Cela fait plus d’un an maintenant que Diageo a créé sa filiale de distribution en France. Côté rhums, elle a pris en main les destinées de Zacapa et Captain Morgan. Benoit Lohio, directeur commercial de Diageo France, nous explique comment il compte continuez de développer ces deux marques iconiques sur le marché français.
Pouvez-vous nous parler de la genèse de Diageo France ?
Diageo France est une filiale de Diageo qui a pour vocation de distribuer les produits du groupe sur le marché français. Auparavant, ces marques étaient distribuées par MHD, mais nous avons souhaité leur donner un nouvel élan en France, avec des équipes dédiées.
Et nous sommes assez fiers d’avoir recruté un peu plus de 90 personnes sur un peu moins d’un an, et d’avoir monté une structure très forte qui commence à faire ses preuves. Puisque les parts de marché sont en train de virer au vert dans le territoire sur les trois derniers mois (l’entretien a été réalisé début juillet NDLR.), que ce soit en grande distribution ou sur la partie cavistes et CHR. Ce qui prouve que notre travail fonctionne, la stratégie commence à se mettre en place de manière effective sur le terrain.
Pourquoi ne pas avoir continué avec MHD ?
Quand on faisait un état des lieux de notre poids sur les différents marchés dans le monde, en France, on pesait 8 %. En soi, c’était déjà très bien. Et c’est grâce aux équipes de MHD qu’on est arrivé à ce niveau-là qui nous place en troisième position des acteurs du marché des spiritueux. Ce n’est pas rien.
Mais, quand on compare ce chiffre au poids qu’on représente dans les autres marchés, qui est plutôt de 15 et 17 %… très clairement, il y avait un écart. Le moment était donc venu de donner une accélération différente autour de nos marques spécifiques.
Par exemple, Johnnie Walker est le whisky numéro un, le plus vendu dans le monde. Aujourd’hui, on est quatorzième ou quinzième whisky français. La question, c’est donc comment on fait demain pour revenir sur le podium des trois premiers whiskys les plus achetés par des Français.
Donc, le but de la création de Diageo France, c’est de reprendre en main nos marques, de repasser en fait à un système de priorisation autour d’elles et de trouver des axes stratégiques sur les cinq prochaines années (puis les années qui suivront), pour se développer davantage.
Concernant le rhum, comment se structure votre portefeuille ?
Chez Diageo France, nous gérons deux marques en direct. Il s’agit de Captain Morgan et de Zacapa. Captain Morgan est la plus grosse marque de notre portefeuille, tous alcools confondus, qui est plutôt positionné « Access », Spiced Rum.
Les équipes de MHD avaient fait un très beau travail autour de cette marque historique, poids lourd du marché français. Nous avons aussi Zacapa, qui est un rhum de dégustation haut de gamme, voire très haut de gamme.
Qu’en est-il de Santiago de Cuba et de Don Papa ?
Ces deux marques continuent d’être distribuées auprès des cavistes par Dugas.
Quelle est l’importance de Captain Morgan pour Diageo France ?
Captain Morgan est clairement en tête de liste par sa volumétrie annuelle. Même s’il est vrai qu’elle a subi une légère baisse de ses ventes dernièrement parce qu’elle souffrait d’un manque de nouveautés.
C’est pour ça qu’on lui a apporté un vent de fraîcheur en mars dernier, avec la sortie d’une nouvelle référence sans alcool, Captain Morgan 00 %, qui correspond aujourd’hui à 2 % des ventes.
Croyez-vous au succès des alternatives sans alcool ?
Ce succès démontre qu’il y a un véritable engouement autour de la modération et que ce type de produits fonctionne bien. On l’avait déjà constaté avec Tanqueray sur le segment des gins, qui représente désormais environ 20 % des ventes de la marque.
La taille de Captain Morgan n’a rien à voir avec celle de Tanqueray, donc 2 % c’est déjà un très bon résultat. Et quand on regarde les prévisions, le segment « modération » devrait croître de 12,5 % sur les cinq prochaines années.
Quelle est votre stratégie pour développer vos deux marques de rhum ?
Chaque marque est traitée différemment au niveau de la stratégie, car elles sont très différentes et ne s’adressent absolument pas au même type de consommateur. Notre stratégie est fondée sur trois axes.
Le premier, c’est la modération, tout ce qui est nouvelles alternatives à l’alcool. Le deuxième axe de croissance c’est de redonner à Captain Morgan de la visibilité sur les points de vente.
C’est un produit qu’on ne trouve pas uniquement en grande distribution, qu’on trouve aussi dans énormément de bars en France et on veut s’assurer que les ventes sur ces circuits de distribution progressent.
Est-ce que Captain Morgan va se premiumiser afin de plaire aux amateurs, aux amatrices éclairées de rhum ?
Ce n’est pas dans les tuyaux, on a avant tout un vrai travail de stabilisation de la marque à accomplir. Il va falloir travailler l’exécution. Vous savez, il y a beaucoup de ventes qui se perdent potentiellement parce que l’exécution n’est pas parfaite. C’est notre troisième axe d’ailleurs.
Et pour Zacapa ?
La gamme de ce rhum de dégustation premium commence à 49 euros prix de vente en grande distribution. Elle va de Zacapa Solera jusqu’à Zacapa Royal en passant par Zacapa XO… On va monter à 135, 150 euros sur une bouteille de XO et puis au-dessus des 200 euros pour une bouteille de Royal.
