flor de Caña veut aussi laisser derrière elle la polémique autour des insuffisances rénales chroniques qui touchaient certains de ses employés.
Rencontre avec Antonio Oliveira, consumer marketing manager pour la France pour Flor de Caña.
Rumporter : Au Nicaragua, est-ce que Flor de Caña est un monopole ?
Antonio Oliveira : Vous pouvez trouver sur place plusieurs rhums qui bénéficient de l’appellation Nicaragua mais qui ne sont pas sous notre marque. Par contre comme notre distillerie SER San Antonio est la seule du pays, ils y sont distillés.
Y compris Monbacho qui est très populaire ici. Mais si leur jus est bien distillé à San Cristobald, ils sont vieillis ailleurs en altitude, donc au final les produits sont très différents.
R : Qu’est-ce que signifie SER ?
AO : SER signifie ‘sugar, energy and rum’, puisque nous y produisons du sucre, de l’énergie et du rhum. Nous sommes en Single Estate Rum, donc nous n’utilisons que la méalsse que nous produisons nous-mêmes.
La fermentation contrôlée se fait en cuve fermée et dure plus ou moins 36 heures. Cela nous permet de récupérer, et de recycler tout le CO2 qui est produit lors de la fermentation. Il sera ensuite revendu aux entreprises qui commercialisent des boissons gazeuses.
La bagasse va quant à elle être utilisée pour la production d’énergie renouvelable. Celle-ci fait tourner la distillerie, dont la capacité de production est 60 méga hertz par jour alors qu’elle n’en dépense que 30. Le surplus est revendu.
R : Et les rhums comment sont-ils produits ?
AO : A l’issue de la fermentation, nous obtenons une bière de mélasse puissante qui titre autour de 12°. Nous y ajoutons des levures d’ananas et des levures locales que notre maestro ronero, Tomas Cano produit lui-même. La recette exacte est connue seulement de lui et de ceux qui pourraient lui succéder un jour.
Ensuite nous allons distiller à l’aide de 5 colonnes de 27 mètres de haut et 94 plateaux afin d’obtenir un alcool d’une grande pureté. Après le passage dans le 5e colonne, nous n’aurons plus de résidu de sucre, de méthanol ou autre et nous obtenons un alcool à 96°. Nous allons ensuite le réduire à 66° et le mettre en fût. Ensuite disons que le temps fait bien les choses.
R : Est-ce que le climat local influe sur le vieillissement ?
AO : Pour obtenir l’appellation Single estate, il est obligatoire que tout le processus de production soit fait sur place, y compris le vieillissement. D’ailleurs notre chai de vieillissement se trouve à 8 miles d’un volcan !
Et entre les deux, il y a des champs de canne. Le volcan a un impact sur le rhum car le sol où poussent les cannes est amendé par des cendres volcanique, l’eau que nous utilisons est riche de minéraux et le climat est volcanique-tropical, c’est-à-dire minimum 32° toute l’année avec un taux d’humidité qui dépasse les 70 %. Cela va augmenter l’interaction du rhum avec le bois lors du vieillissement.
R : Vous devez avoir un sacré problème de part des anges avec un tel climat !?
AO : C’est vrai que Flor de Caña a été confronté à cette problématique. Mais nous avons trouvé une solution écologique. Les fûts de bourbon premium (maximum 3 ans) arrivent chez nous où ils sont désamorcés, ils sont ensuite re-toastés, puis réamorcés. On y place le rhum et un bouchon.
Et on va couvrir les bouchons avec des feuilles de banane plantin sèches afin de limiter l’interaction avec l’air. Depuis que nous utilisons cette technique, la part des anges est passée de 14% la première année à 6% seulement.
R : Parlez-nous de ce nouveau rhum Flor de Caña 130e anniversaire ?
AO : Nous avons fourni un effort sur le packaging, avec un coffret violet qui rappelle le volcan qui surplombe le domaine le domaine, un étui à fermeture magnétique, une bouteille numérotée qui porte la signature de notre maestro ronero Tomas Cano… mais nous avons surtout voulu innover dans le contenu.
Par exemple, il s’agit de notre rhum avec le degré le plus haut, avec notre brut de fût : 45°. Rappelons que l’ensemble de gamme Flor de Caña en Europe (à part le 14 ans qui est à 43° en France) est à 40° et qu’en Amérique centrale, la norme est plutôt à 35°. Avec ce rhum à 45° nous répondons à une demande des consommateurs à la recherche de spiritueux à haut degré.
Et dans la gamme, le 130e anniversaire vient combler le gap entre le 18 ans et le 25 ans, en termes de prix et d’âge.
R : D’ailleurs quel est l’âge de ce rhum ?
AO : Ce n’est pas mentionné sur la bouteille, mais nous sommes sur un blend de minimum 20 ans d’âge.
