Bonjour à tous ! Quand on m’a proposé de faire une sélection de rhums pour la fin d’année, je me suis posé quelques questions, à commencer par : la catégorisation. Comment grouper les rhums de manière logique et qui parle au plus grand nombre. Se concentrer sur la robe ne m’a pas semblé pertinent – vous savez tous comme la couleur d’un rhum peut être manipulée. J’aurais pu utiliser le prix, avec trois, voire quatre fourchettes différentes, mais je me suis dit que prix et qualité n’étaient (contrairement à ce que beaucoup de personnes peuvent penser) pas toujours liés.
Je suis finalement parti sur la notion d’expérience du dégustateur, qui est déjà le classement adopté par Rumporter l’année dernière ; avec même une tentative de classement croissant au sein de chacune de ces catégories : le premier de la catégorie débutant est plus simple à aborder que le dernier de la même catégorie – même si tout ça reste très subjectif.
Je n’ai choisi que des rhums qui me parlent, soit du fait d’un historique sur mon parcours du rhum, soit parce qu’ils sont sur mes étagères, soit parce que je les ai dégustés récemment et qu’ils m’ont marqués.
Autre point non négligeable, vous pouvez encore trouver tous ces rhums chez les cavistes, physiques ou en ligne – mais ça ne veut pas forcément dire qu’ils sont tous faciles à dénicher pour autant ?
POUR LES DÉBUTANTS
El Dorado 12 ans
Je ne pouvais entamer cette série sans parler du El Dorado 12 ans, qui fut pour moi LE rhum qui m’a fait rentrer dans ce monde, grâce à un bar à Hambourg et à un caviste parisien (salut Freddy ?). Il nous vient du Guyana (Guyane Anglaise) et plus précisément de la seule distillerie encore en activité : DDL (Demerara Distillers Limited). El Dorado est la marque phare de la distillerie, qui propose par ailleurs de nombreux autres rhums ; ce 12 ans est un bon moyen de découvrir cette origine.
Facile d’abord avec son nez gourmand sur les fruits caramélisés (abricot en tête), l’amande et la vanille, il gagne en profondeur et en complexité grâce aux arômes de bois et de tabac. On garde en bouche la même trame aromatique, toujours bien équilibrée. Sur la finale, ce sont les notes de bois et de vanille qui dominent mais le tabac et la noix ne sont pas loin.
Plantation Barbados 2005
Je voulais un rhum de la Barbade dans cette sélection ! La gamme Plantation est souvent un bon moyen de s’ouvrir sur un « terroir » grâce à des rhums qui offrent les marqueurs typiques d’un pays ou d’une distillerie, avec régulièrement un peu de sucre ajouté qui peut aider les débutants.
Ce millésime de la Barbade et de la distillerie WIRD (West Indies Rum Distillery) rentre parfaitement dans cette définition : un instantané de la Barbade avec ses arômes de noix de coco, d’épices, de vanille et de bois. Ajoutez-y une pointe d’agrumes et une note torréfiée et vous avez ce 2005. Quant au sucre, il y en a – un peu – mais pour ne rien vous cacher, je ne l’ai pas décelé et c’est exactement ce que Plantation cherche à faire : rendre leurs rhums millésimés les plus harmonieux et abordables possible grâce à ce dosage, sans pour autant que l’on puisse le détecter. C’est réussi.
Depaz blanc 50%
La distillerie Depaz se situe au nord-ouest de la Martinique, pas très loin au nord de Neisson. Si vous lisez mon blog de temps à autre, vous savez que c’est par Depaz que je suis venu aux agricoles, ce n’est pas rien. Je n’ai découvert ce Depaz blanc à 50 degrés que bien plus tard lors d’une dégustation à l’aveugle et c’est grâce à son équilibre et à sa dominante de jus de canne à sucre qu’il m’avait séduit.
Il représente selon moi le rhum blanc martiniquais. C’est cet équilibre, et sa relative douceur qui le rendent très abordable. Et je ne vous parle même pas des ti-punchs proches de la perfection qu’il peut permettre de réaliser.
Maison La Mauny VSOP
La distillerie La Mauny en Martinique, produit des rhums agricoles AOC. On a cette idée – souvent vérifiée – que les rhums pur jus de canne des Antilles Françaises sont plus secs, plus épicés et paraissent plus fort en alcool. Aussi est-il plus dur de s’y frotter. Mais il arrive que certains d’entre eux se fassent plus doux et moins « sévères » aux palais non-initiés.