Certaines déclinaisons à l’intérieur de la gamme ne se retrouvent que sur certains canaux. Par exemple, les cavistes et le CHR ont un accès privilégié aux éditions Negra.
Vous mentionnez le «rhum premium». Pouvez-vous nous préciser ?
La premiumisation est une tendance qui continue de croître en France. Pour résumer, on boit moins, mais mieux. Quand je parle de premiumisation, je ne pense pas uniquement aux bouteilles à 30 euros et plus. La premiumisation, c’est aussi de passer d’une bouteille de marque de distributeur à une marque nationale.
Il y a peut-être un écart de 50 centimes, mais ça reste de la premiumisation. Donc, la stratégie va être de s’inscrire dans cette demande de premiumisation, cette attente du consommateur de trouver des produits exceptionnels.
On a déjà commencé, en juin, avec un ensemble d’activations Zacapa à Paris. Nous avons par exemple été présents sur le fameux affichage des galeries Lafayette pendant quasiment tout le mois de juin ! Vous nous retrouviez également à l’intérieur des Galeries avec une boutique.
On a aussi travaillé les vitrines chez nos cavistes, on a organisé énormément de dégustation du produit sur les différents réseaux. Vous retrouviez également ce rhum sur quasiment tous les prospectus promotionnels des enseignes au moment de la fête des Pères. Zacapa est aussi présent dans les palaces, au Lutetia par exemple.
Il y a aussi le système des « ambassades ». C’est-à-dire des lieux où vous allez retrouver toute la déclinaison de la gamme, avec des serveurs formés autour du produit, des cocktails faits sur mesure travaillés avec nos brand ambassadors, etc. Vous voyez l’intérêt qu’on porte à cette marque-là, l’investissement qu’on y met. Et on va continuez à le faire.
Est-ce que ce n’est pas difficile d’expliquer ce rhum produit selon la méthode Solera, qui arbore des numéros comme 23 ? On peut penser que c’est l’âge, mais en Europe, ce n’est pas le cas…
En juillet dernier, on a fait évoluer nos bouteilles, et le numéro 23 n’y figure plus. Désormais c’est le Gran Solera qui est mis en avant plutôt que ce chiffre. On est tout à fait adapté aux législations françaises pour ne pas tromper notre consommateur.
C’est très important que les consommateurs puissent comprendre comment ce rhum est fabriqué. Après, on a la chance d’avoir un consommateur français qui est connaisseur en ce qui concerne les spiritueux. Sans doute parce qu’on a poussé avec les pieds dans les vignes!
En tout cas, quand on fait des études consommateurs, on se rend compte que le consommateur français sait que des rhums blancs agricoles existent, que des rhums bruns existent… vous demandez ça à d’autres types de population dans le monde, je ne suis pas sûr qu’ils puissent vous citer un rhum !
Quel est le rôle de Lorena Vasquez auprès des consommateurs ?
Une bouteille de Zacapa Gran Solera est un produit exceptionnel. C’est un rhum guatémaltèque, qui est fabriqué par Lorena Vasquez depuis plus de 41 ans maintenant. Une grande dame, très reconnue dans le milieu.
C’est une figure parce qu’elle a réussi à créer ce liquide incroyable. Elle est la première ambassadrice de la marque. Elle vient régulièrement en France. Son rôle est de faire comprendre d’où vient ce rhum, de faire comprendre comment Zacapa est fabriqué, quels types de fûts sont utilisés.
Avec des champs de canne à sucre qui poussent près de la mer et puis un vieillissement à 2300 mètres… C’est ça aussi qui rend magique le produit. Sans parler de la petate.
Qu’est-ce que la petate ?
C’est le fameux lien, la tresse qui enserre le bas de la bouteille. Ils sont fabriqués par une communauté de 700 femmes au Guatemala. Grâce à cela, on leur assure un revenu fixe sur le long terme, ce qui leur permet aussi de pouvoir faire des plans de vie pour elles, pour leur famille, etc.
Est-ce que d’autres rhums vont être pris en distribution ou qui vont entrer dans le portefeuille de distribution de Diageo France ?
Quand on prend Don Papa, Captain Morgan et Zacapa, on se place déjà très bien sur le marché français. Donc, ce n’est pas prévu qu’on ait des rhums additionnels.
Pour finir, comment se porte le marché des spiritueux en France, selon vous ?
Il va mieux qu’il n’a été. Je ne dis pas que tous les signaux sont au vert. Il sort progressivement du rouge après une effervescence postcovid, puis une chute de la consommation.
Sur 2024, en volume, on est à moins 1,8 %. Donc, on est toujours dans un contexte qui est difficile où on continue à déconsommer, mais moins vite et moins fort qu’auparavant. Ca, c’est quand on regarde le total marché. Mais à l’intérieur de ce marché total, certains territoires connaissent une croissance, tandis que d’autres peinent.
Par exemple, la tequila se porte bien, le gin aussi. Et au niveau du rhum, les rhums bruns aussi. Donc au final, quand on creuse un petit peu, on constate que des segments, des sous-segments sont encore dans une dynamique positive. Et donc c’est là-dessus qu’on va capitaliser, évidemment.