R : A-t-il connu des ajouts de sucre et de caramel ?
AO : Il y a 0, 00% de sucre ou de caramel ajouté, 0, 00% d’accélérateurs de vieillissement. Nous sommes très fiers de pouvoir le montrer grâce à nos certifications. Et puis nous ne serions allés chercher 5 distillations si c’était pour rajouter des additifs ensuite !
R : Flor de Caña fait vieillir ses rhums dans des ex-fûts de bourbon, mais est-ce que vous envisagez de faire des finishs avec des fûts ayant contenus d’autres alcools ?
AO : Nous y travaillons, nous expérimentons des choses différentes. L’année dernière j’ai pu gouter un finish en fût de tequila, un finish en fût champagne, en fûts de cognac… mais ce n’était pas encore au point selon notre maître rhumier.
Mais quand ce sera prêt, des innovations de cette sorte seront certainement lancées sur le marché. Nous réfléchissons aussi à faire des single casks.
R : Et des rhums de pur jus de canne, ou de miel de canne, est-ce dans vos plans ?
AO : Pas à ce que je sache. Par contre il y une réflexion autour du parcellaire et du bio et nous avons axe très fort autour de l’écologie. Nous sommes neutres en carbone, du champ jusqu’au marché.
C’est-à-dire que nous allons compenser le carbone que nous émettons en plantant 50 000 arbres par an. Notre objectif avec One Tree Planted c’est d’arriver à 1 million d’arbres plantés d’ici 2025. Tout le verre utilisé au Nicaragua est recyclé et réutilisé.
En France aussi, par exemple tout le packaging du 14 ans est recyclé et recyclable. Pour le transport nous n’utilisons jamais d’avions, ce qui a un impact sur les temps de livraison.
R : Flor de Caña communique beaucoup sur l’écologie depuis quelques années, est-ce que l’affaire de la ‘maladie des coupeurs de canne’ (dont Rumporter c’était fait l’écho NLDR), a été un déclic ?
AO : Vous faites bien d’en parler, ça me donne l’occasion de préciser certains points. Déjà il ne s’agit pas d’une maladie spécifique aux coupeurs de canne à sucre, même s’ils sont aussi touchés.
En fait on la retrouve dans de nombreux secteurs de l’industrie au niveau mondial comme les mines, la pêche, la riziculture, l’exploitation portuaire… et elle a été détectée dans des pays aussi divers que la Nicaragua bien sûr mais aussi le Sri Lanka l’Egypte, le Costa Rica, le Salvador, l’Inde, même les USA…
Ensuite, depuis 1913, Flor de Caña prend soin de ses employés. Ça a commencé par la construction d’une école au sein de la distillerie, ce qui leur a permis d’accéder à une éducation gratuite. Ensuite en 1958 un hôpital a été construit pour prodiguer des soins gratuits aux employés et à leurs familles.
Depuis le début des années 1990, Flor de Caña est donateur pour faire reculer notamment la maladie du bec de lièvre chez les enfants, ou même la pauvreté dans le pays. Depuis 2005, j’en ai parlé, nous récoltons le CO2, depuis plus d’une dizaine d’années nous produisons nos rhums grâce à l’énergie de la bagasse…
Bref nos actions envers nos employés et l’écologie ne datent pas d’hier ! Et concernant le fameux ‘scandale’, la personne qui avait écrit l’article a publié un démenti un an plus tard.
FH : On ne peut pas vraiment parler de démenti, mais d’un article qui venait compléter le premier…
AO : En tout cas il a raconté les choses comme elles devaient l’être. De notre côté, conscients du problème nous avons commandé des études, notamment à l’université d’Harvard aux USA, pour essayer de comprendre pourquoi certains de nos employés tombaient malades d’une insuffisance rénale chronique.
Même si toutes les causes n’ont pas été trouvées par les scientifiques, nous avons compris que nous pouvions enrayer la maladie par une meilleure hydratation des employés, un suivi médical régulier, le fait de ne plus faire appel à des sous-traitants qui sont plus difficiles à contrôler…
Le temps de repos a aussi été pris en compte car le travail dans les champs avec une forte chaleur et une forte humidité est difficile et peut mettre en évidence la maladie. Ensuite nous avons fait appel à l’organisation Isla Network du défenseur des droits de l’homme Jason Glaser et l’organisme qui promeut la production d’une canne à sucre durable Bonsucro, pour venir constater les choses que nous avons mises en place.
Nous avons créé avec eux de nouvelles normes mondiales pour l’industrie. Et nous les appliquons évidemment. Depuis notre action est reconnue internationalement puisque Flor de Caña a notamment gagné le sustainability award de Spirit Business, le green award de Drinks International…
Au final on peut dire ce scandale a été un moteur pour nous mettre à niveau en termes de normes et de réglementation.