Ce VSOP par La Mauny en est un parfait exemple avec son identité composée de vanilles, d’épices, d’orange et d’un peu de bois. C’est ce genre de rhum (avec le VO Signature Maître de Chais également de Maison La Mauny) qui pourra aider certains à se frotter aux rhums agricoles.
Neisson Profil 105 bio
Neisson est une petite distillerie familiale de Martinique. Les rhums qui en sont issus témoignent de l’exigence avec laquelle Grégory Vernant Neisson et son équipe travaillent. En outre, leur production s’inscrit dans une réflexion plus large, avec des questionnements et des prises de position sur leur terre et leur terroir. C’est donc naturellement que Neisson est la seule distillerie AOC à produire des rhums bio.
Ce Profil 105, qui n’est qu’un élevé sous bois, m’aura totalement conquis lors du Whisky Live à Paris en octobre dernier. Son vieillissement en fût à la chauffe particulière lui octroie un profil d’une gourmandise extrême aux forts accents pâtissiers. Quelques épices viennent lui donner juste ce qu’il faut de relief. Un rhum franc qui vous délivrera sans fard ce qu’il a à offrir !
POUR LES AMATEURS ÉCLAIRÉS
Black Tot Rum
Je ne vais pas vous refaire l’historique the Black Tot day, mais en gros les marins sont des alcooliques et la navy anglaise ne faisait pas exception. Ce petit rhum sans prétention s’inscrit parfaitement dans la tradition des blends de rhums des anciennes colonies anglaises, avec au programme Guyana, Barbade et Jamaïque. Aucun ajout d’aucune sorte et un prix très compétitif.
Des arômes torréfiés, crémeux, mielleux et d’esters au nez, puis une bouche sombre et bien équilibrée en puissance, avec encore une note jamaïcaine. La finale est empyreumatique et toujours sèche. Un bel exercice que ce blend.
Trois Rivières Triple Millésime 1999-2000-2010
J’ai eu la chance de déguster ce rhum en Martinique dans les chais de La Mauny – Trois Rivières en compagnie de Daniel Baudin ; il m’avait alors laissé une impression très positive. Puis c’est lors du Salon Club Expert de Dugas que j’ai pu confirmer tout le bien que j’en pensais !
Cette troisième version du Triple Millésime de Trois Rivières propose un nez très charmeur, complexe et frais : noisette (apportée par le 2000), zest d’orange, épices et chocolat au lait. Gourmand et équilibré. Son profil va évoluer au cours de la dégustation en suivant une voie plus boisée et épicée. En voilà une qui devrait atterrir sur mes étagères sous peu ?
Manutea Blanc 50°
Etant très rhum blanc agricole, je ne pouvais pas sous-représenter cette catégorie. J’apprécie beaucoup ces rhums des Antilles Françaises, avec lesquels je me prépare des ti-punchs tous les vendredis, mais ce n’est pas la seule origine à produire d’excellents rhums blancs pur jus de canne.
Tahiti, depuis quelques années nous abreuve de nouveaux venus, l’un d’entre eux étant Manutea. Ils ont deux rhums non vieillis à leur arc, un 40% et un 50% ; ma préférence va vers ce dernier, grâce à son profil très canne à sucre, une canne fruitée et organique aux accents réglissés.
Une vraie identité, qui se démarque de ce que l’on déguste habituellement dans les pur jus. A boire tel quel, il ne fonctionne selon moi pas très bien en ti-punch.
Karukera 2008 L’Expression
La Guadeloupe maintenant avec l’éleveur-embouteilleur Karukera. Un jus qui vient de chez Longueteau (et on connait la qualité de leurs rhums blancs) et de l’élevage presque exclusivement en fûts de chêne français. Depuis quelques années Karukera nous sort différentes versions de ce millésime 2008 (et il devrait encore y en avoir à venir).
S’il fallait trouver un point commun entre toutes ces expressions c’est sans doute ce profil chaud, gourmand et facile. Moins de finesse que sur le millésime 2009 mais un plaisir immédiat du nez à la finale sur une intensité chaude, boisée et torréfiée. Un rhum réconfortant.
La Favorite Privilège pour Lulu
Après Neisson, voici l’autre petite distillerie familiale de l’île, avec sa dernière création. Derrière ce rhum au nom énigmatique se cache un clin d’œil, si ce n’est un « hommage » à la grand-mère de Franck Dormoy.
En ce qui concerne l’élaboration de celui-ci, nous sommes sur un assemblage de cinq millésimes : 1998, 2000, 2001, 2002 et 2008. La maison est plus connue pour ses millésimes et c’est ici un vrai travail d’assemblage qui a été réalisé pour arriver au résultat escompté et trouver l’équilibre.
