Il est un peu l’oracle des Martiniquais, celui qui va leur annoncer s’il va faire beau et chaud, frais et humide… et combien de temps cela va durer ! Jean‑Noël Degrace, responsable du centre de Météo-France Martinique, est également consultant en hydrométéorologie pour l’Organisation météorologique mondiale (institution de l’ONU) et pour la Banque mondiale pour les projets de coopération particulièrement dans la Caraïbe… bref le climat des Antilles n’a plus de secret pour cet amateur de rhum, qui officie depuis près de 20 ans.
Lors d’un précédent article (la campagne de récolte de la canne 2019), un grand nombre de producteurs de rhum de Martinique et de Guadeloupe nous avaient fait part de leur inquiétude quant à l’évolution du climat sur leurs îles. Avec des épisodes climatiques extrêmes ressentis comme de plus en plus nombreux, que ce soient les tempêtes tropicales qui risquent d’abîmer les plants de canne à sucre, voire de provoquer des glissements de terrain ou des inondations dans les champs… ou de longues périodes de sécheresse, où si le manque d’eau permet une plus grande concentration de sucre au sein des cannes, il fait aussi chuter drastiquement les rendements. Nous avons donc décidé de demander à un spécialiste de la météorologie et du climat de nous dire ce qu’il en était vraiment.
Fabien Humbert : Première question, êtes-vous amateur de rhum ?
Jean-Noël Degrace : Amateur oui, dans le sens gourmet plutôt que gourmand. C’est-à-dire que j’aime boire de temps en temps des rhums très âgés, mais que je ne suis pas un adepte du décollage ou du ti punch régulier. Cependant je ne me considère pas comme un connaisseur.
FH : Et qu’est-ce que vous aimez déguster ?
JND : J’avoue que je suis très martiniquo-martiniquais concernant le rhum parce que c’est ici que j’arrive à mettre la main sur les rhums âgés que j’apprécie. Par exemple j’ai encore une bouteille de Bally 1929 ou une Dillon 1979. Je connais aussi un petit peu les rhums guadeloupéens, cubains ou haïtiens, mais je les apprécie moins. Je n’ai pas réellement de marques préférées à la Martinique, mais par exemple j’apprécie beaucoup HSE en XO, ou la Flibuste de la Favorite car il se trouve que j’habite à proximité.
FH : Est-ce que vous travaillez avec les producteurs de rhum ?
JND : Pas directement. Je le regrette parce que nous en avons discuté plusieurs fois, notamment avec Nathalie Guillier-Tual du groupe BBS (Trois Rivières et Maison La Mauny), mais ça n’a pas débouché sur une collaboration.
FH : En quoi une assistance météo pourrait aider l’agriculture particulière qu’est la production de canne pour le rhum agricole ?
JND : Cela apporterait une meilleure anticipation, une meilleure planification et une meilleure compréhension de ce qui se passe sur les pluies, l’évapotranspiration, l’ensoleillement… Nous pouvons compléter ce suivi par des prévisions, des tendances, certes pour les jours à venir, mais aussi sur les mois à venir, voire pour la saison. Par exemple, les Antilles connaissent d’importants déficits en eau, ce qui a un impact sur l’agriculture. Il est intéressant de connaître les causes de ce déficit, de savoir s’il va perdurer à plus ou moins long terme.
RUMPORTER
Édition été 2021
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