90% du rhum produit sur la planète est fabriqué à partir de mélasse de canne à sucre. Or on connaît mal cette matière première, ses utilisations diverses, ses marchés. Rumporter a donc décidé de défricher un peu la question.
À l’origine (du rhum), il y a la mélasse. N’en déplaise aux aficionados du rhum agricole ou de pur jus de canne, c’est bien à partir de ce dérivé du sucre que les premiers spiritueux (kill devil, tafia, guildive, rum bullion…) qui deviendront le rhum, ont commencé à être produits au 16e siècle.
Si toutefois on exclut la cachaça brésilienne de l’équation. Dans les Caraïbes, que ce soient dans les îles dominées par les Français, les Anglais, les Espagnols, les Hollandais ou les Danois, la culture de la canne à sucre a d’abord été introduite pour produire du sucre. Et ce sont les chutes et les écumes qui restaient, ou qui tombaient en dehors des chaudrons lors de la cuisson du jus de canne, qui étaient utilisées pour fabriquer du rhum.
On est encore loin du produit hautement industrialisé qu’est aujourd’hui devenue la mélasse, mais c’est un début. Au départ, la mélasse utilisée pour produire le rhum fut locale. Puis au fur et à mesure qu’on en perfectionnait la production et qu’elle devenait un produit relativement stable, elle commença à être exportée. Le commerce mondial de la mélasse est donc une activité très ancienne, qui perdure à l’époque moderne.
Ainsi, au 18e siècle, les plus gros consommateurs de rhum étaient les Treize Colonies, aujourd’hui devenus les États-Unis d’Amérique. Ils achetaient bien sûr du rhum en provenance des îles anglaises (Barbade et Jamaïque en tête), mais aussi directement de la mélasse pour produire du rhum ‘localement’.
Boston notamment devint un très important hub de production de rhum à partir de mélasse importée de toutes les îles de la Caraïbe. Ce tropisme pour le rhum ne résista cependant pas à l’indépendance des USA, et à partir du début du 19e siècle, la production et la consommation de rhum commencèrent à y décliner en faveur du whiskey et du bourbon.
Les rhums élaborés à partir de mélasse importée
De nos jours, plusieurs pays qui ne cultivent pas, ou peu de canne à sucre (et donc ne fabriquent pas de sucre), font partie des plus gros producteurs de rhum. Par quelle magie ? Parce qu’ils importent de la mélasse. On peut notamment citer Sainte-Lucie et Saint Lucia Distillers, qui élabore notamment Admiral Rodney, Chairman’s Reserve ou encore Bounty, et qui fait en partie appel à de la mélasse importée du Guyana et de la République Dominicaine.
Et bien sûr Porto Rico, petit pays associé aux USA, qui accueille trois des plus grandes marques de rhum au monde, Bacardi, Captain Morgan et Don Q, sans produire de canne à sucre ou presque. Ou encore Trinidad & Tobago, où l’on produit Angustura ou encore Kraken, et par le passé Caroni.