C’est réussi, avec un premier rôle qui est conjointement tenu par ce poivre si typique de La Favorite et des arômes pâtissiers. Pour moi c’est un des rhums vieux de la distillerie le plus réussi.
POUR LES AMATEURS CONFIRMÉS
HSE 2003 – MEB mars 2019
J’ai également eu la chance de faire la connaissance de ce rhum en Martinique. C’est après une visite de l’Habitation Saint Etienne que j’ai dégusté ce millésime 2003, mis en bouteille à peine deux mois plus tôt, puisqu’il s’agit ici de l’embouteillage de mars 2019.
Ce 2003 a déjà été décliné plusieurs fois au fil des mois et des années mais j’ai un faible pour cette petite dernière. Beaucoup de complexité et d’évolutivité pour un rhum placé sous le signe de la gourmandise.
Ce genre de rhum sur lequel vous pouvez passer la soirée, sur ses notes fruitées, sombres et boisées au fur et à mesure qu’elles se relaient sous votre nez et sous votre palais. Et pourquoi ne pas l’associer à un carré de chocolat noir de qualité ? Moi j’ai sauté le pas ?
Chantal Comte La Tour de l’Or La Mauny 2001
On ne présente plus Chantal Comte mais je vais vous la présenter quand même. Elle est l’une des premiers embouteilleurs indépendants à avoir proposé des rhums de Martinique, et ce sur des millésimes datant des années 70.
Certaines de ses sélections sont remarquables et désormais recherchées par de nombreux collectionneurs, et alors que je ne suis pas un fan inconditionnel de toutes ses sélections, ce La Mauny 2001 brut de fût est exceptionnel. Il est tantôt fruité, tantôt boisé mais toujours chaleureux et même charnel. Dur de croire qu’il est à plus de 60 degrés tant il est facile d’y revenir ; ce que l’on souhaite volontiers faire tout au long d’une soirée, pour lui laisser la liberté d’évoluer dans le verre. Il y en a encore à la vente, je ne sais pas pourquoi…
Ferroni Gwada 1998 – 56.5%
Guillaume Ferroni est un barman savant fou, un historien touche à tout passionné de spiritueux. Il produit plusieurs alcools chez lui dans le sud de la France, Pastis, rye whisky, Ratafia de Marseille, Gin, Falernum et j’en passe… beaucoup.
Mais avant de se mettre à distiller, il avait commencé par mettre en bouteille des rhums. Différentes origines, différents stades de vieillissement avec entre autres une gamme de bruts de fût. Ce Ferroni Gwada 1998 en fait partie. C’est un de rhums les plus complexe et riche qu’il m’ait été donné de boire, un pot-pourri d’arômes pâtissiers (caramel cuit, amande, épices douces et chaleureuses, agrumes, pomme), de notes plus sombres, voire animales (tabac, cuir, bâton de réglisse, boisé) et une touche mentholée et médicinale. Exubérant !
Clairin Casimir Batch 5 (2018)
On ne connait les clairins que depuis cinq ans – grâce à Velier – mais quelle claque cela aura été de mettre le nez dans ces alcools pur jus de canne originaires d’Haïti. Petits alambics, longues fermentations, levures indigènes, les ingrédients sont réunis pour obtenir des bombes aromatiques.
Ils nous régalent précisément d’arômes expressifs à l’extrême et organiques ou très canne, chaque distillerie a ses particularités gustatives et le Clairin Casimir est sans doute le plus marqué, celui à l’identité la plus affirmée.
Le cinquième batch ne déroge pas à sa réputation et ses arômes fumés organiques et surtout fermiers ne pourront laisser quiconque de marbre. Un millésime à ne pas manquer.
Worthy Park High Esters 67%
Quand on pense Jamaïque et surtout exubérance jamaïcaine, c’est avant tout Hampden qui vient à l’esprit et depuis quelques années New Yarmouth mais ce serait une erreur de ne pas évoquer Worthy Park – plus ancienne distillerie du monde encore en activité.
Leur gamme a été revue il y a environ deux ans de cela et y a été récemment ajouté un rhum High Esters. Vous vouliez une claque ? Servez-vous ! Aller simple explosif pour la Jamaïque, tout en puissance et en intensité, aux arômes exubérants et à l’acidité prononcée des fruits tropicaux sur le point de pourrir. Et le meilleur dans tout ça ? Il parvient à offrir de la gourmandise en plus de tout le reste. Je ne vous parle même pas de la finale…
Vous vouliez des conseils pour trouver des cadeaux ? Vous voilà avec une liste pour vous faire plein de cadeaux à vous-même ?
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